Le Cheik rouge : Un Cheik-magicien et la magie des lieux de tournage

Affiche Le Cheik Rouge
Le Cheik rouge (Lo Sceicco rosso) - Film de Fernando Cerchio, 1962


Reconnu comme l’un des magiciens les plus charismatiques de son métier et certainement l’un des plus beaux, l’américain Channing Pollock a participé à de nombreux spectacles à travers le monde dans les années 50-60, sa célébrité lui permettant d’être présent lors de grands événements comme le mariage du Prince Rainier et de Grace Kelly et de se produire devant les Grands de ce Monde. 

Ses spécialités sont les manipulations de cartes et l’apparition d’oiseaux. Sa silhouette et son charisme intéressent le cinéma italien à la fin des années 50.




Après être devenu Mousquetaire des mers (eh oui) dans I moschettieri del mare, réalisé par Steno (Stefano Vanzina), il part ensuite dans le désert égyptien interpréter Le Cheik rouge.

Après avoir tourné quelques films, dont les rôles titres dans Rocambole et dans Judex, il abandonne le cinéma qui ne lui permet hélas pas de mener la carrière espérée, aucun des films où il jouera ne sera marquant.
De retour sur scène, il poursuit encore sa carrière de magicien pendant quelques années et apparaît dans quelques séries télé. Son plus célèbre numéro où il fait apparaître et disparaître des colombes a été repris par de nombreux magiciens.

En 1971, il abandonne sa carrière pour s’installer avec sa femme et ses oiseaux dans une ferme biologique ; il y terminera sa vie, devenant le mentor et l’inspirateur de nombreux magiciens modernes.


Le Cheik rouge se passe au 19ème siècle au Maroc. L’histoire est celle d’un architecte espagnol nommé Ruiz da Silva venu offrir ses services au sultan Amar, afin de moderniser son palais. Dans le désert, il est capturé par un groupe de rebelles mené par le Cheik Ajabar et caché dans une oasis. Le Cheik le prend aussitôt en sympathie et sa fille, Amina, tombe amoureuse du bel étranger. Ceci permet à notre héros de repartir sans encombre, non sans avoir entendu l’histoire d’un célèbre héros assassiné, Le Cheik rouge, qui avait des années auparavant aidé à pacifier le pays.

Arrivé au palais du Sultan, Ruiz découvre un véritable tyran mais par sa verve et son audace, il conquiert la confiance de celui-ci, il devient ainsi le confident et même « l’âme damnée » du tyran.

Son arrivée coïncide très étrangement, mais personne ne fait le rapprochement, avec l’apparition d’un mystérieux personnage masqué, vêtu de rouge, venu soutenir les opprimés. Cela vous rappelle peut-être quelque chose, burnous rouge mis à part.









A part notre héros, les autres personnages de l’histoire ne sont guère futés et aucun ne se doutera de l’identité du héros masqué, même en lui parlant face-à-face, alors que le spectateur a compris dès les premières secondes du film et que la prestance et la grande taille de Channing Pollock le rendent identifiable très facilement.

Le film est bourré d’invraisemblances et comporte une dose d’humour bon enfant, notamment l’apparition de la gardienne du harem, sorte de poupée Barbie – car le sultan est tellement jaloux qu’il ne fait même pas confiance à ses eunuques … sans commentaire-.
Sans être un chef d’œuvre, Le Cheik rouge nous réserve son lot d’aventures, de poursuites et de belles images sans compter un joli tour de magie de l’acteur-magicien.

