Rousslan et Ludmilla : Un Conte-poème épique de Pouchkine

Affiche Rousslan et Ludmilla

Rousslan et Ludmilla - Film d'Aleksandr Ptushko, 1972.

Rousslan et Ludmilla est le chant d’adieu du réalisateur Aleksandr Ptushko, qui décédera la même année. Ce réalisateur du merveilleux, surnommé le Walt Disney russe, laisse un bel héritage au cinéma russe d’animation et au cinéma fantastique orienté jeunesse : Le nouveau Gulliver, Les voiles écarlates, La fleur de pierre, Le tour du monde de Sadko ou encore Le géant de la steppe.


Ce film testament réunit tous les thèmes du merveilleux chers au réalisateur : nains, géants, fées des eaux et des bois, magiciens et sorcières, preux chevaliers et douces héroïnes… L’amour de la Russie est toujours bien présent, on y célèbre l’amour de la terre, la fidélité et la bravoure. Ceci vaudra d’ailleurs au réalisateur diverses décorations comme celle d’Artiste du peuple de l’URSS en 1969.
L’histoire est tirée d’un des nombreux poèmes épiques de Pouchkine. Il sera tout d’abord adapté en opéra au XIXème siècle par le compositeur Mikhaïl Glinka.
Ce ne sera cependant pas la musique de Glinka, mais celle de Tikhon Khrennikov, grand compositeur russe du XXème siècle, qui illustrera le film.
La musique en est de toute beauté ; on retiendra le superbe thème central qui s’entend tout au long du film et que l’on se surprend à fredonner bien après que celui-ci se soit achevé.
L’histoire :
Rousslan jeune et valeureux guerrier, est amoureux de la fille du prince Vladimir. Celle-ci, écartant ses trois autres prétendants, accorde sa main à Rousslan. Le jeune couple est uni lors d’une somptueuse fête durant laquelle un musicien chante les exploits du jeune guerrier et le bonheur des mariés. Alors qu’il rejoint sa jeune épouse pour leur nuit de noces, Rousslan a la douleur de voir sa bien-aimée emportée par une bourrasque qui n’est autre que le méchant sorcier Tchernomor. Celui-ci est un nain maléfique à très longue barbe qui vit dans un beau palais souterrain dans lequel il emporte sa proie. Fou de douleur, le Prince Vladimir annule le mariage et promet sa fille à celui des quatre preux qui la ramènera.
Le film prend alors l’aspect d’une longue quête présentée sous forme de tableaux. On s’intéresse ainsi plus précisément à notre héros qui devra au fil de ses différentes rencontres prouver ses qualités : bravoure, compassion, intelligence, fidélité…avant de parvenir à la demeure du méchant magicien.
Rempli de scènes magnifiques, comme celle des géants enchaînés qui soutiennent la voûte de la grotte et auxquels la douce Ludmilla donnera à boire, la tête de guerrier géante, la fuite de Ludmilla sautant de pierre en pierre dans un décor de rêve…
Le palais souterrain du nain maléfique est une pure merveille visuelle. La salle où la belle princesse repose sur un lit à colonnes fait un peu penser à celle du palais du Grand Yaka dans Titus Le petit lion – pour ceux qui étaient enfants dans les années 70-. Kitsch diront certains et cela l’est certainement mais comment ne pas être éblouis par la beauté visuelle et l’inventivité de chacune des scènes.
On pourra reprocher également au film un manque d’unité, les scènes se succédant sans réel lien parfois. Le film ne doit certainement pas non plus se regarder pour l’interprétation ; le jeu est assez théâtral et surprenant pour un film des années 70.
On laisse cependant sans ennui se dérouler les pages de ce conte merveilleux. Un film à voir pour ceux qui veulent découvrir un "autre" cinéma fantastique…

Le Noël de Mickey : Garder la magie de Noël

Affiche Le Noël de Mickey
Le Noël de Mickey - Film de Burny Mattinson, 1983.

