Quentin Durward : A l'assaut des murailles de Carcassonne

Affiche Quentin Durward
Quentin Durward, série de Gilles Grangier, 1971.



Quentin Durward représente bien le temps des belles séries historiques qui faisaient rêver les téléspectateurs français.

Les années 60-70 constituent de ce point de vue là un âge d'or de la télévision française, celui où les productions parcouraient le pays pour tourner dans de vieilles villes ou villages - Sarlat, Pérouges, Senlis...- ou investissaient nos nombreux châteaux pour faire revivre le passé, puisant ce-faisant dans les grands classiques de la littérature, généralement française ( Alexandre Dumas notamment mais aussi Paul Féval, Gaston Leroux ou encore Pierre Ponson du Terrail ), parfois d'Outre-Manche ( comme ici Walter Scott).


Quentin Durward est une réalisation de Gilles Grangier, réalisateur bien connu de cinéma, qui a conçu durant quatre décennies, des années 40 aux années 70, de nombreux films. Sa "belle époque" se situe durant les années 50-60 lorsqu'il dirige toute une série de films avec Jean Gabin ( Le rouge est mis, Le cave se rebiffe ou encore Maigret voit rouge, pour ne citer que ces titres).
Son incursion dans le monde de la télévision sera plus tardif et on lui doit des réalisations qui marqueront les esprits, notamment quelques beaux feuilletons historiques comme Les Mohicans de Paris (d'après Alexandre Dumas) ou Deux ans de vacances (d'après Jules Verne).

Quentin Durward, réalisé en 1971, est un feuilleton assez court, sept épisodes à peine, ce qui, au regard des longues productions actuelles est très bref mais, comme beaucoup de séries de cette époque et vu leur nombre fort restreint, elle reste très présente dans l'esprit des téléspectateurs des années 70 et semble avoir duré plus longtemps.
Le lieu de tournage le plus emblématique de la série est la ville de Carcassonne, qui représente la ville de Liège, où le tournage bouleversera et enchantera pendant de nombreuses semaines les habitants, appelés à jouer les figurants et ravis de voir mise en valeur leur belle cité historique.

L'équipe de tournage se déplacera dans divers lieux, au fil des aventures des héros, permettant d'apprécier, comme plongés dans le passé, les châteaux d'Ussé, de Montpoupon ou d'Azay-le-Rideau et les villes de Senlis ou Fontaine-Chaalis ou encore L'Abbaye Notre-Dame de Morienval.
L'histoire de Quentin Durward se mêle à des faits historiques ayant trait à la lutte entre le Royaume de France et la Bourgogne, tenus respectivement par le Roi Louis XI et par le Duc Charles le Téméraire, en 1468.

La France n'est à cette époque qu'un petit royaume et Louis XI a fort à faire avec divers ennemis pour maintenir ses possessions ou en acquérir de nouvelles. Homme politique habile et fourbe, d'après les historiens, il mène de rudes batailles et négociations contre son cousin, le Duc de Bourgogne, tout en nouant diverses alliances.

Le feuilleton commence en Ecosse où nous rencontrons un jeune noble, Quentin Durward, réfugié dans un couvent pour échapper aux ennemis de sa famille. Se refusant au noviciat, il s'échappe alors et se rend en France afin de retrouver son Oncle, sergent de la Garde Ecossaise de Louis XI.

A son arrivée, Quentin rencontre un riche marchand accompagné de son valet, qui le prend en amitié et lui offre une médaille et un cheval. Arrivé dans une auberge, Quentin aperçoit une belle jeune fille qui semble captive dans sa chambre et en tombe amoureux.
Ces deux rencontres vont décider du destin du jeune écossais.

Accompagné d'un jeune homme rencontré en route, Bertrand, qui deviendra son compagnon et serviteur, Quentin arrive à la cour du Roi.
Il va malgré lui se trouver entraîné dans les enjeux politiques tournant autour de la mystérieuse inconnue. Au milieu des manoeuvres et trahisons de toutes sortes, sa droiture et son coeur pur en feront d'abord un pion mais lui assureront amitié, reconnaissance et amour.


