Si bémol et fa dièse : A la découverte du jazz

Affiche Si bémol et fa dièse
Si bémol et fa dièse - Film d'Howard Hawks, 1948


Après être resté enfermé près de neuf ans avec ses sept collègues, à écrire une encyclopédie musicale, un jeune professeur, Hobart Frisbee, décide de parcourir les cabarets et lieux à la mode pour étudier l’évolution de la musique et découvrir toutes les nouvelles formes de musique inconnues pour lui: le jazz, le boogie woogie, le bebop…
Sa tournée va lui permettre de rencontrer les grands musiciens du moment et de les inviter à venir participer à l’enregistrement de morceaux musicaux destinés à son encyclopédie. Dans un élégant cabaret, il fait la connaissance d’une belle chanteuse, Honey, maîtresse d’un truand.
Recherchée par la Police pour être interrogée sur les activités de celui-ci, elle accepte d’aider les professeurs dans leur travail et fait une arrivée époustouflante en pleine nuit, dans la demeure des huit célibataires.


Si bémol et fa dièse (A song is born)
Réaliser seulement sept ans après l’impeccable comédie Boule de feu, un remake, peut sembler étrange, surtout lorsque celui-ci, aux mains du même réalisateur, se trouve être sur certains aspects un copier-coller de sa précédente version. Certains plans se trouvent identiques – apparition de l’héroïne en scène, les professeurs cachés dans l’escalier en chemises et bonnets de nuit, la scène de la demande en mariage…




Je vous renvoie à ma critique sur Boule de feu :

Pourtant, Howard Hawks réalise le tour de force de proposer un film différent, basant l’histoire, non plus sur une encyclopédie universelle et la découverte de l’argot, mais sur une encyclopédie musicale et la découverte du jazz et autres musiques des années 40-50.
Réalisé dans un beau technicolor, le film fait ressortit à merveille la chevelure rousse de Virginia Mayo, notamment dans la scène où elle fait briller ses cheveux au soleil pour séduire le timide professeur.

Dans le rôle de l’amoureux, Danny Kaye est excellent. Sa candeur, sa délicatesse et sa timidité entraînent aussitôt la sympathie du public et ne tardent pas à attirer la belle Honey, plus habituée aux manières brutales de son amant gangster.


Cette première partie permet de rencontrer et d’écouter les grands noms du jazz, dont Louis Amstrong, Lionel Hampton, Tony Dorset ou encore le Golden Gate Quartet.
Le clarinettiste Benny Goodman hérite d’un rôle plus conséquent en devenant l’un des sept professeurs, collègues de Frisbee.

Cette partie musicale ravira les amateurs de jazz mais pourra peut-être paraître un peu longue aux non connaisseurs. Dès l’apparition de Virginia Mayo dans le rôle de la jeune chanteuse qui va semer la perturbation dans la vie si calme de la grande maison qu’habitent les célibataires, le rythme s’accélère. Pour notre plus grand bonheur, scènes de comédie, scènes sentimentales puis d’action avec l’arrivée des gangsters, s’enchaînent sans temps mort.

Dans le rôle de Frisbee, Danny Kaye montre encore une fois l’étendue de son talent même si on regrette ici de ne pas le voir danser et de très peu l’entendre chanter. La scène d’introduction où il fait une démonstration d’une scène de séduction dans une tribu traditionnelle devant sa mécène, vieille fille guindée, secrètement amoureuse de lui, est savoureuse.
C’est donc sur le registre de la comédie, tour à tour drôle et émouvant qu’on le découvre ici.


Spécialiste des rôles de jeune homme candide, capable de déclencher des cataclysmes sans le vouloir, Danny Kaye joue généralement sur un registre plus fin que son successeur, Jerry Lewis et sur un humour moins systématique.
Capable cependant de faire littéralement mourir de rire dans des moments de pur délire où le personnage est entraîné, dans la scène de l’adoubement en chevalier dans Le bouffon du roi, dans la délirante représentation où il chante sa déposition sur des airs de Verdi dans Le joyeux phénomène ou encore dans l’hallucinant ballet russe de Grain de folie.

Pas de grande scène de délire dans Si bémol et fa dièse, mais des moments amusants, distrayants plus quelques jolis moments romantiques, le tout interprété par un ensemble d’acteurs et de musiciens qui semblent prendre beaucoup de plaisir à tourner une histoire bien enlevée. Un film injustement oublié à redécouvrir.