Scrooge est un vieil avare, usurier de son métier dans le Londres du XIXème siècle. Dans son échoppe glaciale travaille Bob, gentil et soumis. Comme chaque année, le neveu de Scrooge, Fred vient souhaiter Joyeux Noël à son Oncle et le convier à son repas du 25 décembre. Mais le vieil avare déteste Noël, les chants, les cadeaux, la dinde… et les pauvres . De retour chez lui, il reçoit la visite du fantôme de son ancien associé Marley, qui vient le mettre en garde. Faute d’honorer l’esprit de Noël et de faire preuve de bonté, il risque d’être damné à jamais. Trois esprits viendront le visiter durant la nuit afin de lui permettre de se racheter.
Image associée
Quand les personnages sont joués par Picsou (Scrooge), Mickey (Bob), Donald (Fred) et Dingo (Marley), on se dit que le traitement de l’histoire sera peu traditionnel…ce en quoi on se trompe. Certes, des détails amusants seront rajoutés, Scrooge enfonce la couronne de Noël sur la tête de son neveu et l’éjecte de sa maison, le fantôme de Marley dégringole les marches après avoir roulé sur la canne de Scrooge…mais l’histoire est précisément respectée et illustrée.
On retrouve toute l’atmosphère de l’Angleterre de Dickens, le petit peuple, les dures conditions de travail et de vie, les chants et danses traditionnels.
La qualité graphique du film est irréprochable, le rythme soutenu réussit à concentrer l’histoire de Dickens en 25 minutes tout en en conservant les ingrédients et les diverses scènes.

Les aspects sombres de l’histoire, personnalisés par le Noël futur, horrible Pat Hibulaire, présentant les temps à venir comme des moments de deuil, sont évoqués rapidement mais en finesse. Cet aspect échappera peut être aux plus petits qui riront aux agitations de Picsou, à son effarement puis à sa soudaine métamorphose, se traduisant par une frénésie de préparatifs de Noël.
Le film a fait l’objet de trois doublages successifs, l’image étant aussi légèrement retouchée. Heureusement, Roger Carrel, inoubliable voix de Jiminy Criquet, a été conservé.
On retrouve également avec bonheur les personnages classiques de Mickey, que l’on s’amusera à repérer tout au long de l’histoire : Picsou, Donald, Daisy, Minnie, Dingo, Grand-Mère Donald, Horace et Clarabelle, Jiminy, le géant du Vaillant petit tailleur, plusieurs personnages de Robin des bois, le loup et les trois petits cochons…et bien d ‘autres.
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Ce merveilleux dessin animé fait partie depuis des années des traditions de Noël dans ma famille. Nous le regardons ensemble le 25 décembre. 25 minutes beaucoup trop courtes de pur enchantement. On rit et on pleure devant ce superbe dessin animé qui adapte très fidèlement l'oeuvre de Dickens.

La scène de Mickey pleurant sur la tombe de Tim me met chaque fois les larmes aux yeux....Merci Mr Disney !!!


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Joyeux Noël à tous !

Morozko : Father Frost au coeur des contes russes

Morozko - Film d'Aleksandr Rou, 1965.

Morozko est un conte traditionnel russe. Son personnage central est le Père hiver, Father Frost en anglais, incarnation du gel. Cette figure du folklore russe est représentée comme un vieil homme qui présente une certaine ressemblance avec Le Père Noël. Barbe blanche, vêtu de bleu glacier et de blanc et armé d’un sceptre de glace, il veille sur la forêt et sur la couverture de neige et de gel.
Le conte présente l’histoire de deux jeunes gens, très différents qui vont se rencontrer, s’aimer et surmonter les obstacles pour se retrouver.
Nastenka est une belle et douce jeune fille maltraitée par sa belle-mère qui lui donne à faire toutes les corvées de la maison. Son Père, trop faible pour résister à sa femme, laisse sa fille dans cette triste situation.
Ivan est un beau jeune homme vaniteux qui ne respecte pas son prochain. Quittant sa vieille Mère pour partir à l’aventure, il fait la connaissance d’un sorcier champignon (ou d’un champignon sorcier !) envers qui il se montre irrespectueux et qui lui jette une malédiction.
Myths and Legends: Origns of Jack Frost | School of ...Il fait, près d’une rivière, la connaissance de  Nastenka, que sa méchante belle-mère a envoyé en forêt puiser de l’eau. Quoique choquée par l’insouciance et la vanité du jeune homme, elle en tombe aussitôt amoureuse.
Suite à la malédiction, Ivan, dont la tête est devenue celle d’un ours devra apprendre l’humilité et l’écoute des autres, afin de retrouver son apparence d’origine et la jeune fille qu’il aime.
On rencontre un autre personnage de contes, Baba Yaga, personnage central des contes russes.
She blew me her death kiss: Morozko ( russian kids's movie )Cette sorcière vole sur un mortier, habite dans une maison sur pattes qui a la faculté de se déplacer et de danser et passe son temps à chasser les jeunes gens qu’elle veut faire rôtir. De fait, le personnage amuse plus qu’autre chose car on se doute qu’elle n’arrivera jamais à ses fins. Dans certains contes, elle aide même le héros, dans un rôle de grand-mère bienveillante, gardienne de la forêt.
Comparés aux contes merveilleux d'Aleksandr Ptushko (Sadko, Russlan et Ludmila, Le géant de la steppe…),  les films de Rou  sont plus enfantins, plus joyeux et moins épiques. Le réalisateur a adapté un grand nombre de contes du folklore russe. Vassilissa la Très Belle, La belle Barbara à la natte longue, Par la volonté du brochet et Morozko, sont ses films les plus célèbres.
Les personnages sont parfois un peu caricaturaux, Rou adopte un ton humoristique qui peut parfois sombrer un peu dans le ridicule.
Mais on se trouve ici au coeur des contes russes avec un film tourné vers un jeune public, le spectacle est souvent naïf, à l’humour bon enfant.
Hotel-R | Best Hotel Deal SiteUn ours apprivoisé va cueillir des champignons, la sorcière Baba Yaga est perchée à l’entrée de sa cabane dotée de pattes, les bandits sont plus bêtes que méchants, les isbas sont colorées, les filles et garçons sont beaux et chantants…