On retrouve le ton des séries de cette époque, qui fait leur charme un peu désuet, une certaine naïveté dans les dialogues, un côté un peu artisanal dans certaines scènes, notamment les scènes d'action. On s'en aperçoit notamment lors des deux batailles dans la ville de Carcassonne, enfin de Liège, où l'on voit bien que les personnages jouent à se battre et y prennent un réel plaisir.

Le jeu des jeunes acteurs n'est pas toujours juste mais comment ne pas être emportés par le charme juvénile du jeune Amadeus August qui venait à peine de débuter sa carrière, à vingt-huit ans. Yeux bleus, sourire éclatant et enthousiasme constant, il change son accent allemand en accent écossais de façon assez convaincante, chevauche vaillamment à travers la campagne, se bat et accomplit divers actes de bravoure.
Bertrand, valet et compagnon de Quentin est interprété par Philippe Avron. Educateur et écrivain de littérature enfantine, il aura une carrière très riche d'humoriste, d'acteur et mènera une très longue carrière théâtrale.
Côté féminin, Marie-France Boyer charme par sa douceur et son visage expressif.


Des acteurs chevronnés dominent la distribution comme Michel Vitold - qui surjoue dans le rôle du roi -, André Valmy qui incarne un Olivier le Daim à la forte présence, Noël Roquevert en truculent Oncle de Quentin, William Sabatier en Charles le Téméraire ou encore l'excellent André Oumansky qui incarne le gitan Heyradin.

Riche en rebondissements, malgré deux derniers épisodes plus bavards, le feuilleton se suit avec énormément de plaisir.
On se rappelle de ce beau moment où Quentin escalade la tour du mur d'enceinte de Carcassonne à l'aide de carreaux d'arbalète tirés par son compagnon Bertrand. L'exploit sera accompli par la doublure d'Amadeus.
La rencontre avec Le Sanglier des Ardennes et la lutte finale constituent d'autres instants mémorables ainsi que la scène de l'Arbre aux pendus, où Quentin, par sa grandeur d'âme s'attire la reconnaissance éternelle des gitans et notamment de l'espion Heyradin.


Et pour finir, comment oublier le magnifique générique chanté par Jacqueline Boyer ?
" Dans la prison dorée de mon coeur
habitée par ton ombre
Tu brûles en moi comme une lueur
qui me délivrera.
Rien ne pourra plus nous séparer
jusqu'à la fin du monde
Rien ni personne n'y pourra jamais rien, rien.
Au bout du voyage, au bout du chemin
Malgré les orages.
Toutes les armées du monde
N'arrêteront pas Quentin Durward.
Ces tambours au loin qui grondent
C'est mon amour c'est Quentin Durward.
Tous les soleils, tous les océans
Sur toutes les frontières
Rien ne pourra arrêter le vent
Qui te porte vers moi.
Rien ne pourra plus nous séparer
jusqu'à la fin du monde.
Rien ni personne n'y pourra jamais rien, rien.
Au bout du voyage, au bout du chemin
Malgré les orages.
Toutes les armées du monde
N'arrêteront pas Quentin Durward.
Ces tambours au loin qui grondent
C'est mon amour c'est Quentin Durward."

Le Capitan : Flamberge au vent/ Le Chevalier du Roi


Affiche Le CapitanLe Capitan - Film en deux époques de Robert Vernay, 1946.

« Capestang ? C'est Capitan qu'il faut dire ! c'est le capitan de la comédie qui a besoin qu'on lui tire les oreilles ! » - extrait du roman de Michel Zevaco

Il Capitano ou Matamore est un personnage de la commedia dell’arte, vantard et pleutre qui représente une caricature théâtrale de l’armée.
Le roman de Michel Zevaco en fera, grâce à son héros, un courageux chevalier qui sera amené à dissimuler son identité sous les traits d’un Capitan de comédie.

Le Capitan de la Commedia dell'arte - Abraham Bosse, 17ème siècle
Le Capitan est un des romans feuilletons les plus connus de son auteur, avec la saga des Pardaillan, paru en 1904 dans le quotidien Le Matin. Il fera les délices des lecteurs, passionnés par son côté romanesque, ses multiples rebondissements, ses personnages multiples et pittoresques et la reconstitution minutieuse d’une époque.
Contrairement à d’autres célèbres romans de cape et d’épée comme les romans de Dumas, adaptés de multiples fois – notamment Les trois mousquetaires -, l’histoire du Capitan donnera lieu seulement à deux films dont le plus célèbre demeure sans conteste la version d’André Hunebelle en 1960, avec jean Marais et Bourvil. Ses rediffusions multiples à la télé lui permettent de faire partie des souvenirs de nombreux téléspectateurs.

