The Paradise : Zola à la façon anglaise

Affiche The Paradise
The Paradise - série de Bill Gallagher, 2012.

Il est peut être souhaitable, en visionnant cette superbe série de la BBC, d'oublier pudiquement la référence au Bonheur des dames d'Emile Zola car, si on y retrouve quelques personnages ainsi que le propos de départ - les débuts des grands magasins et de la grande distribution en cette fin du XIXe siècle, causant la fin des petits commerces traditionnels - , on s'éloigne souvent de ce sujet pour se centrer sur le côté romantique de l'histoire.

L'histoire est transposée dans la ville de Peebles, en Ecosse, où arrive Denise Lovett, venue habiter avec son oncle et l'aider à tenir sa petite boutique de vêtements.
Dès son arrivée, Denise est séduite par la beauté du grand magasin qui fait face à la boutique, véritable paradis du luxe et de l'élégance, d'où le nom de l'enseigne, The Paradise.
La société élégante de la ville se déverse dans ce somptueux sanctuaire où John Moray, le séduisant patron, accueille les clients - surtout clientes -, assisté d'une équipe de gracieuses vendeuses.

John met au point toute une série d'innovations commerciales destinées à séduire sa clientèle : promotions, journées à thèmes, création d'univers, publicité...
Sentant la fin de son magasin proche, Lovett pousse sa nièce à aller travailler au Paradis. Elle y devient la muse de Moray, apportant de nombreuses idées et devenant le bras droit de son employeur, qu'elle complète à merveille dans sa vision moderne du commerce.



Denise tombe aussitôt amoureuse de John, mais celui-ci, d'abord par fidélité envers sa femme récemment décédée puis par intérêt pour la riche Catherine, fille de son principal investisseur, refuse de voir les sentiments de Denise.


Les premiers épisodes se déroulent de façon assez indépendantes, basés sur les diverses idées de John et de Denise
Le Château de Lambton a été utilisé comme décor du magasin Le Paradis, dirigé par John Moray. En parallèle, une rue victorienne a été reconstituée avec un soin minutieux.

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L'univers est riche, coloré, la reconstitution minutieuse et la figuration nombreuse. Le Paradis et ses environs s'animent d'une foule de personnages et on s'attache, au fil des épisodes, au petit monde qui gravite autour de nos héros : Miss Audrey - responsable du rayon confection -, Pauline et Clara - les vendeuses -, l'astucieux et amusant Sam, l'inquiétant Jonas qui veille jalousement sur Le Paradis...
Dans la saison 2 apparaît un nouveau personnage détestable mais hélas omniprésent, Weston, le mari de Catherine. Jaloux de Moray dont sa femme est toujours restée amoureuse, il va s'acharner à le détruire, le dépossédant de son magasin et cherchant à le séparer de Denise.

Cette seconde saison tourne un peu en rond et l'intérêt décroît au fil des épisodes. mieux vaut donc se concentrer et rester sur l'impression de cette première et attachante saison.
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L'actrice écossaise Joanna Vanderham interprète le rôle de Denise Lovett, la belle héroïne, passionnée par son métier et dont l'ambition va la séparer de plus en plus de John qu'elle va commencer à éclipser.

Emun Elliott interprète le rôle de Moray, près à sacrifier sa carrière par amour et dont la relation avec Denise est à la fois fusionnelle et empreinte de rivalité.

Une belle série historique comme la BBC sait si bien les faire.

La vie passionnée de Vincent Van Gogh : Mon hommage à Kirk Douglas

Affiche La Vie passionnée de Vincent van GoghLa vie passionnée de Vincent Van Gogh - Film de Vincente Minnelli, 1956.

Kirk Douglas a rejoint le firmament des étoiles d'Hollywood ce 5 février 2020, à l'âge de 103 ans. Faisant partie des dernières légendes de l'âge d'or hollywoodien, il a illuminé de sa présence des films aux styles très divers : films d'aventures, westerns, films policiers, films de guerre ou films d'anticipation.
Il entre avec passion dans ses rôles qu'il interprète souvent avec frénésie : on se souvient de son Ulysse bondissant et déchaîné, de son Einar incontrôlable et démoniaque dans Les Vikings, de son Rick Martin jouant avec frénésie de la trompette dans La femme aux chimères et de son Van Gogh halluciné, plus vrai que nature.