Le film a été tourné en Egypte, ce qui nous donne l’occasion de voir de belles photos de désert, d’oasis et surtout une étonnante forteresse, semblant abandonnée, assiégée par le sable. Le héros s’enfonce dans une ville étrange, aux rues à moitié enfouies dans le sable et dominée par plusieurs minarets. Ses poursuivants, mystérieusement arrêtés à son entrée n’osent le poursuivre, saisis d’une crainte superstitieuse.
J’ai été fascinée par la vue de cette forteresse, mais le générique n’en mentionnant hélas pas le lieu précis de tournage, j’ai effectué quelques recherches.
En regardant vieilles cartes postales et photos, j’ai pu reconnaître la prestigieuse nécropole du Caire et plus précisément la forteresse–mausolée des Sultans (appelée aussi le Tombeau des Mamelouks), avant que la croissance de la ville et l’afflux des miséreux ne la transforme en partie en bidonville et que la ville ne la submerge totalement. Il se dégage ici une atmosphère de mystère accentuée par la nuit américaine – si j’ose dire- bleutée.
Image associée
On regrettera que le site n’ait pas été davantage exploité par le film, les images étant souvent fugitives. Avec le développement de la ville, la forteresse a été arrachée à sa tranquillité et à son caractère de citadelle perdue dans le désert, qui rendait le lieu presque magique. Le film Le Cheik rouge est l’occasion rare – peut être unique mais je n’ai pas trouvé mention des films qui y auraient été tournés- de contempler ce lieu tel qu’il était dans les siècles passés.

Ce film se suit donc avec beaucoup de plaisir pour la présence et la beauté de son acteur principal, pour le plaisir de voir à l’œuvre ce grand magicien et regretter que sa carrière au cinéma ait été si restreinte et pour la magie du lieu de tournage, situé aux portes du Caire.

Maciste à la Cour de Kublai Khan : La grandiose époque du péplum italien

Affiche Maciste à la cour de kublai Khan
Maciste à la Cour de Kublai Khan - Film de Riccardo Fredda, 1961.

Le personnage de Maciste a été créé en 1913 par Giovanne Pastrone, pour son film Cabiria, célèbre péplum du cinéma muet, co-signé par le poète Gabriele d’Annunzio, qui se serait attribué la paternité de l’histoire et de ses personnages. Le personnage du géant Maciste s’apparente à celui d’Ursus, le colosse qui protège Flavia dans Quo vadis.

Je soupçonne même Pastrone de s’être inspiré du roman d’ Henryk Sienkiewicz, puisque le personnage, comme dans Quo vadis protège et sauve une jeune fille promise au sacrifice – livrée au taureau parce que chrétienne dans Quo vadis, destinée à être brûlée pour le Dieu Moloch dans Cabiria-.

Maciste est un héros simple au cœur pur ; il ne ment jamais, ne commet aucune mauvaise action et a pour mission de détruire le mal où qu’il se trouve. Son origine est mystérieuse comme le prouve l’extrait ci-dessous, issu du film Maciste à la cour de Kublai Khan :
« -D’où Venez-vous ?
- Du bout du Monde.
- Qui êtes-vous ?
- Un ami ».
On n’en saura pas plus.
Image associéeDans l’histoire, les personnages le nommeront tout simplement « Le Géant ».


Dans les traductions anglaises, Maciste est traduit –et confondu – par Hercule, alors qu’il n’est pas fils de Zeus mais tout simplement humain, bien que ses exploits et ses voyages dans les diverses époques lui confèrent un aspect surnaturel, absent du personnage présenté dans Cabiria.
Les titres des films de Maciste sont également traduits aux USA par Samson, qui rappelons-le est un héros biblique et même par Goliath également biblique mais du côté des méchants hittites et tué par la fronde du jeune futur Roi David.

Maciste apparaîtra dans toute une série de films, une cinquantaine environ de 1913 à 1974, bien que sa grande époque soit centrée sur les années 60. Le cinéma italien préférera ensuite se spécialiser dans le western, rendant hélas les péplums plus rares.

Maciste va ainsi voyager dans les siècles, rencontrant des personnages forts divers, issus d’autres fictions comme Tarzan ou Zorro, des personnages réels comme le comique Toto ou encore diverses civilisations comme les Mayas.
Il partira même en vacances – il les mérite-, deviendra chasseur alpin – je ne sais pas s’il aura alors le droit de garder son pagne-short -, deviendra médium – Maciste sait tout et voit tout, c’est certain -, jouera les Moïse dans une histoire de naufrage – Maciste sauvé des eaux- et aura même son film érotique dans le prometteur Les Exploits érotiques de Maciste dans l'Atlantide des Gloutonnes – tout un programme ! -.