Pourtant, en 1946 , Robert Vernay en avait réalisé une première version en deux époques, beaucoup plus fidèle au roman d’origine. Arrêtons-nous ici sur cette version méconnue, sans chercher à comparer ces deux films, aux styles très différents.
Cette version est composée d’une première époque intitulée Flamberge au vent, suivie d’un second film, Le chevalier du Roi.
Le film a fait l’objet d’une restauration par Les archives du Bois d’Arcy, ce qui permet aujourd’hui de le redécouvrir dans une jolie version noir et blanc.

Le film a été tourné dans plusieurs châteaux dont Fontainebleau, Chenonceau et  Chinon - entre autres - avec une belle figuration.

Huguette Duflos (Marie de Médicis) et Aimé Clariond (Concini )-
Les danseurs sont les personnages de Capestang, Gisèle, le Roi et la Reine
L’histoire s’ouvre de façon assez étonnante, après un générique très animé – présentation des divers personnages, duel et cavalcade, le tout sur une chanson entraînante et tonituante -, par la scène du mariage entre Louis XIII et Anne d’Autriche, tous deux âgés de 14 ans, commentée à la façon de Léon Zitrone le jour du couronnement de la Reine Elizabeth.
C’est l’occasion de nous présenter les personnages, déjà entrevus dans le générique et de poser les bases des conflits et complots qui tournent autour du jeune Roi, soumis à la régence de sa Mère, elle-même sous la coupe d’un couple de gredins, Concino Concini et son épouse Leonora Galigaï.

 Deux Grands du royaume briguent le trône, Le Duc d’Angoulême et le Prince de Condé.  L’histoire s’attachera principalement au Duc d’Angoulême - joué par Pierre Renoir-, dont la fille, Gisèle – Claude Génia -, est un jour sauvée de Concini, qui s’est pris pour elle d’une violente passion, par un jeune et hardi chevalier Adhémar de Capestang, héros de notre histoire.


Lise Delamare (Galigaï) et Jean Pâqui (Capestang)
Parvenu à la cour du Roi, après diverses péripéties, Capestang va devenir l’ami du jeune Louis XIII et s’emploiera à mettre fin à tous les complots qui visent le trône, s’attirant ce-faisant de nombreuses inimitiés.
Notre héros peut heureusement compter sur l’amour de Gisèle, sur la tendresse de la belle courtisane Marion Delorme – jouée par Sophie Desmarets -, sur l’amitié empreinte de rivalité d’un jeune noble, Hercule de Nesle – joué par Robert Manuel – et sur le dévouement de Cogolin - Jean Tissier - qui s’attache à lui comme valet, écuyer et comparse sur scène -.


Le Capitan est interprété par Jean Pâqui, de son vrai nom Le Marquis Jean d’Orgeix, issu d’une vieille famille de la région de Foix, en Ariège. Il aura même le privilège de jouer son propre ancêtre Le Comte d’Orgeix dans le film de Sacha Guitry, Si Paris nous était conté.
Grande figure de l’équitation française, il exercera divers métiers : garde du corps, guide de brousse et écrivain, après une carrière au théâtre et au cinéma.
Elève de Louis Jouvet, il commence sa carrière sur scène à 11 ans et entame à 12 ans une carrière de vingt-cinq ans au cinéma – avec une vingtaine de films-.

Démonstration des talents équestres de Jean Pâqui


Sa belle prestance et son jeu assez grandiloquent conviennent fort bien au personnage de Matamore qu’il interprète, le Capitan faisant à la fois référence au style de personnage et au rôle qu’il est amené à interpréter sur scène lorsqu’il se dissimule parmi une troupe de comédiens.