Artiste engagé et rebelle, il s'émancipe des studios pour avoir sa liberté de tourner, fait un pied de nez à l'Académie des Oscars qui lui a refusé trois fois la récompense du meilleur acteur, chantant avec son ami Burt Lancaster "It’s great not to be nominated" lors de la cérémonie de 1958.
Il joue les esclaves révoltés dans Spartacus, engageant le blacklisté Dalton Trumbo comme scénariste.

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Les ensorcelés (The bad and the beautiful - Vincente Minnelli, 1952 
Mais Kirk, c'est surtout la fossette au menton, le sourire carnassier, le bagout. En producteur manipulateur des Ensorcelés ou en entrepreneur avide dans La vallée des géants, il incarne aussi des personnages prêts à tout pour réussir, usant de leur charme ravageur auprès des femmes, étourdissant leur entourage par leur don pour la parole et n'hésitant pas parfois à mentir. Impossible cependant d'éprouver de l'antipathie pour ces personnages, tant le charme agit aussi sur le spectateur.
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Ulysse - Mario Camerini, 1954

Il sera de même un étourdissant Ulysse entraînant ses compagnons dans de fabuleuses aventures mythologiques, défiant les dieux, aveuglant le Cyclope et finissant par décimer les avides prétendants de la belle Pénélope.

Passée cette éblouissante époque du cinéma des années 50-60 et la maturité venue, Kirk va tourner des films très différents, moins étincelants, se lançant notamment dans des films de science fiction plus ou moins réussis comme Fury ou Holocauste 2000 et tournant jusqu'en 2008.

Il consacrera les dernières années de sa vie active à l'écriture de plusieurs romans autobiographiques, dont le dernier, paru en 2012 raconte le tournage de Spartacus (I am Spartacus).


Intéressons-nous à présent à l'un des rôles les plus prodigieux de Kirk, qu'il tient dans La vie passionnée de Vincent Van Gogh.
Fasciné par le peintre en qui il se reconnaît à la fois physiquement et dans sa passion pour son art, Kirk acquiert les droits sur la biographie écrite par Irvin Stone; Vincente Minnelli en sera le réalisateur.


Le personnage de Vincent va habiter Kirk et le hanter. S'étant trop identifié à son personnage, il craindra parfois d'avoir l'oreille coupée et emportera un peu de la folie du peintre hors des plateaux. Comme il le déclarera par la suite, "Je sais que je ne suis pas Ulysse, mais Van Gogh, je n'en suis pas certain."
Le Vincent de Kirk est dévoré par son art, il peint avec frénésie jour et nuit, parfois du sublime, parfois du plus maladroit mais dans des couleurs lumineuses où le bleu et le jaune dominent. Il fonctionne par coup de coeur ou coup de tête à chaque nouvelle découverte : le monde ouvrier, les paysages lumineux de la Provence, les couleurs des fleurs....ses yeux ne voient qu'à travers la peinture.

Résultat de recherche d'images pour "kirk douglas dans van gogh"Personnage incontrôlable, il lasse bien vite le paisible et ordonné Gauguin - incarné par un solide Anthony Quinn - et se raccroche désespérément à son fidèle frère Théo qui lui assurera son existence. Van Gogh ne vendra dans toute sa vie qu'un seul tableau et ne gagnera jamais d'autre argent de son art.
Le personnage surprend aussi par son réalisme à une époque où le cinéma hollywoodien présente des héros propres sur eux dans les pires situations. Nous sommes, rappelons-le, dans une biographie et Kirk-Vincent ne craint pas de se montrer hirsute, sale, vivant comme dans une porcherie -remarque faite par son frère Théo venu le voir -, lorsqu'il décide de vivre comme les mineurs, et souvent pleurnichard.

Pourtant la flamboyance minnellienne apparaît dans la réalisation.

Le film est conçu lui-même comme une succession de tableaux, où l'on retrouve l'oeil d'artiste et le goût du beau de Vincente Minnelli.
Résultat de recherche d'images pour "la vei passionnée de vincent van gogh"Bien que tournées en partie dans les lieux mêmes où Van Gogh a vécu - Le Grand Hornu en Belgique, Arles, Auvers-sur-Oise...-, plusieurs scènes sont réalisées devant des décors peints, ce qui accentue le côté tableau vivant du film mais enlève aussi une part d'authenticité aux lieux de tournage. On peut parfois le regretter.


