L'Aigle noir (Aquila nera) : Dubrovsky ou quand le cinéma italien parle russe.

L'Aigle noir (Aquila nera) - Film de Riccardo Freda, 1946. 


En 1832, le poète et romancier Alexandre Pouchkine commence l'écriture d'un roman qui restera inachevé, Dubrovsky - ou Doubrovski-. Ce récit ne sera publié qu'en 1841, soit quatre ans après la mort de l'auteur. 

L'histoire est celle d'un jeune noble de 20 ans, Vladimir Dubrovsky, membre du régiment de l'Impératrice Catherine, qui mène joyeuse vie à Saint-Petersbourg. Rappelé d'urgence par sa vieille nourrice, il revient chez son Père mourant. 



Petit propriétaire terrien, celui-ci s'est disputé avec son voisin et vieil ami Troékourov qui, par vengeance, a oeuvré pour s'approprier sa terre. Il a pour cela fait appel à un homme de loi douteux qui a rédigé une fausse revendication du domaine; Troékourov entend chasser Dubrovsky et asservir ses paysans et serviteurs. 

Lorsque, pris de remords en apprenant l'état de son voisin, Troékourov se présente chez lui pour se réconcilier, Dubrovsky pense qu'il est venu le chasser de sa maison et meurt de saisissement. Fou de douleur, Vladimir jure de le venger. 

Illustration de D.A.Shmarinov - 1961 (copie modifiée)

Accompagné de plusieurs de ses paysans et serviteurs, il constitue une bande de bandits qui va faire régner la terreur sur la région, s'en prenant aux riches pour venger les pauvres.

A la fois drame, roman d'amour et d'aventures, Dubrovsky donnera lieu à diverses adaptations : au cinéma, à la télévision et à l'opéra.

L'oeuvre inachevé laisse la porte ouverte à des fins diverses, ce dont ne se priveront pas les différentes adaptations.
Pouchkine laissera en effet un document avec les titres des chapitres à écrire, suite à son manuscrit qui, faisant moins de 150 pages se termine assez brutalement.

On trouvera ainsi selon les adaptations :
- soit une fin heureuse avec le mariage du héros avec sa douce Mascha; 
Rossano Brazzi- soit une fin triste avec la séparation de nos deux héros, suite au mariage de Mascha avec un vieux noble;
- soit une fin dramatique, où Vladimir meurt dans les bras de Mascha, mortellement blessé dans le combat final.

L'aigle noir (Aquila nera) est la quatrième adaptation du roman de Pouchkine, après l'opéra composé par Eduard Nápravník en 1895, le film de Clarence Brown avec la star du muet Rudolph Valentino en 1925 et la version  d'Alexander Ivanovsky en 1935. Deux autres films suivront.
Il est à noter que seules les versions de 1925 et la présente version de Riccardo Freda utilisent le titre L'aigle noir - surnom donné au bandit masqué que Vladimir va devenir - et non Dubrovsky, titre d'origine.
Aquila Nera est donc la vision italienne proposée par Riccardo Freda, réalisation somptueuse qui met fortement l'accent sur l'aspect romanesque de l'histoire. Il fait pour cela appel à deux grands acteurs de l'époque, Rossano Brazzi dans le rôle de Vladimir et Gino Cervi dans le rôle de Petrovic ( personnage de Troékourov ).
Le film est surtout centré sur la rencontre et l'histoire d'amour entre Vladimir et Mascha, fille de son pire ennemi, puis sur la confrontation entre les deux hommes.


Portant une magnifique houppelande et arborant fièrement la chapka, Rossano Brazzi apparaît dans toute sa beauté romantique face à un Gino Cervi, plutôt convaincant en noble russe mais rustre.
Leur affrontement donne lieu à des scènes intéressantes mais parfois un peu statiques, une grande partie de l'histoire se passant dans le château de Petrovic.  
On aurait aimé davantage chevaucher dans les forêts avec le bandit masqué. 
Le film se suit avec beaucoup d'intérêt grâce au charme de ses héros, à la présence forte de Gino Cervi et à la vision à la fois naïve et poétique de la Russie des tsars par une réalisation italienne.