On prend plaisir à se remplir les yeux des paysages mélancoliques des forêts de Russie, qui sous la neige, ont une grande beauté. On se perd en forêt avec le bel Ivan, on part en traîneau sur la neige blanche, on rit de Baba Yaga…et on ressort du film émerveillé, ayant retrouvé notre âme d’enfant.

Illustration d'Ivan Bilibine pour le conte Morozko (1932) - source wikipedia

Voir mes critiques des films d'Aleksandr Ptushko :


Le géant de la steppe


Sadko

L'assassinat du Père Noël : Un conte d'hiver

L'assassinat du Père Noël - Film de Christian-Jaque, 1941


L’assassinat du Père Noël « Le cinéma d'ImpétueuxEn regardant tomber les premiers flocons de neige et en grelottant dans le froid de l’hiver, je me suis dit qu’il était bien temps de ressortir mon vieux DVD de l’Assassinat du Père Noël. Tourné dans la région de Chamonix, durant l’Occupation. Le film nous renvoie à une époque en partie révolue où l’épaisseur de neige montait à la hauteur des toits, où les routes dégagées laissaient de côté, non pas des murets de neige, mais des hauts murs. Les maisons, totalement enfouies laissent parfois juste apparaître une fenêtre éclairée quand la hauteur de neige sur le toit devient équivalente à celle du sol. Cette impression d’un autre monde, coupé de tout et hors du temps, donne une atmosphère tout à fait particulière au film de Christian-Jaque.
Véritable conte de Noël et conte d’Hiver, il nous présente un ensemble de personnages un peu fous qui vont vivre un bien étrange Noël.
Résultat de recherche d'images pour "assassinat du père noel renée faure"Le Père Cornusse est un fabricant de jouets. Il fabrique des mappemondes en argile qu’il peint. Pour qui ? Difficile à dire vue la quantité fabriquée qui aurait de quoi remplir les maisons du village. On peut penser qu’il les distribue ailleurs, mais le village est totalement isolé, perdu dans les montagnes.
Au premier étage, sa fille Catherine fabrique des poupées en rêvant au prince charmant .
Traversant le village en traineau, le baron revient un jour d’un tour du monde de 10 ans pour s’engouffrer dans son château. Pour se débarrasser des fâcheux, il fait croire qu’il a la lèpre.
Si on rajoute à ceci une femme vêtue de noir nommée Mère Michel parcourant le village à la recherche de son chat et un instituteur exalté aux yeux de fous, on se dit que tous ont certainement un grain.
Finalement, les seuls personnages possédant un solide bons sens sont l’aubergiste et les deux papets qui passent le film à taper le carton (échappés d’un roman de Pagnol mais ici à la mode savoyarde, en fait ce sont les mêmes, à part l’accent).
Une silhouette mystérieuse parcourt le village, cherchant à voler l’anneau de saint Nicolas, trésor de l’Eglise.
Résultat de recherche d'images pour "assassinat du père noel renée faure"Pour Catherine, ce Noël sera pour elle un éveil à la vie par un simple baiser du baron.
La magie de Noël commence. On accompagne les personnages à l’Eglise pour la messe de Noël et on suit la tournée du Père Cornusse déguisé en Père Noël.
Et l’assassinat qui donne son titre au film ?
Que ceux qui s’attendent à voir une histoire policière passent leur chemin, certes il y a un crime mais celui-ci n’est qu’un prétexte à l’histoire. L’enquête menée par le Maire se résume à deux-trois interrogatoires rapides avant que Bernard Blier, à la fin du film, n’arrive pour expliquer l’affaire en deux minutes.
Finalement, peu nous importe. Ce qui nous intéresse, ce sont les trois personnages principaux, Cornusse, sa fille et le Baron.
La tournée du Père Noël dans les maisons du village est un régal :
« Pour dire que la maison sera pleine de jouets…et bien non on ne pourra pas dire qu’elle sera pleine de jouets ».
Le sourire du petit Roger s’efface.
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« Mais pour dire que ce sera une maison sans jouet, et bien non, ce ne sera pas une maison sans jouet.. ; »
Le sourire du petit Roger éclaire à nouveau son visage.
Après avoir visité 42 maisons et pris 42 apéritifs, le Père Noël parvient enfin au château du Baron pour voir les petits de la gardienne mais ceux-ci ne le verront pas arriver.
Résultat de recherche d'images pour "assassinat du père noel "Les images sont belles, les enfants parcourant la montagne en appelant le Père Noël, la procession des enfants accompagnant le Père Noël dans le soleil couchant ou encore celle où, magnifique dans son costume savoyard, Renée Faure (Catherine) irradie, telle une princesse de la Renaissance, sous les yeux émerveillées du baron, Raymond Rouleau et les nôtres.
Citons enfin pour finir une interprétation formidable d’Harry Baur en Père Cornusse, plein d’originalité, de Robert Le Vigan qui crève l’écran, en instituteur excité et les enfants, merveilleux de justesse et de naturel.
Un film à voir et revoir.