La ressemblance physique de Kirk avec Vincent est hallucinante et on ressent aussi son exaltation face aux beautés de la nature qu'il va peindre. Parcourant les routes de la campagne arlésienne ou ouvrant sa fenêtre de l'asile de Saint-Rémy-de-Provence, il découvre les merveilles du paysage provençal (arbres de Judée, mûriers, abricotiers...) et le bleu intense du ciel.
Puis vient le moment où génie créatif et folie se mélangent, où le peintre est vaincu par ses démons. L'artiste s'efface alors devant l'homme qui court vers sa destruction.
Un film aux accents souvent lyriques où Kirk Douglas s'est jeté corps et âme, au point de presque en perdre la tête.

Résultat de recherche d'images pour "kirk douglas"Rassurons-nous, de nombreuses années lui restaient encore à vivre et beaucoup de films à tourner.

Il rejoint à présent les nombreuses étoiles du vieil Hollywood qui continuent encore de briller, grâce à la magie du cinéma.

Bonne route, Mr Douglas !

La Reine des neiges : L'âge d'or du cinéma d'animation russe

La Reine des neiges - Film de Lev Atamanov, 1957.

Affiche La Reine des NeigesEn 1959, un des cinéastes du cinéma d'animation les plus connus en Russie adapte un des chefs d'oeuvre de Christian Andersen, La Reine des neiges.
Lev Atamanov est un des fondateurs de l'art d'animation soviétique et un des artistes les plus connus ayant oeuvré dans les studios Soyuzmultfilm, créés en 1936. Les années 50-60 marquent l'apogée de ces studios, qui emploieront jusqu'à 700 personnes et ont produit jusqu'à ce jour près de 1 600 films.

Les adaptations de contes traditionnels figurent parmi les plus belles réussites du studio : La fleur écarlate, Les cygnes sauvages, La petite sirène, Poucette, Les douze mois...
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La fleur écarlate - 1952






Atamanov réalisera notamment La fleur écarlate - version du conte la belle et la bête -, La bergère et le ramoneur, L'antilope d'or et La Reine des neiges.

Kay et Gerda sont deux jeunes enfants qui s'aiment tendrement. Un soir d'hiver, Kay est enlevé par la Reine des neiges, et emporté bien loin dans son palais de glaces où elle veut en faire son Prince. Un morceau de glace étant rentrée dans son oeil, Kay commence à sentir son coeur devenir de glace et il oublie Gerda.
Désespérée, celle-ci entame un long voyage vers le nord, prête à défier tous les dangers pour retrouver son cher Kay.

Résultat de recherche d'images pour "reine des neiges atamanov""Résultat de recherche d'images pour "reine des neiges atamanov""Sur sa route, elle va faire de nombreuses rencontres, très différentes, constituant des sortes d'épisodes à son aventure : la femme qui l'accueille dans son jardin et veut la garder chez elle en la plongeant dans un profond sommeil, les jeunes souverains du palais, la petite voleuse de la bande de brigands, la vieille lapone.... L'histoire se centre sur le courage de Gerda et la longue quête qu'elle va entreprendre, bravant le froid, la faim et la fatigue. 



La Reine des neiges fait fortement penser à la Sorcière blanche des romans de C. S. Lewis, Narnia, entraînant elle aussi un petit garçon dans son royaume de glace. cependant, ici, la Reine n'est pas totalement méchante, son coeur est froid, c'est sa nature mais il n'est pas totalement étranger à la pitié comme le montre son besoin d'avoir un fils et la clémence dont elle finira par faire preuve. Comme l'hiver lui-même, elle devra bien s'effacer devant le renouveau du printemps et la chaleur de la tendresse réciproque des deux enfants.


Résultat de recherche d'images pour "reine des neiges atamanov""Le film suit le conte d'Andersen mais d'une durée trop courte, il empêche le développement de l'histoire, ce que l'on ne pourra que regretter. La bande son française n'est hélas pas de grande qualité, en raison principalement de changements dans la musique et d'une diction totalement atone de Catherine Deneuve en Reine des neiges.

Reste une très belle réalisation, de beaux personnages, une animation souple, de beaux paysages de neige.

