Bedlam : "Ce Monde est un grand Bedlam"-Voltaire

 Bedlam, Film de Mark Robson, 1946.


Boris Karloff en médecin sadique d'un hôpital d'aliénés, une jolie Anna Lee qui y est traitreusement enfermée et un jeune et sympathique quaker pour essayer de l'en sortir....voici qui nous promet un joli moment d'horreur baroque. De plus, le film datant de 1946, on peut s'attendre à plus de suspense que de véritables scènes d'horreur au réalisme frappant pour les coeurs sensibles.

C'est tout à fait ce qui attend le spectateur qui découvre le film Bedlam, inspiré d'un tableau de William Hogarth, A rake's progress (La carrière d'un libertin), peint en 1735.

L'histoire se déroule en un lieu tristement célèbre, le Bethlem Royal Hospital de Londres, établissement pour aliénés fondé en 1247 et actuellement le plus ancien établissement d'Europe encore en activité.
On imagine toutes les souffrance qui ont habité ces murs au fil des siècles, les asiles ayant longtemps été synonymes de prisons avant que l'on ne commence à y introduire des traitements et à offrir des conditions de vie plus décentes aux malades.
Le terme Bedlam, déformation de Bethlem est aujourd'hui utilisé dans le langage courant, il est synonyme de chahut, chaos ou confusion...vous imaginez pourquoi.


L'histoire commence en 1761 alors qu'un riche lord, Lord Mortimer, accompagné de sa protégée, une jeune comédienne du nom de Nell, est témoin de l'évasion d'un pensionnaire de l'asile d'aliénés de Bedlam. Poursuivi par un gardien, le malheureux est précipité dans le vide après que son poursuivant lui a écrasé les mains qui le retiennent au bord du toit.

Horrifiés, Lord Mortimer et Nell demandent des explications au Directeur de la prison, un individu sadique nommé Sims.
Ce sympathique personnage compose des pièces de théâtre à ses heures perdues et offre à Lord Mortimer de distraire sa prochaine soirée avec une de ses compositions, présentée par quelques-uns de ses pensionnaires. Séduit, celui-ci accepte tandis que Nell est profondément frappée par ce qu'elle découvre des conditions de vie d'un asile. 
Elle fait la connaissance d'un quaker, William Hanney venu s'engager comme tailleur de pierre à Bedlam, mais venu en fait pour se rendre compte de la vie des aliénés. Il encourage Nell à plaider auprès de Lord Mortimer la cause des misérables pensionnaires de l'asile afin d'obtenir son aide.
Trouvant de plus en plus dérangeante la jeune femme, Sims cherche à la faire déclarer folle. Elle est alors internée à Bedlam.

Après avoir dirigé Boris Karloff l'année précédente dans L'île des morts, Mark Robson retrouve une nouvelle fois l'acteur dans un type de rôle qu'il interprétera à de nombreuses reprises, celle d'un docteur fou. Celui-ci n'a d'ailleurs pas besoin de forcer beaucoup son sourire inquiétant ni son regard fixe pour être convaincant.
C'est cependant Anna Lee, dans le rôle de Nell, qui retient l'attention par sa beauté et son jeu passionné. Je ne connaissais pas le nom de cette superbe actrice qui a cependant figuré, sans avoir le premier rôle dans des films de renom comme Qu'elle était verte ma vallée, Le massacre de Fort Apache ou encore L'aventure de Mme Muir, pour ne citer que ces films.

Le personnage du quaker William, interprété par Richard Fraser, autre second rôle au visage connu - Qu'elle était verte ma vallée, Le portrait de Dorian Gray...- est inspiré d'une personnalité véritable, le quaker philantrope, Edward Wakefield.
Ce dernier a été le premier à alerter en 1815 sur les conditions de vie dans les asiles en présentant un texte devant le Parlement anglais. il militera également pour l'amélioration des conditions d'incarcération dans les prisons.
Scène du film reproduisant le tableau de William Hogarth

Bedlam se situe dans la lignée des films d'horreur gothique, à l'atmosphère des romans d'Edgar Poe, produits aux Etats-unis dans les années 40 comme Le mystère du château noir ou encore Le château de la terreur - tous deux avec Boris karloff et dont je propose une critique sur ce site -.
A découvrir si vous aimez les vieux films des années 40, au noir et blanc de grande qualité et à l'atmosphère mystérieuse à souhait.


