La proie du mort (Rage in Heaven) : une brillante adaptation d'un roman de James Hilton

Affiche La Proie du mortLa proie du mort (Rage in Heaven)- Film de W .S Dycke, 1941

James Hilton, romancier anglais, a écrit plusieurs des grands classiques de la littérature anglaise du XXème siècle, classiques d’autant plus connus qu’ils donneront lieu à de belles adaptations cinématographiques. On retiendra notamment deux grands titres Lost horizons (Horizons perdus) et Good bye Mr Chips (Au revoir M. Chips), qui donneront deux des plus beaux films des années 30.

Le succès de ses écrits permet à Hilton de partir pour Hollywood où il travaillera avec de grands réalisateurs à l’adaptation de plusieurs de ses romans - Lost horizons (Horizons perdus), Random Harvest (Prisonniers du passé), Rage to heaven (La proie du mort), The story of Dr Wassel (l’odyssée du Dr Wassel) et comme scénariste pour plusieurs réalisations – Camille ( Le roman de Marguerite Gautier ), Mrs Miniver (Mme Miniver) ou encore Foreign correspondant (Correspondant 17)-.


Ces romans sont empreints de poésie et de romantisme et souvent de mysticisme. Rage in Heaven (La proie du mort) se place entre le thriller et le drame, bien qu’empruntant certains éléments au film noir (machination, suspense, lyrisme du noir et blanc).
L’adaptation du roman fait penser à l’une de mes meilleures réalisations d’Hitchcock – qui n’en est pourtant pas le réalisateur - tellement l’histoire, le type de personnages et le suspense créé auraient été une source d’inspiration pour le maître. N’oublions pas qu’Hilton avait été scénariste du film Correspondant 17, deuxième film réalisé à Hollywood par Hitchcock.


Résultat d’images pour rage in heaven montgomeryW. S. Van Dyke, connu pour avoir réalisé, entre autres, Tarzan l’homme singe (1932), San Fransisco (1936) et Marie-Antoinette (1938) est à l’œuvre sur La proie du mort, film sorti en 1941.
Le film raconte l’histoire de deux amis d’Université, Philip et Ward, qui se retrouvent à Londres, après des années de séparation. Ward est ingénieur tandis que Philip a hérité de la scierie de son Père. Après plusieurs années en France, ce dernier vient rendre visite à sa Mère et peut être reprendre l’entreprise familiale. Il invite son ami Ward à l’accompagner. Arrivés dans la demeure familiale, les deux amis rencontrent une belle et douce jeune fille, Stella, qui a été recueillie par la Mère de Philip.
Les deux amis tombent immédiatement amoureux de Stella qui marque aussitôt sa préférence pour Ward, au grand mécontentement de Philip qui ne tarde pas à révéler jalousie, nervosité et idées obsessionnelles. Profitant du départ de Ward, il demande à Stella de l’épouser, ce qu’elle accepte un peu trop rapidement.


Commencé comme une histoire sentimentale, le film devient alors plus psychologique, se centrant sur le personnage de Philip dont on suit les changements d’humeur, le cheminement vers une sombre machination destinée à détruire son ami de jeunesse et la femme qui l’a épousé par défaut. Dans ce rôle, Robert Montgomery livre une belle prestation, son personnage bien qu’antipathique séduit et intrigue. Ceci est d’autant plus étonnant que l’acteur ayant été forcé par les studios MGM à faire ce film avait décidé d’en faire le moins possible dans son jeu pour marquer son désaccord…difficile apparemment de s’empêcher d’être un bon acteur !

George Sanders, loin des personnages cyniques et parfois malfaisants qu’il jouera par la suite, interprète le doux et solide Ward. Personnage charmant, gentil et compétent, il possède les qualités que Philip jalouse depuis des années.
Quant on sait que Stella est jouée par Ingrid Bergman, on comprend mieux la référence à l’univers hitchcockien. Timide, naïve, voire un peu sotte, elle révélera finalement une force de caractère inattendue pour sauver l’homme qu’elle aime.

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On pardonnera quelques maladresses du film, le Docteur français joué par un l’acteur autrichien Oskar Homolka, grimé pour l’occasion en une sorte de Dr Freud, ou encore la grève à la fonderie où un petit groupe d’ouvriers en colère investit les bureaux à la façon des révolutionnaires marchant sur Versailles. La scène se termine brusquement en rire général suite au coup de poing asséné par George Sanders à l’un d’entre eux pour les arrêter.

La courte durée du film rend la dernière partie et sa conclusion un peu rapides, comme souvent dans les films de cette époque. Avantage cependant, le film se déroule sans aucun temps mort et on suit avec intérêt l’histoire du trio de personnages.
On notera enfin la belle photographie de d’Olivier T. Marsh, qui nous offre un magnifique noir et blanc dans les scènes nocturnes ou encore dans scènes extérieures ainsi que de belles prises de vue des personnages.
Un petit bijou à découvrir.

