Quand Diana Rigg joue les méchantes.

Rebecca - Téléfilm de Jim O'Brian, 1997.

Il est toujours intéressant de découvrir de nouvelles adaptations de grands romans, surtout quant il s'agit de Daphné du Maurier et de Rebecca.
Il va de soi que passer après Alfred Hitchcock est bien difficile, surtout lorsqu'il a produit là l'un de ses chefs d'oeuvre. Je n'essaierai donc pas de comparer le couple Joan Fontaine- Laurence Olivier avec Emilia Fox-Charles Dance. Autre époque, autre façon de tourner et autre jeu d'acteurs.
Je pourrais mentionner également une autre version réalisée sous forme de mini-série et datant de 1979, qui bénéficiait de la présence de Jeremy Brett (inoubliable Sherlock Holmes) dans le rôle de Max de Winter.
Trois versions réussies, chacune à sa manière...
Aux dernières nouvelles, un nouveau film vient de sortir. En l'absence d'autres informations, je ne commenterai pas.

Venons-en à présent au téléfilm en deux parties réalisé par jim O'Brian en 1997.

L'histoire de Rebecca suit une jeune fille, dont le nom ne sera d'ailleurs jamais mentionné si ce n'est comme Mrs de Winter, le jour où elle rencontre à Monte Carlo un riche et séduisant veuf, Maxime.
La jeune héroïne est la dame de compagnie d'une femme snob, Mrs Van Hopper qu'elle accompagne sur la Riviera. Venu échapper à ses tourments, Maxime de Winter séjourne au même hôtel que les deux femmes.

L'histoire d'amour se déroule rapidement et la jeune fille quitte sa patronne, pour devenir Mrs de Winter, au grand déplaisir de Mrs Van Hopper qui ne cache pas sa jalousie et son mépris.
Faye Dunaway incarne, sans trop de conviction, cette femme déplaisante qui ne fait que traverser le roman.

La jeune héroïne est interprétée par Emilia Fox dont le visage est familier, surtout à la télévision (Orgueil et préjugés, David Copperfield, Miss Marple, The Queen...). Sa Mrs de Winter est moins empruntée que dans les fictions précédentes. Sa douceur et son sourire illuminent l'écran et, malgré la timidité du personnage, elle est loin d'être effacée.
Charles Dance prête ses traits aristocratiques et son visage assez dur à Maxime, homme secret et assez imprévisible.
Tous deux sont parfaits dans le rôle et forment un couple plutôt glamour.

Les nouveaux mariés se rendent donc au manoir de Maxime où les accueille l'inquiétante gouvernante, Mrs Danvers. La jeune mariée découvre bien vite que l'ombre de la précédente Mrs de Winter plane sur le manoir et
une question l'obséde bientôt. Maxime est-il toujours amoureux de la disparue ?

De son côté, Mrs Danvers, qui voue à son ancienne patronne une véritable adoration, décide de chasser l'intruse en détruisant l'union du couple De Winter.

Voici donc Diana Rigg, lèvres serrées, regard froid et tenue austère, règnant sur le manoir et distillant son venin auprès de la jeune Mrs de Winter.
Tous les amoureux de la série The avengers (Chapeau melon et bottes de cuir ) et de sa délicieuse et sexy héroïne, Madame Peel, seront d'abord un peu effarés de voir ainsi l'actrice enlaidie et dans un rôle aussi déplaisant et austère.

Mais comme une grande actrice se doit de tout savoir jouer et que Diana Rigg a excellé aussi bien dans les rôles shakespeariens lors de sa longue carrière théâtrale qu'au cinéma et à la télévision, elle ne peut qu'être une convaincante Mrs Danvers....et elle l'est, en effet !

A présent, si l'on imagine le manoir de Manderlay comme un lieu sombre, voire même un peu gothique comme dans la version en noir et blanc d'Alfred Hitchcock , le film baigne ici dans le soleil et les couleurs chaudes, ce qui enlève le caractère lugubre du lieu. Tout semble idyllique au début de l'union des De Winter, ce qui fera ressortir tragiquement les épreuves qui vont s'abattre sur eux.