Tableau de Hogarth (1735) dont s'inspire la scène ci-dessus.

Autres critiques :

Le mystère du château noir : Boris Karloff et Lon Chaney Jr vous invitent au cœur de la Forêt noire

Le château de la terreur : Boris Karloff, la vie d'un gentil monstre

"Ce monde est un grand Bedlam, où des fous enchaînent d'autres fous." Voltaire - Traité sur la tolérance, 1763.

Le monde est un grand Chelm : Les fous de Chelm et la chèvre sage

 Le monde est un grand Chelm - Film d'Albert Hanan Kaminski (1995)

Chelm est une petite ville de Pologne habitée par une communauté juive. Un ange ayant
accidentellement laissé tomber de la poudre de bêtise sur les habitants, ceux-ci sont à moitié fous et se comportent comme des enfants, sous l'oeil bienveillant de leur Rabbin.
Shlemiel, bedeau de la synagogue apprend avec joie l'arrivée de son neveu, Aaron, qui a récemment perdu ses parents. Shlemiel se désespère en effet de ne pas avoir eu de garçons et de n'avoir que trois filles, pas encore mariées et rêvant au prince charmant.



Arrivant accompagné de sa chèvre Zlateh, Aaron se révèle un sympathique et futé jeune garçon. Zlateh la chèvre, qui ne peut pas être comprise des personnages humains de l'histoire, nous parle cependant tout au long de l'histoire afin de commenter avec beaucoup de sagesse les événements.
Hélas, des esprits malfaisants veillent et l'un d'eux, le sorcier Darko, cherche à voler un manuscrit détenu à la synagogue afin de ressuciter le légendaire Golem, géant d'argile capable de tout détruire sur son passage.
Egalement intitulé Aaron et le livre des merveilles, le film d'Albert Hanan Kaminski reprend sous la forme d'un dessin animé coloré et chantant, les contes d'Isaac Bashevis Singer, prix nobel de littérature en 1978 pour son oeuvre de conteur. Cette oeuvre comprend des contes, romans, pièces de théâtre et récits autobiogaphiques, principalement en yiddish, relatant les légendes, croyances de la culture juive ainsi que des faits historiques.
La musique de Michel Legrand nous offre de sympathiques moments musicaux, bien que les chansons ne soient pas inoubliables; ces moments sont accompagnés de quelques scènes de chants et danses traditionnels présentés de façon amusante et un rien impertinente. Le choix d'avoir rendu stupide les habitants de Chelm dénote peut être une certaine auto dérision.

Le film fait cependant référence à des événements bien tragiques vécus par la communauté juive de Pologne, notamment dans la ville de Chelm où tous les habitants juifs seront massacrés par les cosaques au XVIème siècle avant que la communauté suivante ne disparaisse à nouveau presque totalement dans l'horreur nazie de la seconde guerre mondiale.
Le monde est un grand Chelm évoque ainsi la diaspora, c'est-à dire la dispersion dans le monde des juifs, au fil des événements historiques et des persécutions, ici représentées par le mauvais sorcier et la figure du Golem, créature mythique issue des psaumes du Talmud.

Le personnage sera repris dans de nombreux récits par delà le Monde. il aurait même inspiré le monstre de Frankenstein. Il désigne aujourd'hui ces géants dépourvus de volonté aux grandes possibilités destructrices, animés par la seule volonté de leur maître auquel ils obéissent aveuglément.

Ce sympathique dessin animé, aux dessins naifs, a été largement diffusé aux USA et dans les pays hispaniques où il a rencontré un franc succès. On appréciera le charme de ses couleurs et de sa musique et l'occasion, quelles que soient nos origines, de découvrir certaines traditions de la culture yiddish.

Le célèbre film de 1920 : Le Golem 
                                                                   (Henrik Galeen et Paul Wegener) 


Le serment du chevalier noir : Quand les druides occupaient Stonehenge

Le serment du chevalier noir (The black knight) - Film de Tay Garnett, 1955. 

Il y a des décennies, le cinéma véhiculait l'image de chevaliers au coeur pur et à l'armure étincellante, protégeant les faibles et chevauchant sur les routes d'Angleterre ou de France pour sauver leur belle ou déjouer les complots ourdis contre le roi du pays.