Le retour de Mary Poppins : Film hommage avant tout


Affiche Le Retour de Mary PoppinsLe retour de Mary Poppins - Film de Rob Marshall, 2018 

Il existe depuis plusieurs  années une tendance déplorable qui consiste à traduire en français les paroles des comédies musicales.
Au cinéma ou dans les versions françaises en DVD-Bluray, les paroles prononcées par les artistes disparaissent au profit de traductions souvent approximatives, les sonorités des paroles ayant bien sûr un rôle à jouer dans leur accord avec la musique.

Le jour où j’ai entendu Fred Astaire (ou plutôt son doubleur), dans le magnifique film Tous en scène (The band wagon) chanter en français : « Du cirage sur mes chaussures », au lieu de « A shine on my shoes », j’ai pensé que l’on avait atteint là le fond. Regarder un film en vo est donc la meilleure option pour éviter ces désagréments et profiter de bout en bout du talent des acteurs que l’on voit évoluer à l’écran.

Le retour de Mary Poppins souffre hélas de ce défaut.
L’ensemble du film est agrémenté de chansons dont les paroles françaises heurtent parfois l’oreille, car semblant peu adaptées ; Des diverses mélodies qui animent le film – et elles sont assez nombreuses -, seules deux se retiennent réellement, la chanson sous la mer : A-t-on jamais vu ça ? (Can You Imagine That?) et la chanson Votre jour de chance ((Underneath the) Lovely London Sky) du début et de la fin du film.
Mieux vaut donc certainement, voir le film en vo, plaisir que je n’ai, hélas pas eu.



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En proposant de faire revenir à l’écran le célèbre personnage de Mary Poppins, Rob Marshall et son équipe ont pris un risque majeur, car comment succéder à la lumineuse et talentueuse Julie Andrews dans ce rôle ? Afin de ne pas trop heurter la sensibilité des nostalgiques, il a ainsi été décidé de proposer, non pas un remake, mais une suite à l’histoire. Lorsque l’on sait que les aventures romancées de Mary Poppins comportent 8 romans, concevoir une nouvelle histoire semble être une belle idée.

Il s’agit donc de faire revenir, quelques 20 ans après notre héroïne, au 17 Allée des Cerisiers, retrouver la famille Banks. Les parents disparus, Michael, qui est veuf, occupe la maison avec ses trois enfants. Il est artiste peintre – on ne sait pas trop à quels moments – et travaille dans la même banque que son Père, jadis. Jane, restée célibataire, est suffragette – c’est tout ce que l’on sait d’elle – et vient souvent s’occuper des enfants, afin d’aider son frère.
Vingt ans après la 1ère histoire (et plus de cinquante ans après le film d’origine), Burt-Dick Van Dyke étant devenu moins agile pour grimper allumer les réverbères et se promener sur les toits avec ses amis ramoneurs, son personnage est remplacé par un jeune collègue, Jack, qui devient le soupirant de Jane.

La délicate mission de reprendre le rôle de Mary Poppins a été confiée à la belle et talentueuse Emily Blunt qui montre ici ses talents pour la comédie musicale bien que sa Mary Poppins se révèle certainement trop hautaine et pas vraiment attachante.

Lin-Manuel Miranda, compositeur de chansons de comédies musicales, notamment, interprète le rôle de Jack avec talent, faisant preuve d’une belle présence dans les numéros chantés et dansés. Il est certainement la meilleure surprise et interprétation du film.

Du côté des jeunes acteurs, on retiendra surtout l’adorable personnage de Georgie, joué par le jeune Joel Dawson, bien meilleur acteur que ses deux aînés et même que les deux acteurs-enfants du film d’origine.
Un peu égaré dans le film et ne semblant pas trop concerné, Colin Firth a été appelé pour offrir un nom plus connu au casting. Il lui a été confié un rôle de méchant assez minable, le vilain banquier qui veut mettre la main sur la maison des Banks. Son talent est totalement et scandaleusement sous-exploité.

Résultat de recherche d'images pour "retour de mary poppins can you imagine that"Venons-en à présent au problème principal du film, celui de n’avoir pas réellement réussi à se faire un véritable nom. Respectueux du film de Stevenson, Marshall et son équipe ont ainsi conçu leur film comme un hommage de bout en bout, attentifs à rappeler au public  les divers personnages (comme l’Amiral Boom qui n’a guère vieilli et qui continue à faire tirer le canon par son mousse à chaque heure de la journée, depuis le toit de la maison voisine), à lui faire retrouver les divers univers (le monde en dessin animé, le monde des ramoneurs, Londres dans le brouillard, la banque…) sans chercher à proposer une histoire originale.
Soyons honnêtes, la première version ne proposait certainement pas une histoire des plus consistantes, mais le plaisir de la découverte palliait bien certainement ce défaut.

Techniquement bien fait et visuellement très beau, le film offre cependant de très belles séquences comme celle sous et sur la mer, après le plongeon des enfants dans la baignoire ou encore la jolie promenade dans le monde de porcelaine. Les chansons et numéros s’enchaînent pour notre plus grand plaisir. Il conviendra donc au spectateur nostalgique d’oublier la comparaison avec le 1er film de Mary Poppins bien que, je suppose, beaucoup auront comme moi senti un petit frisson de joie, en voyant surgir Dick van Dycke pour un hommage final.

Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

  Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011. On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais égal...