Le ciel peut attendre : Ascenseur pour le Paradis.

Le ciel peut attendre - Film de Ernst Lubitsch, 1943.

Dans un bureau immense est installée son Excellence, le Diable en personne, qui accueille les nouveaux venus pour leur indiquer leur destination finale. L’ascenseur les conduira soit en haut, vers le Paradis, soit en bas vers les enfers. Un vieil homme, Henry Vancleve, se présente et raconte sa vie bourgeoise, frivole, dominée par son amour des femmes, mais surtout de sa femme, Martha.



Le film se déroule sous la forme d’une chronique présentant divers moments de la vie d’Henry lors de ses anniversaires les plus marquants.
Inexorablement, le temps passe, parsemant de cheveux blancs et ridant l’éternel séducteur. Arrivé à ses 50 ans, il s’interroge. Peut-il encore séduire ?
Le temps passe encore, l’entrainant jusqu’au terme de sa vie, qu’il quittera sur un sourire et après avoir profité d’un dernier délicieux repas d’Anniversaire.





Personnage frivole et menteur, Henry éveille cependant dès le début du film la bienveillance du spectateur. Lorsque vieillard, il se présente humblement à la porte des enfers, il déclare que sa vie entière n’a été qu’une faute mais il ne sera peut-être pas accepté aux enfers et n’ose pas se présenter à la porte du Paradis. Les mensonges du personnage sont maladroits, ses infidélités et tentatives de séduction ne vont guère loin, tout le ramenant à sa femme.
Et lorsqu’à la mort de celle-ci, il se sent seul et sort se distraire toutes les nuits, la simple vision d’un ouvrage de la bibliothèque le ramène à ses souvenirs et le rend honteux d’avoir seulement pensé qu’il pourrait oublier sa chère Martha.
Dans le rôle d’Henry, Don Amèche est parfait, interprétant de façon convaincante le personnage à tous les âges de sa vie d’adulte.
Don Amèche a eu une carrière d’une longueur exceptionnelle ; de 1935 à 1954, il tournera une quarantaine de films avant une traversée du désert durant les années 60-70.
Suite à Un fauteuil pour deux de Landis (1983) puis Cocoon de Ron Howard (1984), sa carrière sera relancée, à 75 ans et il tournera films et téléfilms jusqu’à sa mort en 1993.
Quant à Gene Tierney, quel plaisir de la voir si radieuse en couleurs, la plupart de ses rôles marquants étant dans des films tournés en noir et blanc (Laura, Le fil du rasoir, L’aventure de Mme Muir, Les forbans de la nuit, Marc Dixon détective…),



Son vieillissement est bien moins réussi, la cinquantaine s’affichant pour elle par une coiffure improbable parsemée de cheveux blancs, des vêtements plus sages et une attitude un peu guindée.
Tout ceci est heureusement bien vite oublié dans la belle scène où les deux époux valsent, conscients de vivre là le moment le plus heureux de leur vie.
Outre nos deux héros, le personnage le plus remarquable est celui du Diable, incarné par Laird Cregar, appelé Excellence. Son personnage est très affable et sympathique. On le comprend quand il fait disparaitre dans les enfers une vieille enquiquineuse, au moyen d’une trappe escamotable et on se doute de la réponse finale qui sera donnée à Henry.
On pourra reprocher au film d’être parfois un peu bavard et assez statique, notamment dans sa première partie, jusqu’au mariage de ses deux personnages principaux. Le film est en effet l’adaptation de la pièce Birthday de Leslie Bush-Fekete. De fait, à deux exceptions près (le parc et la rue dans laquelle Henry se met à suivre Martha après l’avoir aperçue dans un magasin), toutes les scènes se passent en intérieur.
L’ensemble reste sage, assez peu enlevé, manquant peut être d’un rien d’audace qui romprait la ligne droite de la destinée du personnage.
Le dénouement final scellant le destin d’Henry dans l’autre Monde ne surprendra donc pas.