Le monde du cinéma récompensera d'ailleurs à sa juste valeur ce magnifique film d'animation, lui décernant notamment :
- le prix du Lion d’or au Festival de Venise en 1957 dans la catégorie du cinéma d'animation
- le premier prix au Festival de Cannes en 1958 dans la catégorie films d’animation
- le prix spécial au Festival de Moscou en 1958.

Il importe de découvrir et de faire découvrir à nos enfants, gavés d'images de synthèse et de personnages stéréotypés, cette belle version, respectant scrupuleusement le conte d'Andersen et bénéficiant de techniques d'animation de qualité.

Danish girl : La métamorphose

Affiche Danish Girl
Danish girl - Film de Tom Hooper, 2015.

Eddie Redmayne est sans doute l'un des acteurs les plus doués de sa génération. Son regard étrange et intense et son jeu exalté ne peuvent laisser indifférents.


Après des débuts au théâtre où il interprète d'abord des rôles classiques dans divers théâtres anglais, il commence à récolter des récompenses de meilleure révélation et de meilleur comédien , avant de débuter à la télévision dans des rôles romantiques et historiques - Tess d'Uberville, Les piliers de la Terre...- puis au cinéma.
C'est son rôle de Marius dans Les misérables de Tom Hooper, où il joue et chante avec talent puis de Stephen Hawking dans La fabuleuse histoire du temps de James Marsch qui le font accéder à la célébrité. Il obtient en 2015 l'Oscar du meilleur acteur pour ce rôle.


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Eddie dans Les misérables


La même année, il incarne le rôle principal dans l'oeuvre dérivée des aventures d'Harry Potter, Les animaux fantastiques.

En 2015, il est nommé officier de l'Ordre de l'Empire britannique pour sa carrière, alors qu'il n'est âgé que de 33 ans.

En 2016, trois ans après Les misérables, Eddie retrouve le réalisateur Tom Hooper pour un rôle très différent, sans doute le plus difficile de sa carrière - avec celui de Stephen Hawking - celui de Danish girl, récit de la vie de la première femme transgenre de l'histoire, Lili Elbe, née homme sous le nom d'Einar Wegener.
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Einar et sa femme Gerda sont deux jeunes peintres danois, vivant à Copenhague dans les années 20. Il est peintre paysagiste tandis que son épouse illustre des revues de mode.


Suite à l'absence de son mannequin, Gerda demande un jour à son mari de poser en déshabillé et bas de soie. C'est la révélation pour Einar qui se sent changer de plus en plus chaque jour.

Par jeu, Gerda l'aide à modifier son apparence pour devenir Lili et tromper ses amis lors d'une soirée. Il ne quittera plus ce personnage qui continuera à l'habiter jusqu'à sa mort.

Eddie Redmayne et Alicia Vikander interprètent avec beaucoup de justesse et d'émotion ce jeune couple dont la vie va être à jamais bouleversée. Car c'est aussi leur histoire d'amour qui est racontée, le couple restant uni malgré tous les obstacles.
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Le film est magnifiquement filmé avec une recherche d'esthétisme, des jeux de transparence à travers étoffes, vitres....et une reconstitution du Copenhague des années folles.




On voit l'évolution psychologique qui devient de plus physique du personnage et on en vient à se sentir presque choqué lorsqu'Einar reprend ses habits masculins.

Gerda Wegener (1889-1940), Femmes fatales
Lily peinte par Gerda, 1928.
Le film est lent parfois, faisant monter l'émotion et le sentiment du drame qui se joue.
Il montre aussi l'évolution du travail d'artiste des jeunes époux, Einar devenant le modèle de Gerda dont les portraits vont devenir célèbres et abandonnant, en devenant Lily, sa carrière de peintre.



Sans sombrer dans le sordide, le film nous accompagne vers le drame ultime de la vie de Lily , son opération, véritable suicide vu le caractère inédit de l'intervention.
Il s'agit en effet de la première opération de changement de sexe d’homme vers femme réalisée dans le monde.
Tom Hooper ne s'attarde que peu sur cet aspect dramatique, préférant nous laisser sur l'émotion ressentie face à cette histoire bouleversante.



Un très beau film qui ne peut laisser indifférent et qui confirme bien le grand talent d'acteur d'Eddie Redmayne.

La Comtesse : Il y a de la beauté à laisser le temps oeuvrer.

  La Comtesse - Film de Julie Delpy, 2009. Au nord-ouest de la Slovaquie, le Château de Cachtice dresse ses ruines gothiques sur une colline...