Notre héros a été incarné par toute une série d’acteurs, choisis essentiellement pour leur physique et pas toujours pour leur talent d’acteur. 
Gordon Scott qui sera un des Tarzans les plus convaincants – notamment grâce au film le plus abouti de la saga La plus grande aventure de Tarzan -, est le plus célèbre interprète de Maciste, avec Mark Forrest.

Connaissant déjà l’acteur et rassurée par sa carrière passée, je me suis donc risquée à regarder mon 1er film sur Maciste, ayant écarté d’office certains titres dans lesquels je préfère ne pas me risquer.


Partout à l’aise bien que ne portant pas le costume local, Maciste a ici comme mission de combattre les méchants mongols et plus particulièrement Kublai Khan, qui a par traîtrise assassiné l’Empereur de Chine, afin de prendre sa place (Ne cherchons pas la réalité historique). 
L’ignominie du personnage n’ayant pas de limite – il fait torturer allègrement les rebelles qui lui tombent sous la main et organise d’intéressants spectacles d’exécutions -, il fait jeter dans un piège à lion le jeune héritier du trône et massacrer les femmes du couvent où s’est réfugiée la jeune princesse, afin de trouver celle-ci.
Surgissant d’un buisson, notre héros déploie aussitôt une grande activité pour sauver Prince, Princesse et population opprimée.


Le film surprend par ses décors somptueux de style chinois, un monastère, une grande porte et l’intérieur du palais. Ces décors sont en fait une réutilisation suite au film Marco Polo réalisé par Piero Pierotti et Hugo Fregonese en 1962. La nombreuse figuration a sans doute aussi être réembauchée.

Le film se déroule à un rythme effréné, plein de péripéties, pas toujours cohérent car on a droit à quelques raccourcis assez saisissants.

Soigneusement oint et épilé, Gordon Scott nous montre sa musculature parfaite dans quelques scènes choc : il déracine un arbre, strangule un lion en peluche et ouvre même le sol provoquant un séisme.

Le côté asiatique est principalement assuré par l’actrice japonaise Yoko Tani et par le toujours hiératique acteur sibérien Valery Inkijinoff qui reprend presque à l’identique son rôle de prêtre du Tigre du Bengale de Fritz Lang.

L’interprétation ne brille pas toujours par sa qualité. Les acteurs, Gordon en tête, ont l’air de bien s’amuser, notamment l’acteur italien Leonardo Severini - Kublai Khan – qui multiplie les tenues de diverses couleurs.
Le film maintient cependant l’intérêt grâce à ses multiples rebondissements, à la somptuosité des décors et au soin mis à la reconstitution. Un péplum à connaître. 

Destry ou Le Nettoyeur : Les exploits d’un jeune homme tranquille

Affiche Le Nettoyeur
Destry ou Le Nettoyeur - Film de George Marshall, 1954.

Audie Murphy a promené sa figure poupine et son air d’éternel adolescent dans toute une série de westerns de 1948 à 1969, jouant souvent des personnages paisibles voire fragiles, poussés à prendre les armes et devenant des héros par leurs actions.

Sauf dans de rares cas comme dans Le vent de la plaine – où il se rachète tout de même au final – et lorsqu’il joue des bandits comme Billy le Kid, il représente des personnages positifs, aux actions peu ordinaires, à l’image de ce qu’il sera dans la vie.


Après l’attaque de Pearl Harbour, Audie rêvait en effet de s’engager dans l’armée. Trop jeune, maigre et fragile, il sera d’abord recalé par les Marines dans lesquels il souhaitait s’engager à 17 ans à peine. Après avoir pris du poids et menti sur son âge, il intégrera finalement l’armée et s’illustrera par toute une série de faits héroïques notamment dans la Campagne d’Italie, lors du débarquement de Provence et dans la Campagne de libération de la France.

Ses exploits sont en effet dignes d’un film – il en tournera d’ailleurs un sur sa propre vie, L’enfer des hommes -.
Image associéeAinsi, il a tout juste 19 ans lorsque, près de Ramatuelle – en Provence-, il prend seul d’assaut une maison envahie par l’ennemi et réussit à faire onze prisonniers.
Dans la Bataille de Colmar, il bloque seul, une heure durant, l'assaut de toute une compagnie allemande puis mène, blessé, une contre-attaque….