Il est appréciable que Jim O'Brian n'ait pas cherché à copier son illustre prédecesseur mais qu'il ait proposé une vision un peu différente, davantage basée sur l'histoire d'amour de Max et de son épouse que sur le mystère, et faisant plus ressortir la passion amoureuse de Mrs Danvers pour Rebecca, la rendant ainsi plus pathétique et folle que diabolique.
De même, malgré sa froideur apparente, Max est véritablement épris de son épouse et le téléfilm prend le temps de brosser les caractères des personnages et même, par quelques images rapides, de montrer Rebecca - ce que l'on peut peut-être regretter-.

Le téléfilm étant en deux parties, on pourra remarquer un début un peu lent et une fin assez surprenante, un peu différente du roman. Les scénaristes n'auraient-ils pas confondu avec 

Jane Eyre de Charlotte Brontë qui a quelques points communs avec l'histoire de Rebecca ?.... Regardez le film et vous comprendrez.

Ceci n'enlève cependant rien au plaisir ressenti en visionnant ce beau téléfilm, impeccablement joué et attachant.


Ma critique de Rebecca d'Alfred Hitchcock :

Rebecca

Capitaine Corelli : Heil Puccini !

Capitaine Corelli- Film de John Madden, 2001.

Adaptée d'un roman écrit en 1993 par le romancier anglais Louis de Bernières (au nom bien peu anglais) sous le titre La mandoline du Capitaine Corelli, l'histoire se passe sur l'île grecque de Céphalonie et se déroule de 1941 à 1947.

Elle relate, sur fond d'histoire romantique, un épisode méconnu de la seconde guerre mondiale. Lors de  la lutte entre l'armée italienne et des résistants grecs, Céphalonie est occupée à la fois par l'armée de Mussolini et par les allemands. 

Suite à la chute de Mussolini en 1943, les alliances s'inversent et les deux armées s'affrontent, conduisant les unités italiennes à se battre aux côtés des résistants grecs lorsque les soldats SS viennent les sommer de déposer les armes. 

La répression sera terrible et 5000 des 9000 soldats italiens présents sur l'île seront massacrés par l'armée allemande, après avoir été désarmés.

L'histoire suit le destin d'un médecin grec Iannis et de sa fille, Pelagia, fiancée à un jeune pêcheur, Mandras. Celui-ci part au front.


Peu de temps après, l'île se trouve occupée par une unité italienne, dirigée par le Capitaine Antonio Corelli, étonnant et sympathique officier qui arrive, mandoline en bandoulière à la place du fusil. Amateur d'opéra, il entraîne ses soldats à chanter et voue une grande passion pour Puccini et Verdi. Venu prendre ses quartiers dans la maison du Docteur Iannis, il tombe rapidement amoureux de Pelagia qui comprend que son amour pour Mandras était illusoire.

Le film surprend d'abord par le ton léger adopté durant la première moitié de l'histoire . L'armée d'occupation est là pour soumettre les habitants mais semble fraterniser avec la population. C'est même seulement à un officier allemand que le maire du village acceptera de se rendre et non aux soldats italiens, qu'il juge ne pas être de réels adversaires d'envergure.

On assiste à des moments un peu surréalistes. Corelli et ses soldats, en maillot de bain, répètent sur la plage un air de l'opéra La Tosca. Arrive un officier nazi en uniforme "Heil Hitler! ", "Heil Puccini!" réplique le Capitaine en faisant le salut militaire.

Nicolas Cage retrouve donc avec bonheur les origines italiennes de sa famille pour parler avec les mains, gratter la mandoline et chanter des airs d'opéra. Son personnage est sympathique, sensible, loin des préoccupations guerrières. Il dit d'ailleurs n'avoir jamais tiré sur quelqu'un. On ne sait pas trop où il a fait la guerre et gagné ses galons !

La seconde moitié du film nous replonge dans les événements historiques qui ont touché Céphalonie et


le ton change brutalement, entrainant les personnages dans la tragédie et dans la guerre, qui semblait jusqu'alors lointaine, malgré l'armée d'occupation. Le beau Capitaine abandonne sa mandoline et son sourire pour prendre à son tour les armes. 