Le spectateur sourit, amusé et ému par le personnage qui renvoie aux défauts de l’être humain. Le Diable lui-même sourit car il a tout de suite cerné le personnage.
On retiendra enfin le magnifique technicolor qui nous permet de voir les beaux yeux bleus de Gene Tierney, la beauté et les couleurs chatoyantes des tenues et décors du début du siècle.
Un beau film à découvrir.

Les araignées : Du Temple du soleil au Lotus bleu

Les araignées - Film de Fritz Lang, 1919.

Les films muets peuvent souvent paraître assez rébarbatifs à une grande partie du public d’aujourd’hui. De fait, exceptés les films burlesques – notamment ceux de
Chaplin -, qui se passent plus facilement de son, car basés sur des gags très visuels, la plupart des films muets sont aujourd’hui totalement oubliés. Dépourvus de sons, ces films doivent tout faire passer par l’image : des expressions faciales, des bruits et une histoire réduite en explications. Afin que l’histoire soit compréhensible, des cartons reproduisant certains dialogues ou donnant des explications indispensables à la compréhension, sont insérés. Comme ceux-ci ne doivent pas trop alourdir l’oeuvre, l’image se doit d’être la plus explicite possible. Les expressions des personnages sont alors exacerbées, les scènes longuement filmées pour imprégner le spectateur. Tout ceci nécessite d’être compris et accepté afin que le public d’aujourd’hui puisse être accroché. 
Les araignées est le premier grand film de Fritz Lang, présenté sous la forme d’un diptyque, comme le sera plus tard Le tigre du Bengale, suivi du Tombeau hindou. Les deux précédentes œuvres du réalisateur, tournées en la même année, La métisse et Le maître de l’amour, sont considérées comme perdues.


Episode 1 : Le lac d’or
Le prologue montre un vieil homme épuisé aux vêtements en haillons, jetant une bouteille à la mer du haut d’une falaise, avant d’être abattu d’une flèche par un indien. Durant une course de yachts, le riche aventurier américain Kay Hoog, trouve le message et le montre à ses amis lors d’un banquet. Le message indique la localisation d’un trésor inca et notre aventurier décide de se lancer sur les traces de l’explorateur perdu et de sa mystérieuse quête au trésor au Pérou. Cependant, parmi les convives, se trouve une mystérieuse jeune femme, Lio Sha – aux origines indéterminées – qui se révèle être le chef d’une organisation criminelle, Les araignées. Ces bandits vont à leur tour courir après le trésor et après notre héros.
A mi-chemin entre un Tintin et un Philéas Fogg, Kay Hoog part donc à l’aventure ; il se fait attaquer par des bandits, s’enfuit à cheval puis en ballon et après diverses péripéties finit par arriver au Temple du soleil, ou du moins chez les incas. Le tout se déroule à un rythme très soutenu, peut-être même un peu précipité et échevelé.


Episode 2 : Le cargo aux diamants
Après Tintin au temple du soleil, nous voilà au Lotus bleu. Kay est à la poursuite de Lio Sha qui a fait assassiner sa bien-aimée. Une grande partie de l’histoire se situera à Chinatown. L’ensemble se révèle beaucoup moins passionnant que la première partie, et souffre parfois de certaines longueurs et confusions, notamment lors des conciliabules de la société secrète. Il semble aussi manquer quelques morceaux car on assiste à des raccourcis saisissants. L’épisode se suit cependant avec intérêt et réserve son lot d’aventures.

Côté distribution, on découvre, dans le rôle de Kay, l’acteur allemand Carl de Vogt, bel homme au visage sévère, qui avait déjà joué dans les deux premiers films perdus de Fritz Lang ; il tournera dans une quarantaine de films muets puis passera aux seconds rôles dans une petite dizaine de films jusqu’au milieu des années 50.
L’autrichienne Ressel Orla – Lio Sha - qui avait elle aussi déjà participé au premier film de Lang, apparaitra dans une soixantaine de films jusqu’en 1929, avant de disparaitre à l’âge de 42 ans à peine. 