Pour ses divers exploits, il reçoit une avalanche de médailles. L’acteur est en effet le soldat le plus décoré de la Seconde guerre mondiale puisqu’il recevra presque toutes les décorations militaires existantes dans l'Armée de terre des États-Unis en plus de distinctions françaises, anglaises et belges, la plupart reçues alors qu’il n’a pas encore vingt ans.

Le retour à la vie civile sera difficile pour Audie, souffrant de stress-post-traumatique qui le rendra dépendant aux anti-dépresseurs. Ceci ne l’empêchera pas de tourner une cinquantaine de films, des westerns pour la plupart, où il est dans son élément à chevaucher, arme à la ceinture, à travers les paysages de l’ouest américain. 
La carrière d’Audie prend fin brusquement alors qu’il disparaît dans un accident d’avion, en 1971, à 45 ans à peine.

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Le nettoyeur – plus simplement appelé Destry à l’origine, pour le nom de son héros- laisse penser, dans son titre français à un western, présentant un personnage à la Clint Eastwood, homme impressionnant et taciturne venant trucider tous les méchants de la ville, jusqu’à ce que celle-ci retrouve sa tranquillité d’antan.
Le personnage étant joué ici par Audie Murphy, on se doute qu’il n’en sera rien.

De fait, Destry est un petit jeune homme au visage poupin et au sourire candide, que l’on imagine donc très peu comme un as de la gâchette. Ayant voulu aider une jolie jeune fille rencontrée dans la diligence, il débarque donc dans la ville, une ombrelle dans une main et une cage à oiseaux dans l’autre, déclenchant l’hilarité générale.
Arborant un sourire candide, il déclare tout de go qu’il n’aime pas les armes à feux et, invité à boire au saloon, commande un verre de lait – on s’en doutait presque-.
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Tom Destry a été appelé dans la ville par le nouveau shérif Barnaby, alcoolique repenti et ancien ami de son Père, pour l’aider dans sa nouvelle tâche.
Nommé shérif par dérision, Barnaby subit les moqueries de la ville malgré sa volonté de faire régner l’ordre et notamment d’élucider le meurtre du précédent shérif assassiné par Decker, l’homme influent qui tient tout le monde à sa botte, assisté de son groupe de cow-boys. 


Thomas Mitchell - inoubliable Papa O’Hara dans Autant en emporte le vent – interprète avec talent le shérif, formant avec le jeune Tom un duo sympathique, dont l’arrivée provoque les railleries.


Mais bien entendu, il faut se méfier de l’eau qui dort et Destry se révèle tireur d’élite. Décidé à résoudre pacifiquement les conflits et à enquêter discrètement, il utilise des moyens simples, seau d’eau sur la tête, dialogue et rappel de la loi ou encore tape sur la main pour désarmer un excité. Le spectateur, comme le héros de l’histoire- aura beau être contre le port d’arme, difficile de résister à la jubilation ressentie en voyant Audie, sous prétexte de regarder et de confisquer les armes des malfrats , faire une éblouissante démonstration de tir sur les bouteilles et le décor du saloon, clouant définitivement le bec à tous les moqueurs .

Résultat de recherche d'images pour "destry film"La chanteuse du saloon, Brandy, maîtresse de Decker, est interprétée par Mari Blanchard qui nous régale de plusieurs chansons et numéros très enlevés suscitant l’enthousiasme général des cow-boys avinés et excités. D’abord très moqueuse envers Destry et méfiante face à ses questions, elle va tomber amoureuse de lui lorsque celui-ci lui font honte de son visage outrageusement fardé.