Riccardo Freda réalisera une suite, totalement inventée par rapport au roman d'origine, mettant plus l'accent sur l'action et l'aventure, "La vendetta di Aquila Nera ( La vengeance de l'Aigle noir).
A suivre......

David Copperfield : De l'enfance à la jeunesse !

David Copperfield - Téléfilm de Peter Medak, 2000.

Au fond de chacun de nous sommeille un petit garçon qui ressemble à David Copperfield.
Si le roman de Charles Dickens touche autant, c'est qu'il réunit à lui seul tous les thèmes liés à l'enfance et aux difficultés de la vie, qu'il en évoque à la fois les peines et les instants de bonheur, même si la jeunesse du héros est particulièrement sombre. Raconté à la première personne, il invite le lecteur à partager son ressenti aux divers moments de sa vie.
David Copperfield passe ses premières années dans le bonheur auprès de sa Mère adorée, Clara, et de la dévouée Peggotty, sa servante.


Le drame entre dans sa vie lorsque sa Mère se remarie avec le terrible Mr Murdstone, figure malfaisante qui pèsera sur la vie de David. Brutalement séparé de sa Mère, David est envoyé dans une terrible institution, l'Ecole Salem, où il connaîtra humiliations et punitions corporelles.
Totalement soumise à son mari brutal et déchirée par sa séparation d'avec son fils adoré, Clara ne survit que peu de temps.

Sorti de l'institution Salem, David revient chez lui pour y retomber sous l'autorité de son méchant beau-père. Afin de se débarrasser de lui, celui-ci l'envoie travailler dans une lugubre fabrique. Il s'en échappera peu après pour aller retrouver sa tante, à Douvres. La maison sise sur la falaise apparaît comme un véritable paradis à David qui y trouvera enfin le bonheur, ouvrant la voie à la deuxième partie de l'histoire où l'on va retrouver David sorti de l'enfance et ses premiers pas - difficiles également - dans la vie adulte.



Le roman de Dickens est en partie autobiographique, l'écrivain ayant glissé dans l'histoire de nombreux éléments de sa vie personnelle.
Ainsi, à 12 ans, le petit Charles Dickens travaille dans une entreprise de cirage, la famille connaissant de graves difficultés financières. Lorsqu'il évoque David dans la fabrique Murdstone et le déchirement de son âme, on sent qu'il s'est totalement investi dans ce souvenir.
Dickens décrira de même la prison pour dettes qu'a connue son Père à travers les malheurs de la famille Micawber. Si le personnage de cet homme haut en couleur entraînant sa famille dans ses divers essais de faire fortune jusqu'à son départ en Australie est traité sur le ton de la comédie, Dickens y montre bien son obsession de la misère et du besoin d'argent.

David Copperfield a connu diverses adaptations au cinéma, à la télévision et au théâtre.
Parmi les diverses adaptations que j'ai pu voir, celle présentée ici est ma préférée, avec la version de Simon Curtiz en1999 - plus fidèle au roman mais à l'interprétation plus inégale - et celle réalisée par George Cukor en 1935 - qui bénéficiait de l'interprétation bouleversante du jeune Freddie Bartholomew -.


Le David Copperfield de Peter Medak - réalisateur britannique d'origine hongroise - est une production américano-irlandaise, tournée en Irlande en 2000. Suivant la plupart du temps fidèlement les divers épisodes du roman, elle en diffère cependant par l'importance accordée au personnage de Murdstone et de sa soeur, véritables êtres malfaisants qui surgissent à divers moments de la vie de David.


