40 tueurs - Film de Sam Fuller, 1957
Tourné dans un noir et blanc de toute beauté, le film débute par une superbe séquence d’ouverture où une femme vêtue de noir sur un cheval blanc galope à vive allure à travers la prairie, suivie par 40 cavaliers, en colonne par deux. Un chariot se trouve sur leur passage, mais alors que l’on s’attend à tout instant à une catastrophe, la file s’ouvre en deux pour passer de part et d’autre. L’ensemble est d’abord filmé de très haut, puis se rapproche pour partager l’inquiétude des occupants du chariot que l’on ne distingue d’abord pas précisément. Cette étonnante ouverture donne le ton du film qui se caractérise par son originalité.
On fera alors connaissance avec les occupants du chariot , trois frères dont l’aîné, Griff Bonnell, est un agent fédéral travaillant pour le bureau du Procureur Général. Ils se rendent à Tombstone pour arrêter un individu soupçonné d’avoir attaqué la malle poste. Or, celui-ci fait partie des hommes de la riche Jessica Drummond, qui dirige la région d’une main de fer. Lorsque son frère Brockie est arrêté, Jessica se retrouve face à Griff.
Le film est avant tout un western psychologique ; alors que l’on attend tout au long de l’histoire un affrontement avec les 40 tueurs, celui-ci n’aura pas lieu. Ceux-ci sont un groupe muet et soumis que l’on ne verra pas commettre d’acte répréhensible, le titre anglais Forty guns ne désignant pas ceux-ci comme des bandits. Le film comporte à cet égard une part de mystère, les plus réfractaires diront de nébulosité, sur l’activité exacte de l’héroïne et de ses hommes. Un seul est désigné comme bandit, faisant l’objet de l’arrivée des trois frères tandis que Brockie se révèle comme un dangereux névrosé tueur.
L’histoire est surtout basée sur les personnages de Jessica et de Griff, de leur affrontement qui se transforme rapidement en histoire d’amour désespérée tandis que la rencontre de Wess, frère de Griff et de Louvenie, fille de l’armurier, se déroule de façon plus classique. Là aussi, le scénario prendra de court le spectateur en offrant des dénouements inattendus.
Les personnages ont des réactions parfois imprévisibles, ce qui permet de nombreux moments surprenants, rendant l’ensemble passionnant à suivre : l’amoureux éconduit, l’embuscade et son dénouement sans compter l’étonnant face-à-face final …autant de moments qui dégagent un réel suspense (que je ne dévoile pas, à dessein).
Certaines scènes sont étonnantes comme celle où Jessica, en magnifique robe du soir préside le repas où les 40 cavaliers, silencieux et respectueux, dînent dans une belle vaisselle. Venu arrêter le bandit qu’il poursuit, Griff découvre stupéfait la scène, sentiment que partage le spectateur.
Le film comporte enfin par son ton et certains plans séquences une introduction inattendue aux westerns italiens, principalement dans la première scène de duel où un long gros plan sur les yeux de Griff puis sur le visage de son adversaire et la lenteur de la scène préfigurent Sergio Leone.
Dans le rôle de Griff, on reconnait Barry Sullivan, dont la carrière s’étend sur cinquante ans et qui constitue une figure familière du grand comme du petit écran, souvent comme second rôle, comme dans Les ensorcelés.
Gene Barry (qui incarne Wess) est quant à lui bien connu des amateurs de séries des années 60-70 ; il sera notamment le héros de deux séries, L’homme à la Rolls puis L’aventurier.
Terminons par Miss Barbara Stanwyck grande figure du cinéma, qui incarnera tout au long d’une carrière de près de soixante ans (de 1927 à 1985) des rôles de femme fortes, parfois fatales et manipulatrices (comme dans Assurance sur la mort), plus souvent celui de femme aventurière (La reine de la prairie).
Elle joue ici elle-même ses scènes d’action et cascades comme le moment où, le pied coincé dans un étrier, elle se fait tirer sur le sol par son cheval affolé pendant une longue distance.
A 60 ans, elle interprètera le rôle principal de l’excellente série western La grande vallée, où elle dirige une grande propriété, aidée par ses trois fils et sa fille.
Elle délaisse souvent au fil des épisodes sa somptueuse maison et ses belles robes pour chevaucher encore, tout de noir vêtue (reprenant son image de chef des 40 tueurs) et se dépensant toujours sans compter, refusant la plupart du temps d’être doublée (pour patauger dans l’eau, sauter d’un chariot tiré par des chevaux emballés, ramper dans la boue…..notamment !).
Les quarante tueurs sont donc un excellent western à découvrir, qui peut surprendre par son ton mais dont la belle réalisation et les multiples rebondissements maintiennent l’intérêt jusqu’à l’étonnante scène finale.
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