Ball of fire : Sugarpuss et les 7 Profs


Boule de feu (Ball of fire) - Film d'Howard Hawks, 1941.


Adapté d’une histoire de quatorze pages, From A to Z écrite par Billy Wilder et Thomas Monroe, Boule de feu raconte l’histoire de huit professeurs, enfermés depuis neuf ans dans une grande maison dont ils ne sortent que pour un tour du parc, le matin. L’oeuvre à laquelle ils travaillent est l’écriture d’une encyclopédie répertoriant tout le savoir.  Chacun d’entre eux, dans sa spécialité, contribue à l’élaboration de l’ouvrage.

Le plus jeune d’entre eux, Potts, étudie la langue anglaise. A la suite de sa rencontre avec un éboueur au langage fleuri, il comprend que le parler populaire a dû évoluer tandis que tous restaient à étudier, hors du temps et de l’évolution du Monde. Il décide alors de sortir dans New York à la découverte de l’argot.
Enthousiasmé par toutes les nouvelles expressions qu’il entend, Potts cherche à recruter des inconnus qu’il rencontre afin d’alimenter son étude sur le parler populaire. Dans un cabaret, il rencontre une superbe et pittoresque jeune chanteuse répondant au doux nom de Sugarpuss. Celle-ci, compagne du gangster Joe Lilas, est obligée de se cacher. Elle va donc répondre à l’invitation du Professeur, semant une grande perturbation dans la vie des sages célibataires.

L’amusante similitude avec Blanche neige et les 7 nains, donne ainsi lieu à plusieurs allusions savoureuses. 
Sugarpuss est la belle qui va se cacher dans la maison des sept vieux professeurs et y rencontre le prince charmant, Potts.
Joe, le gangster, suggère à sa compagne de tricoter sept pulls en guise de cadeau d’adieu à ses hôtes. Découvrant la belle, les timides célibataires se dissimulent épouvantés, timides et en costumes de nuit et viendront plus tard entourer la belle pour l’embrasser avec respect. On pense alors irrésistiblement à Blanche Neige embrassant les nains lors du départ de ceux-ci pour la mine, surtout en voyant la tête toute ronde et l’air timide de S. Z. Sakall dans le rôle de Magenbruch.

Boule de feu est une comédie pétillante, à l’interprétation parfaite de Barbara Stanwyck, de Gary Cooper en célibataire timide, de Dana Andrews dans un de ses rares rôles de bandit et des acteurs incarnant les professeurs, figures pittoresques parmi lesquels on reconnaîtra notamment Henri Travers – l’ange Clarence dans La vie est belle de Franck Capra. Chacun d’entre eux a ses traits de caractère, le timide, le romantique, l’astucieux…et l’ensemble forme un groupe savoureux, toujours soudé, se déplaçant de concert et portant un regard bienveillant sur leur jeune confrère et son histoire d’amour naissante.


Délicieuse comédie à l’américaine où les bons mots fusent, les situations s’enchaînent sans temps mort. Le vocabulaire coloré de Sugarpuss et de ses amis gangsters contraste de façon comique avec la distinction des chercheurs. Leurs expressions surprises, leur incompréhension puis leur enthousiasme constituent autant de moments amusants.

Boule de feu est un film tourné avec inspiration par le grand Howard Hawks, aussi à l’aise dans les westerns – Rio Bravo, La captive aux yeux clairs …-, les films d’aventures – Hatari -, les films noirs – Le grand sommeil -, le péplum – La terre des pharaons - ou encore les comédies – Chérie, je me sens rajeunir-.

Le film donnera lieu sept ans plus tard – encore ce chiffre magique  – à un délicieux remake avec Danny Kaye et Virginia Mayo. Présentant cette fois-ci l’univers de la musique et particulièrement du jazz, il permet la contribution de musiciens connus – Louis Amstrong, Benny Goodman et Lionel Hampton, pour ne citer qu’eux. Bien que le contexte soit différent, on sera frappé par la similitude de la plupart des scènes, les dialogues étant quasi identiques et certaines scènes un simple  copier-coller.
Il est généralement considéré comme inférieur à la présente version. Nous nous pencherons sur cette épineuse question dans quelques jours !





Les acteurs semblent ici s’amuser infiniment et nous aussi. Un pur régal !

Jean-Christophe et Winnie : Disney Channel et le retour à l'enfance

Affiche Jean-Christophe & Winnie
Jean-Christophe et Winnie - Film de Marc Foster, 2018.

