La machine à explorer le temps : En l’an 802 701 : nos arrière-arrière…petits-enfants, les morlocks

 La machine à explorer le temps - Film de Georges Pal, 1960.


Affiche La Machine à explorer le tempsLondres, 1900, un inventeur, Georges, a convié à dîner ses amis, une semaine après une autre soirée où il leur a parlé de l’existence de la 4ème dimension – le temps- et de la possibilité du voyage dans le temps.
A l’appui de sa démonstration, il avait fait disparaître une petite maquette d’une étonnante machine, devant ses amis très sceptiques.
Après avoir longuement attendu leur hôte en cette 2ème soirée, ils ont la surprise de le voir apparaître hagard, blessé et les habits déchirés.
Georges se met alors à raconter son extraordinaire expérience de voyage dans le temps.


Le célèbre roman d’H. G. Wells se prête magnifiquement à une adaptation cinéma grâce à l’originalité de l’histoire, à l’intérêt des aventures vécues par son héros et à la surprenante civilisation post-apocalyptique qu’il présente. Il est à noter que l’auteur a écrit au moins cinq versions de l’histoire, de 1888 à 1924, permettant diverses variations autour de ce thème. Il semble que la version 1895 soit celle qui comporte tous les éléments de l’histoire adaptée ici.

Le sympathique Rod Taylor interprète Georges; entraînant aussitôt l’empathie du public, il ne quittera pas l’écran durant toute l’histoire, faisant partager au spectateur son enthousiasme, son étonnement, sa curiosité et ses frayeurs. Le côté romantique et la touche féminine sont assurés par Yvette Minnieux, charmante représentante du peuple des élois, une partie de nos très lointains descendants.
Le personnage possède l’humanité et les sentiments dont ses compatriotes semblent dépourvus.

Mais le film (comme le roman) marque surtout par l’invention de la civilisation des morlocks, que l’on attendra avec impatience de voir surgir.
Créatures aux perruques blondes, à la peau bleutée et aux yeux phosphorescents, leur apparition déclenchera plus le rire que la frayeur bien que ces personnages aient sans doute « traumatisé » certains d’entre nous dans leur enfance.
On regrettera leur intervention assez tardive et rapide, même si le suspense entretenu sur leur présence inquiétante, les signes de leur passage et l’obsédante sirène qui annonce l’ouverture de la grande porte de leur domaine, est bien mené et très prenant.

Les morloks constituent une part de la descendance humaine qui, suite à une guerre nucléaire, s'est réfugiée sous Terre et a muté sous la forme d'une sorte de primate d'une intelligence supérieure, tandis qu'une autre partie de la petite population survivante demeurait à la surface mais perdait peu à peu toute

trace d'intelligence humaine, devenant un peuple amorphe, privé de sentiments, assisté et soumis aux morloks.


Dans une assez longue séquence de la première partie du film, notre héros dans sa machine, assiste au spectacle du déroulement des jours, du cycle des saisons puis du passage des siècles le conduisant, effaré, de guerre en guerre jusqu’au cataclysme final.
Faite au moyens de trucages forts simples, la séquence reste cependant en mémoire, notamment grâce au détail du mannequin changeant de robe saison après saison et année après année, même s’il semble difficile de concevoir que Georges, vue la vitesse de sa machine, puisse réellement voir la vendeuse de la boutique en action.

On pardonnera ainsi les invraisemblances de l’histoire comme le fait que les morlocks, peuple vivant de façon très primitive aient donné aux élois une véritable cité et tout un confort de vie, alors qu’ils sont destinés à être dévorés.
Etonnant aussi que les élois continuent à parler un anglais parfait et aient une façon humaine d’agir, alors qu’ils ont perdu toute intelligence, tandis que les morlocks qui les dominent vivent et agissent comme des hommes préhistoriques et ne parlent plus que par grognements.


Simon Wells, arrière-petit fils d’H. G. réalisera en 2002 une nouvelle et fort honnête adaptation de La machine à explorer le temps, avec Guy Pearce et Jeremy Irons. Cette version, sans posséder le charme du 1er film - elle se veut plus réaliste et percutante, avec des morlocks véritablement effrayants et quelques libertés prises avec l’histoire - se suit néanmoins avec intérêt.