La scène qui commence et clôture le téléfilm est de même un rajout destiné à nous présenter immédiatement le coeur du drame. Jeune adulte, David rencontre en Suisse dans un luxueux hôtel, son beau-père Mr Murdstone, à qui il s'adresse vivement, lui reprochant ses méfaits; il a causé la mort de sa Mère. Bouleversé, il commence à écrire le roman de sa vie.
Si cette introduction est une pure invention par rapport au roman, elle permet d'introduire l'histoire de façon originale.

Somptueuse réalisation qui n'a rien à envier aux adaptations cinématographiques, le téléfilm anime sous nos yeux tout le petit peuple de l'univers dickensien - qui peut se vanter d'avoir vu son nom devenir un adjectif ? -: La famille Peggotty vivant dans un bateau échoué sur la plage, la famille Wickfield vivant sous la coupe du sournois Uriah Heep, l'original Tante Betsy et le vieux Dick, adorable mais plutôt dérangé....


L'interprétation, sans comporter de très grands noms, est de grande qualité.
On retiendra surtout les deux attachants jeunes acteurs interprétant David enfant puis jeune adulte, - Max Dolbey et Hugh Dancy -, le talentueux Anthony Andrews dans le rôle du détestable Mr Murdstone, Franck Maccusket qui interprète un excellent Uriah Heep - mielleux et visqueux à souhait -, Sally Field en Tante Betsy et dans le rôle assez court de Mr Wickfield, quel plaisir de retrouver Edward Hardwicke - l'excellent Dr Watson de la belle série Sherlock Holmes des studios Granada -.


Un excellent téléfilm à découvrir.

David Copperfield et Peggotty - illustration de Jessie Willcox Smith (1863 – 1935)




Centralisation comédie-animation

Pas de nouvelle critique aujourd'hui mais une centralisation thématique qui revient aux origines du blog et vous fera peut-être découvrir d'autres films, via des critiques plus anciennes.
L'ordre en est chronologique.

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Le magicien d'Oz - Film de Victor Fleming, 1939

Un burratino di nome Pinocchio - Film de Giuliano Cenci- 1972

Charlie et la chocolaterie - Film de Mel Stuart, 1971

Le royaume de Ga'Hoole : la légende des gardiens - Film de Zack Snyder, 2010

Les chroniques de Narnia : Le Lion, la Sorcière blanche et l'armoire magique - Film de Bill Melendez, 1979.

Le chat du rabbin - Film d'Antoine Delesvaux et Joann Sfar, 2011

La grande vadrouille - Film de Gérard Oury, 1966.

Pouic-Pouic - Film de Claude Girault, 1963.

Cyrano et D'Artagnan - Film d'Abel Gance, 1964

Fais-moi peur - Film de George Marshall, 1953

Porco Rosso - Film d'Hayao Miyazaki, 1992.

Jean-Christophe et Winnie - Film de Marc Foster, 2018.

Boule de feu (Ball of fire) - Film d'Howard Hawks, 1941.

Si bémol et fa dièse - Film d'Howard Hawks, 1948.

La fabuleuse histoire de la MGM 1ère partie : Quand le lion rugissait
Film de Franck Martin, 1992.

La fabuleuse histoire de la MGM : Partie 2, Film de Franck Martin, 1992.

La fabuleuse histoire de la MGM : Partie 3 - Film de Franck Martin, 1992.

The greatest showman - Film de Michael Gracey, 2017.


En avant la musique ( Strike up the band) - Film de Busby Berkeley, 1940

The Mad Doctor - Court-métrage d'animation de David Hand, 1933.


Le retour de Mary Poppins - Film de Rob Marshall, 2018. 











Judex : L'hommage aux films muets de Louis Feuillade

Affiche JudexJudex - Film de Georges Franju, 1963

Louis Feuillade est l'inventeur du film à épisodes (serial en anglais), dans la grande tradition des romans feuilleton.
Auteur de plus de 800 films et grand rival de Méliès, il se lance de 1917 à 1923 dans plusieurs adaptations de romans basés sur l'aventure, le mystère et le crime. Ces histoires privilégient le divertissement et offrent de nombreux rebondissements, souvent rocambolesques.
Ce type de films peut être considéré comme l'ancêtre des séries télévisées.