Après un début un peu lent, l'histoire gagne en intérêt avec le couple Pelagia-Antonio. D'abord hostile à l'occupant, le Docteur Iannis, narrateur de l'histoire, finit par comprendre le drame vécue par sa fille et par venir en aide aux amoureux. La guerre va finir par rattraper tous les personnages. 

Pénélope Cruz interprète avec beaucoup de sensibilité le rôle de Pélégia, déchirée entre son amour pour le Capitaine Corelli et la parole donnée à son fiancé, personnage  qui suscite d'ailleurs peu de sympathie. Celui-ci est interprété, sans trop de conviction, il faut bien le dire, par Christian Bale qui tente de se faire passer pour un grec. 

John Hurt est le troisième acteur de la distribution à jouer un habitant du lieu mais son talent est tel que l'acteur britannique réussit sans peine à se glisser dans la peau du Docteur Iannis.

Heureusement, Irène Papas, célèbre artiste grecque est venue compléter la distribution dans un rôle tragique qui lui va bien, celui de la Mère de Mandras.

On regrettera le peu de développement de certains personnages et épisodes du roman d'origine, notamment la véritable passion de Carlo pour son Capitaine ou alors l'amitié de Corelli et du Capitaine Weber...tout ceci s'achevant dans la tragédie.

On pourra citer, pour terminer l'évocation de ce film, la très belle photographie de John Toll (Légendes d'automne, Le dernier samourai..) qui nous fait découvrir Cephalonie, ses paysages, ses villages et ses plages.

Un joli film à découvrir.

 

La légende de Viy : un délire baroque, inspiré d'un conte ukrainien

 La légende de Viy - Film d'Oleg Stepchenko, 2014.

Viy est une entité démoniaque issue du folklore ukrainien. Il peut, d'un simple regard tuer une personne ou réduire en cendres un village. Il dissimule d'ailleurs ses yeux sous de longues paupières qu'il relève au moment d'atteindre ses victimes. Ce personnage serait à l'origine de la croyance sur "le mauvais oeil".

Il sera popularisé par Nicolas Gogol.

L'écrivain s'intéresse aux contes ukrainien dans ses premières oeuvres, son premier recueil de nouvelles sera Les soirées du hameau, suite d'histoires fantastiques se situant dans le monde paysan. Trois ans plus tard, en 1835, il écrit Vij (ou Viy), mettant en scène trois étudiants du séminaire de Kiev, qui se trouvent perdus un jour dans la plaine ukrainienne et qui vont se trouver aux prises avec des forces démoniaques. 


L'un d'entre eux, Thomas, doit veiller durant trois nuits, la fille défunte d'un riche propriétaire, dans une église maudite. Les forces du mal vont se déchaîner contre le pauvre séminariste.

En 1960,  Mario Bava réalise une version un peu lointaine du conte de Gogol, Le masque du démon. L'atmosphère en est plus gothique façon Hammer que conte russe.

En 1967, Konstantin Ershov et Georgi Kropachyov offrent une version fidèle de l'histoire, revenant aux traditions populaires ukrainiennes pour un contexte plus authentique.

En 2014,  Oleg Stepchenko s'empare à son tour du conte pour en proposer


une version totalement baroque et échevelée. S'il reprend également l'histoire de base, avec la présence des trois étudiants, il introduit un nouveau personnage qui sera le héros de son histoire, anti-héros d'ailleurs, vus les malheurs et situations ridicules dans lesquels il va se trouver.

Jonathan Green est un cartographe anglais vivant aux débuts du 18ème siècle. Ce personnage , des plus originaux , voyage dans un étrange carrosse à cinq roues, se mouvant à peu près seul par un ingénieux système, et ce, malgré la présence de son attelage de deux chevaux.  D'étranges instruments de mesure et des inventions diverses encombrent sa voiture.


L'histoire a donc pour témoin et conteur un étranger - dans la pure tradition des romans gothiques de type Dracula ou histoires d'Edgar Poe - arrivant par hasard et pour son malheur dans un village perdu, très loin dans Les Carpathes, aux confins de l'Ukraine. Il incarne le lecteur ou le spectateur découvrant le monde étrange et inquiétant où règne le mal, ce qui permet de créer une empathie dès le départ.