Le film de Georges Pal a le charme des adaptations des romans des classiques de la science-fiction, comme les romans de Jules Verne, tel Voyage au centre de la terre d’Henri Levin (1959), autre bijou de ces années 50-60, aux trucages simples mais aux images évocatrices, aux couleurs chatoyantes et aux rebondissements multiples. On pourra évoquer aussi Vingt mille lieues sous les mers de Richard Fleischer (1954) ou encore Les premiers hommes dans la lune de Nathan Juran ( en 1964, d’après un roman de H. G. Wells).

Un joli classique à découvrir sans hésiter.

Article écrit en janvier 2019

La poupée sanglante : "Ce qui est étrange dans l’histoire de Bénédict Masson, c’est qu'elle ne fait que commencer."

 La poupée sanglante - série Marcel Cravenne et Robert Scipion, 1976.


Gabriel est un jeune homme d'une grande beauté qui vit caché chez un horloger et sa fille, Christine.
Celle-ci semble très attachée au jeune homme, au grand désespoir de son voisin, le relieur Benedict Masson, homme difforme à l'âme de poète, qui épie en cachette Christine, éperdu d'amour.
Tous deux se retrouvent dans le Château du Marquis de Coulteray, lieu étrange qui semble sous l'emprise d'un inquiétant docteur hindou, accompagné de plusieurs serviteurs. Benedict va s'occuper de la bibliothèque du Marquis, Christine doit sculpter le portrait de la Marquise. Celle-ci, qui semble atteinte de folie, accuse son mari d'être un vampire.

La poupée sanglante et sa suite, La machine à tuer, sont deux romans de Gaston Leroux, connu pour ses romans de mystère et de fantastique. Les deux ingrédients se mêlent ici adroitement sans que l'on sache tout d'abord si certains éléments sont du domaine de la science fiction - la poupée qui donne son nom au roman -, du fantastique - vampire et réincarnation - ou du roman policier.


On ne peut s'empêcher de voir plusieurs analogies avec d'autres histoires classiques, tout d'abord Les Contes d'Hoffmann, opéra d'Offenbach où le héros est un poète (Hoffmann lui-même) amoureux d'une poupée Coppelia, tandis que trois visages de femmes se croisent dans les divers actes de l'opéra. De la même façon, Christine verra trois hommes en Gabriel : le génie de Jacques, l'âme de Benedict et la beauté de l'automate.

On fera également le rapprochement avec le roman de Victor Hugo, Notre Dame de Paris où Esmeralda aime Phoebus pour sa beauté et s'attache à Quasimodo pour son âme.
Enfin, le tueur en série qui conduit les jeunes femmes à la campagne et les fait disparaitre et brûler évoque manifestement Landru, exécuté un an avant la parution du roman de Gaston Leroux.

Côté interprétation, on retiendra surtout la belle Yolande Folliot, parfaite dans le rôle de Christine, qui traversera diverses séries des années 70-80 comme Ces beaux messieurs de Bois Doré ou Les fiancés de l'Empire et aura une carrière théâtrale très riche.
Jean-Paul Zehnacker, quant à lui, est affublé d'un maquillage un peu inspiré de Quasimodo et joue un personnage complexe au regard halluciné. Le réalisateur Maurice Cravenne proposera trois ans plus tard une série jouant également sur le mystère avec une atmosphère quasi fantastique, L'île aux trente cercueils, adaptée d'une oeuvre de Maurice Leblanc. Zehnacker y

jouera à nouveau un personnage halluciné. Cet acteur est surtout connu pour avoir fait une très longue carrière théâtrale comme c'est le cas pour l'interprète de Gabriel, Ludwig Gaum qui fera carrière sous le nom de Lee Godart.

La poupée sanglante est une série qui a généralement marqué ceux qui l'ont vue à l'époque par son atmosphère fantastique, même si ce n'est pas la plus grande réussite de la télévision française. Certains personnages sont un peu caricaturaux - les villageois et les serviteurs indiens du Marquis- et l'on peut repérer certaines

longueurs, notamment dans la 2nde partie. Sans doute un format plus court aurait-il permis d'être à l'histoire d'être plus percutante.
On retiendra au final une série originale et prenante, qui a certes un peu vieilli, mais qui a le charme des productions des années 60-70 avec des acteurs de qualité.

Coco : Un bel hommage à la culture mexicaine

Coco - Film  de Lee Unkrich et Adrian Molina, 2017.


Miguel vit avec sa famille dans un village mexicain traditionnel Santa Cecilia , à une époque assez indéterminée. La famille Rivera comprend quatre générations, l'arrière-grand-mère Coco, la grand-mère, les parents, Miguel et ses frères et soeurs. 