Le film est le remake du film Femme ou démon (Destry rides again), réalisé également par George Marshall, où Marlène Dietrich, en chanteuse de saloon, affolait tous les cow-boys de la ville avec sa voix grave et ses tenues affriolantes, puis rencontrait le paisible – en apparence – James Stewart, venu seconder le shérif local. Le film, de qualité inférieure à celui-ci était principalement sauvé par l’interprétation toujours impeccable de James Stewart, mais ses personnages trop caricaturaux et certains effets humoristiques assez lourds ont énormément vieilli.
Tiré d’un roman de Frederick Schiller Faust, célèbre auteur américain de romans de style westerns –entre autres -, Destry avait déjà connu une première version en 1932 avec Tom Mix ; une version assez éloignée de l’histoire d’origine sera également réalisée en 1950 par Louis King – le film s’appelle Frenchie – et une série où, d’après le synopsis, seul le nom du héros a été gardé, sera produite en 1964.
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Destry a été réalisé sans gros moyens, la figuration n’est pas énorme et le nombre de lieux où se passe l’action est limité. On pourrait le qualifier de série B mais il mérite certainement un B+ par la qualité de son interprétation, la qualité de l’histoire et la sympathie dégagée par son héros –et par son acteur principal-. 
Un film qui suscite l’intérêt et se regarde sans ennui de bout en bout.

Et tournent les chevaux de bois : La nuit où l'on brûle Zozobra

Affiche Et tournent les chevaux de boisEt tournent les chevaux de bois - Film de Robert Montgomery, 1947. 

Acteur des années 40-50 injustement oublié de nos jours, Robert Montgomery a mené une intéressante carrière devant et derrière la caméra. Surtout connu pour ses rôles dans diverses comédies, comme dans l’excellent film Le défunt récalcitrant (Here comes Mr Jordan), il démontre des talents dramatiques dans des films comme La proie du mort ou encore Big house.

Les années de guerre mettent un frein à sa carrière, il s‘éloigne des studios plusieurs années pour s’enrôler dans la Marine et atteindre un grade élevé. A son retour 4 ans plus tard, il va se lancer dans la réalisation, jouant souvent dans ses propres films.

En 1947, Il réalise un film audacieux, entièrement tourné en caméra subjective, La dame du lac où son personnage ne figurera que par l’intermédiaire de miroirs, reflets et ombres. Il réalise la même année Et tournent les chevaux de bois puis plusieurs films et reportages ayant la guerre pour thème – comme Les sacrifiés - avant de se tourner vers la télévision.


Et tournent les chevaux de bois – en anglais Ride the pink horse, bien que le noir et blanc nous empêche de juger de la variété des couleurs du manège - est adapté d’un roman policier de la journaliste et écrivain Dorothy Belle Hughes.



Il raconte l’histoire d’un mystérieux américain, Lucky Gagin, qui arrive dans la ville de San Pablo au Mexique, afin de retrouver un truand, Hugo. Ne pouvant trouver de place dans un hôtel à cause de la Fiesta qui se prépare, il erre dans les rues à la recherche d’un endroit où passer la nuit. Devant un manège de chevaux de bois, il rencontre une mystérieuse jeune fille, Pila, qui s’attache à ses pas. Il se lie également d’amitié avec le propriétaire du manège, Pancho, qui lui offre l’hospitalité de son maigre abri et de son manège.

Toujours à la recherche d’Hugo, Lucky retrouve sur son chemin Pila, dont le beau regard ne le quittera pas de tout le film. Aussitôt attachée à lui, elle va devenir son ange gardien.

Les motivations de Lucky se dévoileront au fil de l’histoire; se présentant d’abord comme un maître chanteur, il dévoilera par la suite des motifs plus nobles.

Ce personnage, joué par Robert Montgomery, est des plus intrigants. Homme froid et autoritaire, ses manières brusques ne suscitent pas d’emblée la sympathie du spectateur. Il sait pourtant, d’une parole ou d’un sourire, s’attirer l’amitié et l’intérêt. Lorsqu’au fil de l’histoire, la carapace de notre héros se fissure et qu’il montre sa vulnérabilité, le sentiment du spectateur se met à changer.

Héros plutôt atypique, Lucky sera en effet protégé et sauvé par trois personnages différents, qui, chacun dans son genre, seront pour lui de véritables anges gardiens.
Personnage truculent, alcoolique, aux démonstrations d’amitié débordantes, Pancho, propriétaire du manège de chevaux de bois, est prêt à se faire tuer plutôt que de dénoncer son nouvel ami. Thomas Gomez, qui interprète le rôle de Pancho, sera d’ailleurs nominé aux Oscars de 1948, pour son interprétation haute en couleurs.