Robert Manuel (Nesle), Jean Pâqui (Capestang) et Claude Génia (Gisèle)
De fait, le film est souvent joué à la façon commedia dell’arte. Interprété par plusieurs acteurs de la Comédie Française, le jeu en semblera sans doute désuet, car trop grandiloquent, pour les jeunes générations mais reconnaissons les avantages non négligeables d’une telle façon de jouer : une diction parfaite et un certain panache.
Parmi les acteurs les plus remarquables, on retiendra notamment Aimé Clariond – grand interprète du répertoire classique du théâtre – dans le rôle d’un Concini déchaîné et pleurnichard, des plus savoureux et le jeune Serge Emrich, impressionnant d’assurance dans celui du jeune Roi.

Que l’on se rassure cependant ; on ne se trouve pas dans un jeu théâtral figé mais bien dans une histoire à la Dumas – enfin à la Zevaco – faite de multiple rebondissements : duels, poursuites, enlèvements, déguisements.

L’aspect comique du film est assuré par Jean Tissier en Cogolin et surtout par le personnage de Concini, piquant des colères terribles, se lamentant beaucoup et méditant toujours de nouvelles vilenies, le tout avec un accent italien caricatural.

Capestang se démène tout au long du film à lutter contre les ennemis du jeune roi et à protéger Gisèle dont il est tombé amoureux. Les deux films se déroulent sans temps mort, dans la pure tradition des films français de cape et d’épée. Un bien agréable divertissement.


The Scarlet Pimpernel (Le mouron rouge) : Sir Percy, Un Zorro dans la Révolution française

Affiche The Scarlet Pimpernel
The Scarlet Pimpernel (Le mouron rouge) - Téléfilm de Clive Donner, 1982.

En 1792, sous le règne de la Terreur, le sanglant Robespierre signe à tour de bras des ordres d'exécution envoyant à la guillotine aristocrates et suspects divers, offrant un spectacle sans cesse renouvelé au bon peuple de Paris, réjoui de voir tomber les têtes.

Un jeune couple d'aristocrates et leur enfant sont sauvés in extremis alors qu'ils vont monter dans la charrette. Des hommes déguisés les dissimulent dans des cercueils puis les emmènent à l'abri loin de Paris. Le chef des inconnus, méconnaissable sous son déguisement d'homme du peuple, se nomme Percy.

On le retrouve juste après dans un beau salon, superbement vêtu et déclamant un poème d'une voix snob. Elegant jusqu'au bout des ongles, soucieux de son apparence et insouciant des drames ambiants, le riche Sir Percival Blakeney mène joyeuse vie avec un petit groupe d'amis.

Au théâtre, il rencontre une magnifique jeune actrice, Marguerite qui est séduite par son élégance et son bagout, tout en devinant sous son air d'homme futile, quelqu'un de plus profond.

Percy se trouve en concurrence avec un sombre individu, Chauvelin, qui se trouve être le bras droit de Robespierre. Ami d'enfance de Marguerite, il souhaite l'épouser et cherche également à faire tomber la tête des amis français de Percy.

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Anthony Andrews et Jane Seymour
Un intéressant jeu de rôles fait d'espionnages, de trahisons et de coups de force va se dérouler entre les protagonistes.

Le téléfilm de Clive Donner est une adaptation de deux romans de la Baronne d'Orczy, auteur et peintre britannique - originaire de Hongrie - qui invente en 1905 le personnage du Mouron rouge - The Scarlet Pimpernel -, allusion à une petite fleur des champs inoffensive mais dont la couleur écarlate répond au rouge révolutionnaire.
La Baronne Orczy écrira sur plus de 35 ans une suite de romans -16 au total - mettant en scène Sir Percy. Il deviendront un classique de la littérature anglaise.

Parallèlement, une adaptation théâtrale est créée. Elle sera jouée à Londres sans interruption pendant des années - plus de 2 000 fois -.



Johnston McCulley s'inspirera de ce personnage pour inventer celui de Zorro, Diego dissimulant également son identité de justicier sous des airs de préciosité et d'insouciance.


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Ian McKellen et Jane Seymour
Le Mouron rouge se présente comme une histoire grave - comme l'illustre la terrible scène d'ouverture - cachée sous des airs de quasi comédie, comme le montrent les divers déguisements du héros et ses traits d'esprit.
Série de romans à charge contre la Révolution française dont elle montre le côté le plus hideux et sanglant, elle n'est pas non plus très tendre avec les français puisqu'il faut un petit groupe de jeunes nobles anglais idéalistes pour venir sauver des aristocrates français, ceux-ci étant présentés comme des victimes apeurées.