Cette famille a une particularité dans une ville où tout semble tourner autour de la musique, où les mariachi parcourent les rues en chantant et en jouant de la guitare. 

Chez les Rivera, toute musique est en effet bannie depuis que l'arrière-arrière-grand-père de Miguel, grand musicien, est parti un jour avec sa guitare, laissant sa famille dans la détresse. 

Or, notre jeune héros rêve de devenir musicien, sur le modèle d'un chanteur célèbre, aujourd'hui disparu, Ernesto de La Cruz (inspiré d'un célèbre chanteur et acteur, Jorge Negrete). 
Il apprend à jouer de la guitare en secret en regardant les films de son idole. 

Arrive Día de Muertos, le jour de la Fête des morts, célèbrée au Mexique de façon joyeuse et colorée. 
Les familles dressent des autels en l'honneur de leurs proches et y déposent souvenirs et friandises puis les célèbrent en musique et danse, dans les cimetières. 

Tandis que la famille Rivera prépare les festivités, Miguel apprend qu'un concours de musique est organisé sur la grande place de la ville. 

Sa grand-mère ayant cassé sa guitare dans un geste de colère, Miguel se décide à s'introduire dans le mausolée dédié à Ernesto pour lui emprunter sa guitare. 

Au moment où il la touche, il est transporté dans un monde étrange où il retrouve tous les disparus de sa famille qui s'apprêtent joyeusement à traverser un gigantesque pont pour venir célèbrer Dia de Muertos avec les Rivera. Miguel découvre alors un univers riche et coloré, où le monde des morts est représenté par une ville grouillante de vie (si j'ose dire !), éclatante de couleurs, aux immenses bâtiments, où Ernesto de La Cruz, idole des foules, s'apprête à donner un concert dans un stade gigantesque. Problème, dans ce monde, les personnes sont des squelettes, ce qui oblige Miguel à se déguiser pour passer inaperçu. 

Les studios Pixar, pour leur 19ème film d'animation en image sde synthèse sont ici à leur sommet dans la beauté visuelle de l'animation, des décors et des costumes. 
L'équipe de réalisation s'est inspirée de plusieurs lieux fameux, le Palacio de Correos de México, l'Hôtel El Gran richement décoré au style art nouveau, Guanajuato, la ville minière aux

maisons d'époques et de styles variés amoncelées et toutes colorées, la cité aztèque de Tenochtitlán ou encore la ville Santa Fe de la Laguna, modèle pour la ville de Miguel, car ayant conservé sa culture et ses coutumes. 

Dans ce contexte, le film aborde un ton particulier, sans le côté sombre des Noces funèbres de Tim Burton et sans non plus sombrer dans la caricature. On assistera néanmoins à quelques jongleries d'os et de crânes, tandis que le musicien Hector et le chien Dante assurent la partie comique et plus survoltée de l'histoire. 
Le reste de l'histoire baigne dans une certaine nostalgie, grâce notamment au personnage très attendrissant de Miguel, à la recherche de son aïeul et qui se trouve à devoir choisir entre sa famille et l'amour de la musique. 

Le film est certainement plus adulte qu'enfantin malgré l'émerveillement visuel qu'il procure. On retiendra plusieurs chansons entrainantes et un bel hommage à un des airs traditionnels les plus connus du Mexique, la Llorona, magnifiquement chanté par Alanna Ubach. 

Une très belle réussite du cinéma d'animation qui donne envie de connaître davantage la culture mexicaine.

La mélodie du bonheur : Hommage à Christopher Plummer

 La mélodie du bonheur - Film de Robert Wise, 1965.


La mélodie du bonheur est un film qui porte bien son nom tellement son visionnage procure du bonheur dès les premières images. La belle ville de Salzbourg, les montagnes du Tyrol, les chansons et le sourire lumineux de Julie Andrews procurent un véritable ravissement.

C'est cependant à un événement plus triste que je dois l'écriture de cette critique, celle de la disparition, le 5 février 2021, de Christopher Plummer, le séduisant et rigide Capitaine Von Trapp de La mélodie du bonheur.

Né à Toronto en 1929, L'acteur canadien a eu une très longue carrière, tant théâtrale que cinématographique.
Il interprétera plus de 75 rôles shakespeariens au Canada et aux Etats-Unis, collectionnant récompenses et prix divers. Sa carrière au cinéma sera plus tardive et c'est à La mélodie du bonheur (film pour lequel il aurait eu peu de sympathie) qu'il doit de se faire connaître du grand public et d'entamer une réelle carrière cinématographique. Il avait pourtant joué l'année d'avant dans un péplum grandiose bien qu'assez pesant, La chute de l'Empire romain d'Anthony Mann où il incarnait le rôle de l'Empereur Commode.