On notera enfin, dans le court rôle de Neola, la prêtresse du soleil de la partie 1, l’actrice Lili Dangover, qui traversera, quant à elle 60 ans du cinéma allemand, notamment les films de la période allemande de Fritz Lang, comme Le cabinet du Dr Caligari, Les trois lumières et Le Docteur Mabuse. Sa dernière apparition sera dans Légende de la forêt viennoise de Maximilien Schell en 1979.

Les Araignées, sans avoir la splendeur du Tigre du Bengale et du Tombeau hindou, se suit avec intérêt et peut être recommandé à ceux qui veulent découvrir le cinéma muet. Il est certainement le précurseur de nombreux films d’aventures qui sauront en prélever les ingrédients indispensables – poursuites, enlèvements, expédition dans une cité perdue, histoire d’amour et de rivalité -, tout en en gommant les imperfections. Précisons enfin que le film est tiré de l’unique roman de Fritz Lang , paru sous forme de feuilleton à Berlin, en 1919. C’est aussi sous la forme de plusieurs épisodes que l’adaptation a été conçue. Seuls les deux premiers volets – sur les quatre prévus – seront tournés, ce qui explique certainement la fin assez abrupte du film.

Lumière ! L'aventure commence : Les Frères Lumière et l'art du cinéma


Affiche Lumière ! L'aventure commence
Lumière ! L'aventure commence - Documentaire de Thierry Frémaux, 2017.

La belle villa de style Art nouveau d’Antoine Lumière et de sa famille domine la place de Montplaisir à Lyon. Indifférente aux changements de la ville et à la frénésie de la circulation qui la borde, elle conserve précieusement l’héritage de la famille Lumière et de ceux qui travaillèrent avec eux pour expérimenter les multiples techniques du cinéma naissant. On sait que la paternité du cinéma a été contestée à Auguste et Louis Lumière, divers procédés ayant parallèlement vu le jour, notamment aux USA avec Edison. Qu’ils aient été ou non les premiers a finalement peu d’importance quand on contemple toutes les techniques expérimentées et tous les thèmes traités. On a l’impression, en pénétrant dans la villa devenue musée ou en parcourant le jardin, de revenir plus d’un siècle en arrière et de plonger dans l’histoire du cinéma et dans l’Histoire elle-même.

Le Hangar du 1er film où Louis installa sa caméra le 19 mars 1895 pour tourner le célèbre film de 50 secondes, Sortie d’usine, est devenu salle de cinéma. Chaque année, au cours du festival Lumière, les plus grands réalisateurs viennent poser leur caméra au même endroit pour tourner leur propre Sortie d’usine.
Thierry Frémaux, Directeur de l’Institut Lumière, propose dans Lumière, l’aventure commence, un montage de 108 films de 50 secondes, magnifiquement restaurés, tournés entre 1895 et 1905.
Découpé en 10 chapitres plus un épilogue, le film est organisé en thèmes, permettant de balayer toute l’œuvre des Frères Lumière et de leurs opérateurs.
Parmi les plus connus, on retrouve l’ensemble des films de famille ou de ceux tournés sur Lyon, sur les bords de Saône, à la gare de Perrache, sur la Place des Cordeliers et la Place Bellecour. On est surpris de voir combien les lieux ont parfois à peine changé ; les passants nous semblent vivants.



Les commentaires de Thierry Frémaux, accompagnés tout au long du film par la musique de Camille Saint Saens, expliquent avec clarté l’art du cinéma qui voit ainsi le jour au fil des diverses scènes : travellings avant et arrière, trucages, remakes, profondeur de champ et diagonales. Ils semblent avoir tout inventé.
On retiendra aussi des scènes exceptionnelles tournées dans divers pays lorsque l’équipe prit son envol à travers le monde.
De belles images de New York en 1895, des rues de Moscou dans la Russie des tsars ou encore un étonnant combat entre chevaux et canards dans une rivière du Mexique.



La caméra se plante à de multiples endroits pour saisir tout un ensemble de scènes d’un autre temps, mettant en scène ou saisissant sur le vif des personnages de toutes sortes : chasseurs alpins en exercice, défilé de nourrices, ouvriers au travail… Voir s’animer et bouger les personnages est émouvant. On sourit et on rit aussi souvent à voir des scènes cocasses, des personnages qui surjouent et des événements inattendus.
Un film très riche dont on ressort émerveillé avec le sentiment d’avoir vu des moments exceptionnels d’un autre temps.
Une magistrale leçon de cinéma et un témoignage rare sur l’aube du XXème siècle.

L'arroseur arrosé et autres films : Ma première séance Lumière au Musée des Confluences de Lyon

Affiche L'Arroseur arrosé
L'arroseur arrosé et autres films - Court-métrage de Louis Lumière, 1895. 