The Scarlet Pimpernel donnera lieu à diverses adaptations au cinéma, à la télévision, au théâtre et sous forme de bande dessinée dans Le journal de Mickey.
Leslie Howard et Raymond Massey, version de 1934.
La version la plus connue est celle tournée par Harold Young en 1934 avec Leslie Howard et Merle Oberon. Citons aussi la version tournée par Michael Powell en 1954 avec David Niven dans le rôle titre. Plus proche de nous, en 1999-2000, la BBC produira une nouvelle version de l'histoire du Mouron rouge.

Oeil rieur, sourire ironique et diction précieuse, Anthony Andrews campe un magnifique Sir Percy, dont les bons mots fusent et qui récite avec panache le quatrain, issu du roman de la Baronne d'Orczy, qui définit le mystérieux personnage :


"Est-il ici, serait-il là ?

Les Français tremblent dès qu'il bouge.
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Duel - Anthony Andrews et Ian McKellen

Satan lui-même le créa,
L'insaisissable Mouron rouge".


A ses côtés, la belle Jane Seymour incarne l'actrice Marguerite Saint-Juste qui va connaître avec Percy une histoire d'amour des plus mouvementées.

On retrouve aussi avec plaisir Ian Mac Kellen - bien avant Gandalf le magicien de Tolkien - dans le rôle du révolutionnaire tourmenté Chauvelin, amoureux transi et traître.


Réalisé avec les moyens d'une grande production, le téléfilm séduit par ses décors, sa figuration et ses costumes. Tony Curtis en est le Producteur artistique. Le tournage sera réalisé dans plusieurs châteaux anglais dont Blenheim et la Forteresse Lindisfarn d'Holy Island.
L'histoire se suit avec grand plaisir et on pardonnera certaines invraisemblances - comme la libre circulation des nobles anglais à Paris et les aller-retours apparemment faciles entre L'Angleterre et la France - ainsi que les libertés prises avec la réalité historique - notamment concernant le petit prisonnier du Temple -.

Un très bon téléfilm donc, aux moyens conséquents, qui donne envie de se plonger dans les romans d'origine et de découvrir d'autres versions de cette histoire trépidante.

Ulysse : Kirk défie les dieux

Affiche Ulysse
Ulysse - Film de Mario Camerini, 1954.


Le terme péplum semble bien désuet aujourd’hui et il évoque chez beaucoup des héros en petite jupette ou des drapés élégants sur corps musclés et belles sylphides, héros et héroïnes qui vont connaître des aventures mythologiques, subir l’explosion du Vésuve ou se battre dans des guerres puniques.
Mais le péplum évoque aussi des grands films bibliques, sous-genre du péplum, et acquiert une dimension épique, romantique et religieuse dans ces sommets que sont Ben Hur, Quo Vadis ou Les 10 commandements.

Le cinéma italien, terre de prédilection du genre, va produire plus de 180 péplums entre 1946 et 1966. Avant de se tourner vers les westerns et les films du genre giallo, généralement moins coûteux, l’Italie va se passionner pour ce style qu’elle commence à exploiter dès les débuts du cinéma.
Les réalisateurs des années 10-20 rivalisent en effet déjà des deux côtés de l’Atlantique dans ce domaine, ce qui laisse rêveur sur le nombre de films tournés. Cecil B. De Mille réalise aux Etats-Unis toute une série de péplums, faisant construire de gigantesques décors près de Los Angeles et dirigeant des milliers de figurants dans Les Dix commandements – 1923 – ou Le Roi des rois -1927-.

Affiche du film "Cabiria" de Giovanni Pastrone (Italie, 1914)
Cabiria - Giovanni Pastrone, 1914

En Autriche, Michael Curtiz réalise Sodome et Gomorre puis L’esclave reine, battant même Cecil B. de Mille dans le gigantisme de ses tournages – j’avais déjà évoqué les monumentales réalisations du muet et leurs prodigieuses figurations dans ma critique de L’esclave reine, film réunissant 5 000 figurants-.
En Italie Giovanni Patrone tourne en 1914 le gigantesque Cabiria, considéré comme un modèle du genre.