Sherlock Holmes dans Meurtre par décret (1979)


Près de cinquante ans après, en 2012, il obtiendra l'oscar du meilleur second rôle masculin pour son rôle dans The Beginners.
Entre les deux, de nombreux rôles, plus de 150 : on le verra en aristocrate, en officier, en espion, en détective...Il sera Tolstoi, Le Duc de Wellington, Rudyard Kipling, Sherlock Holmes, Scrooge...et tant d'autres personnages célèbres. On y reconnait son regard bleu, son allure aristocratique, un air un peu sévère, son joli phrasé dû à sa longue carrière shakespearienne et son humour subtil.

Dans La mélodie du bonheur, Christopher Plummer joue le rôle du Capitaine Von Trapp, officier autrichien veuf et père de sept enfants. Les religieuses du Couvent de Salzbourg lui envoient la jeune novice Maria comme gouvernante. La jeune fille impulsive et rêveuse ne semble en effet pas répondre aux critères nécessaires pour prendre le voile.
A son arrivée, Maria est effarée de voir le Capitaine diriger ses enfants comme des

soldats; elle aura fort à faire pour réveiller la tendresse paternelle et atteindre le coeur du sévère Capitaine.
S'apercevant rapidement des talents musicaux des enfants, elle leur apprend le chant et monte une Chorale, à laquelle se joindra également Von Trapp.

Racontée comme cela, l'histoire fait assurément "eau de rose" et sans doute l'est-elle mais le plus étonnant est que cette "eau de rose" est une histoire vraie, celle de la famille Von Trapp qui a fui les nazis pour se réfugier aux USA et entamer une série de concerts.
Maria Von Trapp publie son autobiographie dans les années 50 où elle raconte son noviciat, son arrivée dans la famille Von Trapp, son mariage avec le Capitaine, le début de leur carrière puis leur fuite devant l'Allemagne nazie qui souhaitait fait reprendre du service à son époux sur un navire de guerre.


Le fond de l'histoire est donc plutôt bien respecté même si elle adopte un côté des plus romanesques. Tout se passe en effet en chansons, comme le moment où Von Trapp joint sa voix à celle de ses enfants, faisant craquer sa carapace d'homme rigide et sévère ou encore la jolie danse dans la nuit où Maria découvre qu'elle est amoureuse.

La dernière partie du film surprend en nous ramenant brusquement à la réalité et au contexte de la guerre. Si elle correspond plus ou moins à la réalité (en fait, la Famille profitera d'un concert en Italie pour émigrer aux USA), elle offre une fin ouverte à la nouvelle vie vers laquelle part la famille recomposée.

Julie Andrews pleure aujourd'hui son partenaire Christopher Plummer, les deux

acteurs étant toujours restés amis 55 ans après avoir tourné ensemble ce joyau de la comédie musicale hollywoodienne.
L'acteur a raconté un jour que la scène de séduction dans le pavillon où tous deux chantent face-à-face a été tournée dans la semi-obscurité en ombres chinoises afin de cacher leurs visages, les deux acteurs ayant été pris d'un fou rire impossible à arrêter.

Le film comporte ainsi de nombreuses chansons, dont plusieurs restent en mémoire comme Do ré mi, Edelweiss, Les joies quotidiennes, Farewell...
La musique a été composées par Richard Rodgers, les paroles des chansons par Oscar Hammerstein .

Enorme succès commercial et lauréate de cinq oscars, La mélodie du bonheur sera surnommée "The sound of money" sauvant du naufrage financier la Twentieth Century Fox que la pharaonique adaptation de Cléopâtre ( surnommée quant à elle de façon moins


sympathique "Cléopatatrac") par Mankiewicz, faillit faire disparaître (le studio avait été obligé de vendre une partie de ses bâtiments pour éponger ses dettes). La comédie musicale tirée de l'autobiographie de Maria Von Trapp est à l'affiche depuis de nombreuses années et détient le record de 14 000 représentations à Broadway.

Il y avait donc certainement de quoi être heureux de tourner ce film ... Julie, Christopher et la Fox en savent quelque chose !

La Comtesse : Il y a de la beauté à laisser le temps oeuvrer.

  La Comtesse - Film de Julie Delpy, 2009. Au nord-ouest de la Slovaquie, le Château de Cachtice dresse ses ruines gothiques sur une colline...