Le Musée des Confluences de Lyon accueille depuis plusieurs mois une grande exposition « Lumière ! Le cinéma inventé ». Y sont présentés les techniques, matériels et réalisations des Frères Lumière. Je m’y suis donc précipitée.
Parcourant les divers espaces, j’arrive dans une grande salle au milieu de laquelle trône un joli pavillon de style indien, doucement éclairé de lumières bleues et roses, fermé par des rideaux. Ecartant intriguée un rideau aux motifs floraux, je pénètre dans une confortable salle de cinéma aux chaises de velours rouge et aux lustres diffusant une belle et claire lumière.




La voix de Michel Piccoli nous accueille pour la première séance payante de l’histoire du cinéma qui coûtait à l’époque 1 franc (J’ai dû débourser 9 € mais je suis restée plus de 3 heures à voir les diverses expositions du Musée).


J’assiste alors, séduite, à la séance qu’organisa la Famille Lumière le 28 décembre 1895, dans le salon indien du Grand café de Paris. 35 spectateurs assistèrent ce jour-là, médusés, à la séance. Quelques semaines plus tard, le bouche-à-oreille ayant diffusé la nouvelle, plus de 2 500 billets sont vendus chaque jour.


Bruit du projecteur, petit arrêt annoncé au changement de pellicule, introduction de chacun des films, tout est fait pour nous replonger dans l’atmosphère et nous faire vivre de façon précise les moindres détails de la séance. La voix semble si proche et vivante qu’il semble que le présentateur soit assis à côté de nous pour nous présenter le programme puis introduire chacun des 10 films d’une durée de 30 secondes à 1 minute.
Le film de l’arroseur arrosé déclenche les rires du public et il est réconfortant d’entendre les rires et exclamations des enfants de la salle…plus de 100 ans après et devant un jeune public gavé d’images de synthèse et d’effets spéciaux, le gag fait encore mouche.



Dans Le repas de Bébé, la petite Andrée Lumière, soigneusement nourrie par ses parents Auguste et Marguerite, nous sourit à travers le temps, heureuse et complice. Elle brandit un biscuit, familière de la caméra tenue par son Oncle Louis. Dans un autre film, elle tente d’attraper un poisson dans un bocal. Comme elle n’y met pas assez d’entrain, son Père la secoue doucement.




Ces diverses petites scènes de la vie quotidienne sont simples, pleines de fraîcheur, les acteurs amateurs s’en donnent à cœur joie ; ils sourient, rient et surjouent, ce qui les rend proches et vivants,par-delà les âges.

Sortie du pavillon, j’arrive devant un mur monumental de 16 m projetant en continu les 1.422 films Lumière tournés entre 1895 et 1905 et présentés grâce à une multitude de petits écrans. Je suis saisie de vertige.
Des fâcheux m’ont déjà rétorqué que les Frères Lumière n’avaient pas réellement inventé le cinéma… d’accord.. mais quand vous contemplez le mur des 1.422 films présentant des scènes diverses tournées dans tous les pays…qu’un peu plus loin vous rentrez dans une pièce de projection de vues à 360 ° et qu’en fin d’exposition, vous voyez un film tourné en relief…vous vous dites qu’ils y ont quand même contribué fortement. Vous ne croyez pas ?

Le vampire a soif : Méfiez-vous des papillons

Le vampire a soif - Film de Vernon Sewell, 1968.

Dans la jungle, un explorateur, fusil en main se fraie un passage dans la végétation, guettant les animaux et à l’affut des moindres bruits. Il tombe en arrêt devant une plante à longues feuilles et se met à herboriser. On se doute que quelque chose va arriver à notre pauvre explorateur…mais non, ce ne sera pas pour tout de suite. Par un raccourci saisissant, nous nous retrouvons dans la paisible campagne anglaise, qui va se révéler finalement plus dangereuse que la jungle. En effet, plusieurs crimes affreux viennent d’être commis, les victimes étant vidées de leur sang.
L’Inspecteur Queunell (à prononcer avec un accent anglais, sinon vous allez rire) se précipite sur les lieux. Le Professeur Mallinger, entomologiste,  a justement une demeure à proximité ; il y accueille ce soir-là un groupe d’étudiants pour une conférence privée. Et oui, il y a des profs qui font cela !!