Les péplums italiens se raréfient cependant jusqu’aux années 50 où les grandes réalisations américaines vont faire renaître le style.
Les nombreuses productions vont se révéler de qualités très diverses selon le genre de péplum : héros mythologiques, films bibliques ou films historiques.


Ercole contro Molock (1963) Gordon Scott
Hercule contre Moloch - Giorgio Ferroni, 1963

De multiples acteurs vont traverser le péplum italien, qu’ils en aient fait leur spécialité comme Steeve Reeves ou Gordon Scott (ci-contre), ou qu’ils soient simplement passés comme Michèle Morgan, Michel Simon ou encore, plus surprenant, Serge Gainsbourg, qui figurera dans trois d’entre eux (je vous laisse rechercher les noms).



Kirk Douglas lui-même va s’essayer au genre, lui donnant un de ses rôles les plus enthousiasmants et le motivant sans doute par la suite à tourner Spartacus.
Voir Kirk tourner dans un film italien peut surprendre au milieu de sa filmographie, principalement américaine. La raison porte un nom, Pier Angeli, rencontrée lors du tournage du film à sketches Histoire de trois amours de Vincente Minnelli et Gottfried Reinhardt, où Kirk incarne un trapéziste amoureux de sa partenaire. Suivant Pier en Europe, il aura l’occasion d’y tourner trois films, et rencontrera celle qui deviendra sa femme pour les 67 ans à venir, Anne Buydens.

Revenons-en à présent au péplum tourné par Kirk en 1953, Ulysse, réalisé par Mario Camerini et financé par les studios hollywoodiens.
Le film mêle les genres mythologie, fantasy, aventures et drame. Inspiré des écrits d’Homère, il se centre sur la destinée d’Ulysse, après le siège de Troie, où grâce à sa ruse, il réussit à vaincre les troyens. Personnage orgueilleux et incontrôlable, il va alors défier les dieux, notamment Poséidon, ce qui est, bien sûr, une erreur fatale lorsque l’on doit entreprendre un long voyage en mer. L’absence d’Ulysse durera vingt ans.


Le film s’attache tout d’abord à nous présenter le personnage de Pénélope, belle et digne femme, toujours fidèle à son lointain époux, bien qu’assiégée par une meute de prétendants avides et paillards.
Ses pensées vont toujours vers Ulysse que l’on découvre bientôt échoué seul sur une plage, ayant perdu ses compagnons et sa mémoire.
Son épopée nous sera racontée alors que ses souvenirs reviennent peu à peu, un jour qu’il contemple la mer, le jour même où il s’apprête à épouser la belle Nausicaa, fille du Roi du lieu.


Réalisé avec des moyens plutôt limités, le film présente de manière concise, un peu trop parfois, quelques-unes des aventures du héros. Son style de narration, ses couleurs et décors ainsi que la présence de deux grands acteurs américains – Kirk Douglas est accompagné d’Anthony Quinn – permettent de donner une dimension épique et une réelle qualité au film, malgré sa durée assez courte.
Les aventures liées au Cyclope, aux Sirènes, à Circé et à Nausicaa sont les seuls épisodes qui seront évoqués, parfois de façon assez détaillée, notamment la rencontre de Polyphème, parfois de façon plus concise, comme le séjour chez Circé.
On pardonnera certaines naïvetés du scénario comme le jus de raisin, devenant instantanément du vin qui rendra le Cyclope totalement ivre.


Certains moments sont particulièrement réussis comme l’histoire du rocher des sirènes où l’image d’Ulysse, ligoté au mat pour s’empêcher de répondre à l’appel des tentatrices, demeure dans les mémoires.

Sourire carnassier, regard ardent et frénésie quasi incessante – sauf lorsqu’il se réveille amnésique -, Kirk Douglas campe un Ulysse particulièrement réussi et marquant.
Sylvana Mangano dans le double rôle de Pénélope et de Circé est impériale et Anthony Quinn en prétendant plein de morgue est étincelant.


Un beau classique du film d’aventures et du péplum.

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A lire :

La Comtesse : Il y a de la beauté à laisser le temps oeuvrer.

  La Comtesse - Film de Julie Delpy, 2009. Au nord-ouest de la Slovaquie, le Château de Cachtice dresse ses ruines gothiques sur une colline...