Et puis, sont arrivés les chevaliers modernes, sales et hirsutes d'avoir chevauché longtemps sur des routes poussiéreuses. Une sorte de mini-treuil les aide à monter à cheval, vêtus de leur pesante armure. Il n'y a plus de belles à délivrer de leurs tours, il y a longtemps qu'elles se sont émancipées. 

La lecture d'un roman de Jean d'Aillon a fait s'effondrer pour moi les dernières images idéalisées de ces beaux héros. Les chevaliers étaient ainsi davantage des mercenaires, se vendant au plus offrant et parcourant les campagnes pour assaillir les villages, pillant et violant hardiment (gloups !)

Après cette charmante vision, il m'a semblé plus agréable de replonger dans le vieux cinéma hollywoodien pour y retrouver Ivanhoé ou Les chevaliers de la table ronde.

Me voici donc à visionner Le serment du chevalier noir, film  de Tay Garnett, plus connu pour Le facteur sonne toujours deux fois que pour son cinéma médiéval. 

L'histoire est celle d'un jeune et courageux forgeron, John,  dévoué à son Seigneur le Comte de Yeonil et surtout à la fille de celui-ci, Linet, interprétée par la belle Patricia Medina. L'amour des deux jeunes gens est vu d'un mauvais oeil par le Comte qui doit se résoudre, à contre-coeur, à se séparer de John. Un ami du Comte, Sir Ontzlake, Chevalier de la table ronde, prend John sous sa protection et lui apprend à se battre. Notre beau héros rêve justement de devenir chevalier et comme il est très doué, il sera capable, au bout de quelques leçons de dépasser son maître d'armes. Le voici donc prêt à se lancer dans la grande aventure.

Des faux vikings attaquent, brûlent la demeure du Comte et tuent sa femme. Parti à la pousuite du meneur de l'attaque, John le découvre à Camelot, à la cour du roi Arthur et découvre que ce n'est pas un viking, mais un sarrasin (!!)

S'ensuit une histoire de poursuites et vengeance où notre héros, vêtu d'une belle armure blanche et noire  (en fait plutôt blanche mais il se fera surnommer Le chevalier noir, sans doute pour tromper l'ennemi !) parcourt la campagne anglaise entre le château de sa belle et Camelot et se trouve même à Stonehenge, au milieu de druides illuminés.

On le comprend, tout ceci donne une histoire pleine de péripéties, agréables à suivre mais il faut bien le dire, assez confuses.


Le mélange entre glorieux chevaliers de la table ronde, méchants Cornouaillais, méchants sarrasins et méchants druides est assez inattendu. On apprend même ce que les druides faisaient à Stonehenge et comment le site a été détruit.

Les deux traîtres sont incarnés par Peter Cusching (en sarrasin) et par Patrick Troughton, alias Doctor Who n°2 (pour les fans), dans le rôle du Roi de Cornouailles. Tous deux semblent beaucoup s'amuser dans leurs rôles respectifs.

Un peu moins concerné par le film, Alan Ladd promène son visage poupin et son optimisme constant dans diverses scènes. Je le préfère quand même nettement dans ses rôles de westerns ( comme dans L'homme des vallées perdues) ou dans ses films noirs ( comme dans Tueur à gages ou Le dahlia bleu). De fait, l'acteur ne restera que 11 jours sur le tournage, laissant le soin à sa doublure de chevaucher en armure pour sauver la belle Patricia Medina et le trône du roi Arthur.

Quelques images le montrent cependant soulever son heaume pour observer ce qui se passe et montrer au spectateur son visage poupin. 

Le film a été tourné au Pays de Galles, notamment dans le château de Castel Coach et dans (ou devant) pas moins de douze châteaux en Espagne ( En Castille et dans la région de Madrid).

De nombreux accessoires et costumes ainsi que plusieurs scènes seront réutilisés en 1963 par Nathan Juran dans son film Le siège des saxons. L'acteur principal endossera même l'armure d'Alan Ladd (Quelle félonie !) tandis que l'interprète du rôle du roi Arthur revêtira les habits d'Anthony Bushell, interprète du rôle dans le film de Garnett (double félonie !).