Dans les années 80, le samedi soir, passait sur FR3 une émission qui réunissait grands et petits au salon. Disney Channel, qui ne serait diffusée en France que bien des années plus tard, nous délivrait ainsi quelques bribes de l’univers enchanteur de Disney, nous faisant rêver au bonheur de pouvoir regarder séries et dessins animés de la firme aux grandes oreilles tout au long de la journée.

L’émission débutait par un épisode de Winnie l’ourson, se poursuivait par plusieurs dessins animés et par une série non animée (Zorro, Gallegher, L’épouvantail…).
Présentée par Donald Duck et ses neveux qui s‘installaient comme nous avec impatience devant leur émission, elle se terminait par la réplique de Donald éteignant avec regret son téléviseur en maugréant « Dire qu’il va falloir attendre la semaine prochaine pour avoir la suite ».




Les aventures de Winnie l’ourson, présentées par Jean Rochefort, étaient interprétées par des acteurs déguisés en animaux. Les voix françaises faisaient intervenir, comme toujours à l’époque et pour notre plus grand bonheur, Roger Carel, Patrick Préjean et Guy Pierault.
Des aventures simples, assez statiques mais créant avec bonheur tout un imaginaire autour des personnages de Winnie, Tigrou, Bourriquet, Porcinet, Petit Gourou et Grand Gourou.



Jean-Christophe et Winnie recrée cet univers à travers l’histoire d’un homme qui retrouve les joies de son enfance et comprend le vrai sens de la vie. Le film commence de façon mélancolique par un goûter façon Alice aux pays des merveilles, où Winnie et ses amis disent adieu au petit garçon camarade de leurs jeux, qui part en pension et quitte le monde de l’enfance.

Le film s’adresse à un public adulte nostalgique de l’enfance. L’histoire est entièrement vue par les yeux de Jean-Christophe devenu grand, dont on raconte la vie depuis la pension, son mariage, ses années de combat durant la 1ère guerre mondiale puis son retour à la vie civile.
Responsable du service productivité d’une grande entreprise qui fabrique des articles de bagagerie, Jean-Christophe, submergé de travail, harcelé par son patron est proche du burn out. Trop pris par ses responsabilités, il s’éloigne de sa famille et néglige sa fille qu’il compte envoyer à son tour en pension.


Toute cette partie échappera sans doute au jeune public qui s’attachera plus au personnage d’un adorable Winnie et attendra avec impatience de voir surgir tous ses amis. Or, ceux-ci, disparus dans la brume des souvenirs du héros, n’apparaîtront que dans la dernière partie du film.

L’animation de Winnie est particulièrement réussie. Petit ours en peluche tout rond aux couleurs défraîchies, on n’a heureusement pas cherché à lui donner un aspect réel mais plutôt celui d’un vieux jouet. Sa maladresse, ses expressions et ses remarques sont particulièrement attendrissantes.
On retrouve également tous les compagnons de l’ourson, Tigrou, Porcinet et Bourriquet en tête, pour le côté drôle de l’histoire. 

Ce n’est cependant pas cet aspect qui domine le film et que l’on retiendra, mais bien les échanges entre Ewan McGregor, très attachant en Jean-Christophe, et sa gentille peluche aux remarques à la fois naïves et sages :

« - Quand je vais quelque part, je commence toujours pas m’éloigner de là où je suis.
- Quel jour sommes-nous ? Aujourd’hui ! C’est mon jour préféré !
- Parfois ne rien faire, c’est faire bien.
- On dit que rien n’est impossible, mais moi je ne fais rien tous les jours. »


Dommage que la fin nuise au côté nostalgique du film avec une dernière partie à Londres mettant en avant Madeleine, la fille de Jean-Christophe, dans une volonté de rattraper le jeune public, sans doute déçu de ne pas voir plus de moments mettant en scène tous les personnages dans leur univers magique.


Les scènes d’échanges entre Jean-christophe et Winnie sont touchantes, le personnage en peluche attendrissant et on se surprend à essuyer une larme devant les rêves envolés puis retrouvés de cet adulte grand enfant qui nous fait avec bonheur retrouver notre propre âme d’enfant.