Second personnage à montrer son attachement, la lumineuse Pila sauvera à plusieurs reprises Lucky. Wanda Hendrix, qui interprète Pila, fait preuve d’une grande présence à l’écran. Le jeune âge de l’actrice – 14 ans - et de son interprète – qui parait pourtant un peu sans âge – rend particulière sa relation avec Lucky. Même s’il ne s’agit pas d’une histoire d’amour puisqu’aucune parole ou aucun geste ne seront montrés, la tendresse de Pila se manifeste à plusieurs reprises notamment lorsqu’elle soigne Lucky gravement blessé.
On essaiera en vain de décrypter le regard de celui-ci ; on verra juste une expression d’émerveillement à la vue de Pila, soigneusement coiffée et vêtue de sa plus belle robe après qu’il lui a donné un billet « pour te payer le coiffeur et t’habiller un peu mieux, pour avoir l’air un peu humaine « (sympathique !).
Dernier personnage à suivre et à aider également notre héros malchanceux, Retz, agent du FBI, veut également mettre la main sur Hugo. Si ses motivations sont plus professionnelles qu’amicales, il se montrera assez paternel pour sortir notre héros des ennuis dans lesquels il se précipite.
Personnage au départ solitaire et qui semble vouloir le rester, Lucky va ainsi devoir accepter la présence et le soutien de chacun de ces personnages.


Le film a été tourné en partie à Santa-Fé au Nouveau-Mexique ; ceci permet la participation des habitants du lieu et la mise en scène d’une fiesta « the burning of Zozobra » - Zozobra étant le symbole de la tristesse ( le mot signifie inquiétude/anxiété en espagnol ), qui part en fumée lors de la Fiesta annuelle de Santa Fé. En mettant le feu à une marionnette géante, les habitants déposent à ses pieds une boîte noire contenant des papiers où ils ont écrit leurs sources d'ennuis et de tristesse ainsi que des documents divers

Tandis que Zozobra est en feu, Lucky se débarasse symboliquement du mystérieux document qu'il transportait avec lui tandis que ressurgit son traumatisme de guerre.


Ce cadre inhabituel confère une véracité et une atmosphère particulière . Le film est assez lent dans sa première partie, le personnage principal semble errer dans un monde un peu onirique, perdu dans un pays étranger, à la rencontre de personnages pittoresques. On sent le soin apporté par Robert Mongomery Réalisateur aux plans et éclairages, destinés à intensifier cette atmosphère. La seconde partie du film, où Lucky est traqué par les malfrats retrouve le rythme et le ton des films noirs.


Un très bon film à découvrir sans hésitation.

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Autres films de Robert Montgomery à découvrir:
La proie du mort 
Le défunt récalcitrant 

L'odyssée du Dr Wassell : « Mes gars sont des lascars pas ordinaires, pour tout vous dire, ce sont des matelots »

Affiche L'Odyssée du docteur WassellL'odyssée du Dr Wassell - Film de Cecil B. DeMille, 1944. 

1942-1944. tandis que le monde s’enfonce dans la Guerre, les studios américains voient partir au combat une partie de leurs employés – des stars telles James Stewart, Clark Gable, Robert Montgomery ou encore Tyrone Power - et tellement d’anonymes.






Parallèlement, plus de 500 films ayant la guerre pour thème sont mis en œuvre, un grand nombre tombés définitivement dans l’oubli ou perdus.

Exaltant les valeurs patriotiques, le courage de ses héros et la résistance face à l’ennemi, ils mettent en scène des personnages toujours valeureux et suivent parfois de près certains éléments de l’actualité.

Parmi les oeuvres les plus connues, on pourra citer par exemple Guadalcanal (de Lewis Seiler), Mrs Miniver (de William Wyler), Sabotage à Berlin (de Raoul Walsh) ou encore Trente seconde sur Tokyo (de Melvyn LeRoy).