Le serment du chevalier noir se suit donc avec plaisir comme l'on feuillette un joli livre d'images mais sans être à la hauteur d'Ivanohé, des Chevaliers de la Table ronde ou encore de Robin des bois.

Le lecteur me pardonnera donc, je l'espère, le ton plutôt ironique, de ma critique.



Forward march hare - "Ne prenez pas la vie trop au sérieux. Vous n'en sortirez jamais vivant"-Bugs Bunny

 Forward march hare - Court-métrage de Chuck Jones, 1952.

Bugs Bunny est un lapin hardi, farceur et ingénieux. Son bonheur est de rester tranquillement dans son terrier ou avachi dans l'herbe à grignoter des carottes. Toujours solitaire, il tient beaucoup à sa tranquilité mais est souvent la cible de chasseurs et bandits divers.

Il est le chef incontesté de la bande des toons de la Warner. Il apparait pour la première fois en 1938 sous le crayon de Ben Hardaway et Cal Dalton, aux côtés de Porky, autre personnage célèbre des Looney Tunes et des Merry melodies. Mais c'est Tex Avery qui développe le personnage, lui donne son nom et ses caractéristiques, dont sa fameuse phrase "What's up Doc ?" prononcée tranquillement par notre héros face à ses adversaires en pleine frénésie.

Les cartoons de Bunny sont basés sur une succession de scénettes qui constituent une avalanche de gags conduits à un rythme effréné. Tout doit en effet tenir dans une durée de 7 à 8 minutes, d'où la frénésie des personnages. Plusieurs centaines de courts-métrages seront ainsi réalisés, près de 200 dans sa période classique qui court jusqu'au milieu des années 60 puis un ensemble de séries dérivées mettant en scène les toons de la Warner.

Notre lapin est une vraie vedette, il a son étoile sur Hollywood Boulevard, il est le 1er toon à figurer sur un timbre poste et son personnage apparait à la fois au cinéma, en BD, dans des jeux vidéos et diverses créations artistiques.



Forward march hare fait sans doute partie des courts-métrages les plus réussis de notre lapin
héros. Se démarquant nettement des classiques basés principalement sur les poursuites et affrontements entre Bugs et son poursuivant (Elmer le chasseur ou Sam le pirate, le plus souvent), il plonge ici Bugs dans une suite de situations amusantes et étonnantes.
Alors qu'il fait tranquillement sa gymnastique du matin, Bugs Bunny reçoit une lettre adressée à un certain Bonny et atterrie par erreur dans son terrier. Il s'agit d'un avis d'incorporation à l'armée américaine. Bon patriote, notre lapin est ravi de pouvoir servir son pays et se rend au conseil de révision.


Comme Bugs a une très bonne vue (grâce à la quantités de carottes qu'il ingurgire, riches en béta-carotène ) et que l'état de son squelette est excellent (bien que la forme en soit un peu étrange lorsqu'il passe aux rayons X à la suite des autres soldats), il intègre donc l'armée.
Si certains s'étonneront vaguement qu'un lapin devienne soldat, son sergent chef ne s'apercevra que tardivement de la nature de Bugs dont il n'avait pas remarqué les grandes oreilles, cachées sous son casque.
On retiendra des gags excellents comme celui-ci où Bugs affublé d'un uniforme trop grand pour lui, d'un casque qui lui tombe sur les yeux et de grandes chaussures, fait tomber comme des quilles les soldats lors des manoeuvres...où encore lorsqu'il reçoit l'ordre de préparer les poulets pour le repas et qu'il habille ceux-ci en haut de forme, queue de pie et
monocle.....

Forward march hare fait partie de la série des courts-métrages de propagande; il a été réalisé en pleine guerre de Corée. Comme tel, il pourra irriter quelques grincheux. Bugs est patriote, fier de l'être et désireux d'aider son pays.
Difficile cependant de bouder son plaisir face à ce court-métrage plein d'inventivité, mettant en scène Bugs, au capital sympathie immense tant il respire la joie de vivre.

La Comtesse : Il y a de la beauté à laisser le temps oeuvrer.

  La Comtesse - Film de Julie Delpy, 2009. Au nord-ouest de la Slovaquie, le Château de Cachtice dresse ses ruines gothiques sur une colline...