Frankenstein s'est échappé - Frankenstein curse

Affiche Frankenstein s'est échappéFrankenstein s'est échappé - Frankenstein curse - Film de Terence Fisher, 1957

C’est dans Hamlet, en 1948, que Christopher Lee et Peter Cushing apparaissent pour la première fois ensemble. Jusqu’en 1979, les deux complices se recroiseront dans nombre de films (22 au total), souvent adversaires, parfois complices.



Dans les films gothiques de La Hammer, Peter Cushing en savant et Christopher Lee en monstre s’affronteront lors de délirantes scènes de poursuites, où le Monstre de Frankenstein, Dracula ou la Momie (joués par Christopher) tentent d’occire les pauvres Van Hesling, Banning ou Baron Frankenstein (joués par Peter) qui tentent en vain d’opposer crucifix, épée, pistolet et armes diverses à leur adversaire incontrôlable.


Symboles d’un type de film d’horreur baroque, tournés dans des couleurs flamboyantes, privilégiant les châteaux sombres, les belles créatures et les vampires séducteurs, les films Hammer subliment la beauté du rouge sang dans des décors gothiques sans jamais tomber dans le gore et le sordide. Au fil des années, le côté horreur se fera plus important, accentuant le côté sadique des meurtres et tortures, surtout lorsque Vincent Price se joindra au groupe d’acteurs fétiches du studio.

Le film est centré sur le personnage de Frankenstein, sa soif de découvrir le secret de la vie et de la créer de toutes pièces. Elle le mènera jusqu’au meurtre et à la folie.
Frankenstein Curse commence en prison où le Baron Frankenstein, à moitié fou, attend dans l’angoisse son exécution qui doit avoir lieu l’heure d’après.
Au prêtre venu l’assister, il va raconter son histoire depuis son adolescence où, jeune héritier de la fortune et du titre de son Père, il engage un précepteur pour tout apprendre, notamment la science.
L’élève dépassant rapidement le maître, Frankenstein se lance donc dans des années de travail, gardant auprès de lui son ancien précepteur en tant qu’assistant et ami, pour mener des expériences sur la vie et la mort. Après avoir réussi à ressusciter un chiot, il se lance dans une oeuvre terrible, créer la vie à partir de la mort.



Tandis que gronde le tonnerre, que les bulles agitent les étranges mélanges multicolores qui baignent le corps immergé auquel le Baron va tenter de donner vie, on attend avec une certaine impatience de voir surgir notre cher Christopher Lee. Celui-ci cependant n’apparaîtra pas avant la moitié du film, incarnation du désir fou de Frankenstein de créer la créature parfaite.
Parfaite, c’est beaucoup dire car l’assemblage est plutôt raté. Silhouette raide à la démarche saccadée, visage couturé et cerveau de criminel totalement abruti, la créature ne perdra pas de temps à fausser compagnie à son créateur et à aller commettre son premier crime. Pourtant, le Baron n’a pas ménagé sa peine, dérobant et découpant des cadavres puis poussant dans l’escalier son vieil ami professeur afin de faire profiter sa créature de son brillant esprit.

Frankenstein s'est échappé (The Curse of Frankenstein)Le film est basé entièrement sur le personnage du savant obsédé par son œuvre, se prenant quasiment pour Dieu, sous les yeux horrifiés de son assistant. Les scènes présentant la créature sont courtes, les meurtres suggérés et non montrés.

Peter Cushing sera si ravi du rôle du Baron Frankenstein qu’il tournera six autres suites, hélas sans son complice Christopher, mais toujours sous la direction de Terence Fisher qui permettra, dès l’année suivante, les retrouvailles de nos deux compères, cette fois-ci comme Dracula et Van Hesling, dans Le cauchemar de Dracula.
Image associéeTourné en un mois à peine, Frankenstein curse (oublions la traduction française du titre), ouvre la voie à plusieurs films du genre et l’on s’amusera de voir la haute silhouette de Sir Christopher Lee en monstre implacable poursuivre ou saisir à la gorge Peter Cushing ou celui-ci en savant ou archéologue courir comme un fou à la poursuite du monstre incontrôlable, tous deux avec beaucoup de conviction et de talent…et ceci pour notre immense plaisir !

Deux critiques de films sur le duo Cushing-Lee :
La malédiction des pharaons 

Le chien des Baskervilles






La Comtesse : Il y a de la beauté à laisser le temps oeuvrer.

  La Comtesse - Film de Julie Delpy, 2009. Au nord-ouest de la Slovaquie, le Château de Cachtice dresse ses ruines gothiques sur une colline...