L'atmosphère de mystère voulue entraîne aussi la recherche d'un esthétisme, dans l'emploi du noir et blanc, des éclairages et de la nuit. Certains éléments se rapprochent ainsi de l'expressionnisme allemand.
Résultat de recherche d'images pour "louis feuillade zan"Citons Bébé, Bout de Zan, L'enfant de la roulotte - pour les titres oubliés -, Les vampires, Fantomas (ci-contre), Judex - pour ses films les plus connus.

Louis Feuillade tombera dans l'oubli, plus de 2/3 de ses films ayant été perdus.
En 1962, Jacques Champreux, petit fils de Louis Feuillade, s'attaque à l'écriture du scénario d'un remake de Judex, personnage créé par son Grand-Père en 1916.

La réalisation du film est confiée à Georges Franju, passionné et défenseur du cinéma muet - il a en effet créé en 1936 La Cinémathèque française, avec son ami Henri Langlois, afin de conserver la mémoire des débuts de l'histoire du cinéma français, réhabilitant notamment la mémoire de Louis Feuillade-.



Judex est conçu comme un hommage aux films muets et aux créations de Louis Feuillade. Il adopte le découpage du film en épisodes, entrecoupés par des cartons.
Le film nous introduit dans la somptueuse demeure d'un banquier véreux, Favraux, alors qu'il reçoit une lettre de menace de mort du justicier Judex. En effet, le banquier n' a pas hésité à effectuer de nombreux méfaits, ruinant ses ennemis et envoyant au bagne à sa place un de ses anciens associés.
Le début de l'histoire voit l'ancien homme d'affaires venu réclamer justice. Favraux le fait chasser, puis au volant de sa voiture, le rattrape sur la route et lance son véhicule sur lui.

Un peu plus tard, au cours d'un bal, le banquier s'effondre, mort semble-t-il, avant d'être mystérieusement emporté par des hommes en noir. Restée seule, sa fille, Jacqueline, se retrouve à la merci de Diana, la perfide institutrice de sa fille.

Les péripéties s'enchaînent alors, nous offrant tous les ingrédients des classiques des films d'aventures, héroïne enlevée, personnages mystérieux, passages secrets et révélations.


Le film réserve plusieurs belles scènes, pleines de poésie.
La scène de bal, où les invités sont déguisés de têtes d'oiseaux, permet au magicien Channing Pollock, interprète de Judex, de nous montrer son numéro le plus fameux, faisant apparaître de ses mains, des colombes. 
L'adresse du tour - on se demande d'où peuvent bien surgir ces oiseaux - et la haute silhouette pleine d'élégance du magicien, confèrent un caractère irréel à la scène.
Autre moment fort réussi, celui du combat sur les toits, joliment éclairés, entre les deux femmes, la méchante vêtue de noir et la gentille en blanc. Cette même recherche esthétique se voit encore lors de l'escalade à main nues, par les hommes de Judex, du haut mur de la demeure dans laquelle leur patron a été fait prisonnier.


Malgré ses péripéties, le film offre parfois une certaine lenteur, prenant son temps pour détailler certaines scènes. Le jeu des acteurs n'est pas toujours fameux et le personnage de Judex est trop souvent absent.

Judex nous permet cependant de passer un moment des plus agréables et donne réellement envie de se plonger dans les oeuvres réalisées par Louis Feuillade pour en découvrir l'originalité, l'esthétique et le caractère rocambolesque.


Autre film interprété par Channing Pollock :

La Comtesse : Il y a de la beauté à laisser le temps oeuvrer.

  La Comtesse - Film de Julie Delpy, 2009. Au nord-ouest de la Slovaquie, le Château de Cachtice dresse ses ruines gothiques sur une colline...