Désireux d'explorer le monde et notamment les lointaines contrées de l'est de l'Europe, notre savant arrive dans un village inhospitalier, vivant dans la terreur d'une étrange créature, démon à cornes, qui vit dans les marais et qui vient d'assassiner une jeune fille. Un Pope totalement fou dirige le village et entretient la terreur chez les habitants.

Jonathan rencontrera sur sa route trois étudiants ( vous vous rappelez, ce sont bien ceux du conte de Gogol); l'un d'eux, Thomas, lui raconte une histoire fantastique de sorcières et de monstre tapi dans les marais.

Aidé d'un jeune homme du village qui devient son assistant, Pétrus, Jonathan est chargé de cartographier la région. Il découvre l'église maudite et le sort qui s'est acharné sur le pauvre Thomas.

La qualité du film réside dans l'atmosphère fantastique et baroque, au rythme échevelé et aux effets spéciaux grandioses, qui en mettent plein les yeux. Visuellement très beau, il nous plonge dans un univers à la Sleppy Hollow de Tim Burton - mais à la mode russe -. 

Le héros rencontre toute une série de personnages étranges et monstrueux : il arrive chez une sorcière, assiste à un étrange banquet où les convives se changent en monstres dans une scène d'une folie totale et finit par rencontre Viy dans un décor cauchemardesque. 

On ne sait plus si l'on est dans le rêve - ou plutôt


cauchemar - ou dans la réalité. 

L'église enchevêtrée dans une montagne de racines qui semble perchée entre ciel et terre, le marais où l'on entrevoit un amoncellement de cornes et où l'on entend mugir la créature, sont d'une sombre beauté.

Le film adopte un ton souvent parodique et l'avalanche d'effets spéciaux engendre plus l'amusement que la terreur. Je pense que c'est voulu, du moins en partie, comme le montrent les mimiques et réactions de notre pauvre savant, à la vision des monstres qui lui apparaissent.

Le film souffre cependant d'un scénario souvent assez confus mélangeant les récits des personnages aux événements réels. On a parfois du mal à se repérer dans le temps à travers les diverses scènes. De plus, plusieurs personnages du village ont un look semblable, façon guerriers tartares crâne rasé, longue mèche et grandes moustaches, ce qui entraîne des confusions dans le "Qui est qui ?"

Le casting mêlant acteurs britanniques - Jason Flemyng dans le rôle du savant et Charles Dance dans celui de Lord Dudley - et russes - Andrey Smolyakov, Aleksey Chadov et Agniya Ditkovskite, pour ne citer qu'eux -, le doublage n'est pas de grande qualité. 


Le film a en effet connu beaucoup d'aléas de tournage, divers arrêts jusqu'à une sortie réussie en Russie. Il n'en sera pas de même en France où il ne sera pas exploité en salle mais sortira directement en DVD et Bluray 3 D. La légende de Viy a ainsi été un gros succès en Russie, beaucoup moins chez nous, le style mi-horreur mi-parodique pouvant surprendre ainsi que ses multiples références, pas forcément accessibles.

La réalisation semble aussi s'inspirer, par son style de certaines adaptations de contes, notamment par Alexander Rou, moins horrifiques car plus destinés aux enfants,  mais toujours mélange de fantastique et  d'humour - parfois très parodique- comme on a pu le voir notamment dans Veillées du village de Dikanka, adapté là encore de Gogol ou dans Par feu et par flammes - films des années 60-.

Malgré ses défauts, La légende de Viy se suit avec beaucoup de plaisir, réservant son lot de surprises, de bout en bout, en mettant plein les yeux dans un délire baroque de film d'horreur. Certains effets sont faits, de toute évidence, pour la 3 D, cela doit faire de l'effet en grand écran.

Dommage alors que sa sortie soit restée si confidentielle en France !

Le succès en Russie sera tel qu'il engendrera une suite, Viy 2 : Journey to China où l'on s'éloigne quelque peu du folklore russe ( Jackie Chan et Arnold Schwarzenegger rejoignent la distribution et notre savant prend cette fois-ci la route de la Chine) !!

Restant apparemment davantage dans la lignée du film d'origine, une série de trois films, intitulée Les chroniques de Viy, verra également le jour - en 2017, 2018 et 2020-.

Le personnage n'a pas fini d'inspirer le cinéma russe.


Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

  Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011. On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais égal...