Cependant, parmi les étudiants se dissimule un petit farceur qui glisse une fausse araignée dans le corsage de la jeune fille de la maison qui s’évanouit de terreur.
Cette mauvaise plaisanterie lui vaudra d’être aussitôt chassé des lieux et hélas de tomber, victime à son tour du mystérieux prédateur.
La présence de Peter Cushing dans un film est la garantie, pas forcément de la grande qualité du film, mais d’une histoire à rebondissements.
L’acteur met toujours la plus grande conviction à poursuivre créatures et monstres divers : momies, gorgone, vampires, chien des Baskervilles.. Parfois victime des monstres qu’il pourchasse, parfois basculant du côté des savants fous créateurs de monstres, mais toujours impliqué et charismatique. On s’attend à voir surgir son vieil ami Christopher Lee en vampire, haute silhouette, sourire inquiétant et habit impeccable. Et bien non, car notre prédateur n’est pas un vampire classique, les capes et chauve-souris ont été remisées. Comme l’histoire se passe près et dans la demeure d’un savant entomologiste, on se doute un peu du type de monstre attendu.
A la moitié du film, on verra réapparaitre notre explorateur du début, que l’on avait complétement perdu de vue et qui, suite à sa lointaine expédition, revient, hélas, se jeter à son tour dans la gueule du loup.
Les effets spéciaux étant assez réduits, comme certainement le budget de cette petite société de production de films d’horreur, Tigon Film British Productions, il ne faut pas s’attendre à des effets de grande envergure ; de fait, la créature vous fera certainement rire.


Comme toujours cependant dans ce type de film, on ne s’ennuie pas. La durée assez brève et les multiples péripéties permettent de maintenir jusqu’au bout l’intérêt malgré le manque de développement des personnages et certaines invraisemblances.

Le mystère du château noir : Boris Karloff et Lon Chaney Jr vous invitent au cœur de la Forêt noire

Affiche Le Mystère du château noir
Le mystère du château noir - Film de Nathan Juran, 1952.

Ce magnifique film aurait pu être un film de la Hammer, pour le style, la thématique et la flamboyance – pas des couleurs car c’est du noir et blanc - mais des images qui sont superbes….Il aurait alors été dans les meilleurs films Hammer que j’ai pu voir. Mais non, il a été produit par Universal.


Le mystère du château noir se déroule au XVIIIème siècle au cœur de la Forêt noire, en Allemagne. Richard Greene, ayant troqué son costume de Robin des bois, endosse fort élégamment celui d’un jeune lord anglais, Sir Ronald Burton, chargé par la couronne britannique de mettre fin aux sinistres agissements du comte Von Bruno, sinistre trafiquant qui avait sévi plusieurs années durant en Afrique. Richard Greene arrive en Allemagne à la recherche de deux de ses amis que le comte aurait fait disparaître. 

Nous voici donc au château noir, sinistre demeure au milieu d’une forêt sombre et brumeuse, infestée de loups. L’accueil n’y est guère encourageant. Le Comte est un individu cruel qui fait fortement penser à Sir Hugo du Chien des Baskervilles version Hammer. Le château abrite, outre ce charmant individu et ses complices, un serviteur tout à fait accueillant, Lon Chaney Jr, muet et demi-fou qui tente d’étrangler notre héros dès qu’il apprend que celui-ci est anglais, ainsi qu’un inquiétant Docteur, joué par Boris Karloff. Rajoutons à cette belle équipe, des cachots sinistres, une panthère affamée et une salle infestée de crocodiles.
A ce stade de l’histoire, vous vous dites qu’à la place de notre cher Lord, vous auriez déjà fait demi-tour.


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Mais non, notre héros va rester :
1) parce que, justement, il est le héros de l’histoire.
2) parce que, finalement, Boris Karloff est du côté des gentils, ce qui n’est pas forcément évident au premier abord.
3) parce qu’enfin, il y a la femme du Comte, jouée par la très belle Rita Corday, dont notre héros tombe amoureux, sous l’œil attendri de Boris Karloff – qui a tellement l’habitude de jouer les monstres que son regard attendri et son sourire sont plus sinistres qu’autre chose-.
Le film enchaîne les péripéties sans temps mort.


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La réalisation de Nathan Juran est de grande qualité ; il met ici magnifiquement à profit son expérience de Directeur artistique acquise dans Qu’elle était verte ma vallée ( ce qui lui vaudra un oscar en 1941, celui de la meilleure Direction artistique) et dans le Fil du rasoir. Il réalisera plus tard son film le plus connu, Le 7ème voyage de Sindbad.
Cette qualité se retrouve dans l'impeccable découpage du film et dans la photographie, notamment dans la chasse à la panthère dans la forêt, qui offre de belles images et dans la jolie scène du bal en costume XVIIIème siècle..




On regrettera la durée trop courte du film qui empêche certains développements et conduit à une fin un peu rapide.
Un très bon film d’atmosphère que je recommande de découvrir.

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