En 1942, un discours du Président Roosevelt vante le courage des héros anonymes. Il cite le nom d’un médecin, le Dr Wassell décoré pour avoir sauvé de la mort un groupe de matelots blessés en les rapatriant de Java vers l’Australie. Séduit par cette histoire, Cecil B. DeMille monte le projet de l’adaptation de ce fait héroïque au cinéma.
Venu travailler en Amérique, le romancier britannique James Hilton ( évoqué dans mon précédent article sur La proie du mort), publie en 1944 le roman «The Story of Dr. Wassell » d’après les Mémoires de celui-ci. Cecil B. DeMille en réalise l’adaptation la même année.



Le film est destiné à soutenir le moral des américains en rappelant le courage de plusieurs de ses héros, en célébrant l’amitié USA-Angleterre ainsi que le rôle des Hollandais dans l’aide aux blessés et aux populations en péril. Ceci sera fait à travers les portraits de plusieurs personnages courageux de nationalité hollandaise : un médecin, une des deux infirmières qui accompagnent le Dr Wassel ainsi que le Commandant et l’équipage du vieux rafiot qui embarquera les réfugiés et blessés malgré les raids de l’aviation ennemie.
« Les hollandais auront la meilleure place dans notre cœur » déclare le Dr Wassell au Commandant Rick qui leur vient en aide. Tout est dit et bien dit.



L’histoire se centre ainsi sur un groupe de matelots blessés issus de l’équipage du croiseur américain USS Marblehead, torpillé par l’ennemi au large de Java mais maintenu à flot et ramené au port grâce au courage de ses matelots.
C’est l’occasion de montrer des images d’actualité du véritable bâtiment lors de son retour au port.
Demeurés dans un petit hôpital dirigé par le Dr Wassell, les blessés attendent le bateau qui doit les rapatrier.
Une mauvaise surprise les attend cependant. Face à la menace des attaques de l’aviation japonaise, le commandant du navire refuse de prendre à bord les blessés invalides.
Demeuré avec deux infirmières et douze blessés, le Dr Wassell apprend avec angoisse l’avancée de l’ennemi et lorsque l’hôpital est bombardé, blessés et soignants sont obligés de fuir.



La volonté de romancer l’histoire et de répondre aux critères du cinéma hollywoodien de l’époque pousse scénariste et réalisateur à développer non pas une mais trois histoires d’amour, parallèlement à l’odyssée proprement dite.
La plus touchante est certainement celle entre un rude soldat américain, Hoppy et la douce infirmière javanaise - qui répond au joli nom de Tremartini (Three Martini) - qui lui a donné son sang pour le sauver. Hoppy Hopkins fait partie des personnages réels de l’histoire du Docteur Wassell dont les noms ont été repris tels quels.





Bien que le film laisse penser à une autre fin pour le sympathique matelot, il sera fait prisonnier par les japonais et rentrera chez lui la guerre finie. Dans les dernières secondes du film, généralement absentes des versions DVD, Ceci B. DeMille précise le devenir d’Hoppy, laissé pourtant dans une situation désespérée.



L’histoire est principalement basée sur le caractère et le courage des divers personnages. Celle du Dr Wassell est racontée via plusieurs flashbacks qui ralentissent un peu le rythme et rendent la partie odyssée peut être un peu courte sur la durée du film, peu de péripéties étant finalement montrées.

Si Cecil B DeMille nous a habitués aux films à grands spectacles, à la figuration grandiose – les deux versions des 10 commandements, Le signe de la Croix, Le roi des rois version muette, Sous le plus grand chapiteau du monde... - , il surprend ici par la sobriété des moyens mis en œuvre. Mise à part la première scène sur le port où blessés et population en fuite embarquent, la figuration est assez réduite et les combats sont montrés de façon assez rapide et simple – explosions et survol par deux ou trois avions -.

Gary Cooper incarne un personnage humain, courageux, idéaliste. Il magnifie le personnage, introduisant certainement une part romancée à l'histoire réelle.
Tous les personnages présentés sont positifs, sympathiques et courageux et l’ennemi n’est jamais montré directement, à part par des feuillages bougeant dans la jungle et par les avions qui bombardent le navire hollandais.



Au final, un beau film dont on pardonnera les longueurs pour se laisser emporter par les personnages, admirer les belles images et partager l’optimisme de ses personnages.


Autre adaptation d'un roman de James Hilton :

La proie du mort

Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

  Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011. On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais égal...