Danish girl : La métamorphose

Affiche Danish Girl
Danish girl - Film de Tom Hooper, 2015.

Eddie Redmayne est sans doute l'un des acteurs les plus doués de sa génération. Son regard étrange et intense et son jeu exalté ne peuvent laisser indifférents.


Après des débuts au théâtre où il interprète d'abord des rôles classiques dans divers théâtres anglais, il commence à récolter des récompenses de meilleure révélation et de meilleur comédien , avant de débuter à la télévision dans des rôles romantiques et historiques - Tess d'Uberville, Les piliers de la Terre...- puis au cinéma.
C'est son rôle de Marius dans Les misérables de Tom Hooper, où il joue et chante avec talent puis de Stephen Hawking dans La fabuleuse histoire du temps de James Marsch qui le font accéder à la célébrité. Il obtient en 2015 l'Oscar du meilleur acteur pour ce rôle.


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Eddie dans Les misérables


La même année, il incarne le rôle principal dans l'oeuvre dérivée des aventures d'Harry Potter, Les animaux fantastiques.

En 2015, il est nommé officier de l'Ordre de l'Empire britannique pour sa carrière, alors qu'il n'est âgé que de 33 ans.

En 2016, trois ans après Les misérables, Eddie retrouve le réalisateur Tom Hooper pour un rôle très différent, sans doute le plus difficile de sa carrière - avec celui de Stephen Hawking - celui de Danish girl, récit de la vie de la première femme transgenre de l'histoire, Lili Elbe, née homme sous le nom d'Einar Wegener.
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Einar et sa femme Gerda sont deux jeunes peintres danois, vivant à Copenhague dans les années 20. Il est peintre paysagiste tandis que son épouse illustre des revues de mode.


Suite à l'absence de son mannequin, Gerda demande un jour à son mari de poser en déshabillé et bas de soie. C'est la révélation pour Einar qui se sent changer de plus en plus chaque jour.

Par jeu, Gerda l'aide à modifier son apparence pour devenir Lili et tromper ses amis lors d'une soirée. Il ne quittera plus ce personnage qui continuera à l'habiter jusqu'à sa mort.

Eddie Redmayne et Alicia Vikander interprètent avec beaucoup de justesse et d'émotion ce jeune couple dont la vie va être à jamais bouleversée. Car c'est aussi leur histoire d'amour qui est racontée, le couple restant uni malgré tous les obstacles.
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Le film est magnifiquement filmé avec une recherche d'esthétisme, des jeux de transparence à travers étoffes, vitres....et une reconstitution du Copenhague des années folles.




On voit l'évolution psychologique qui devient de plus physique du personnage et on en vient à se sentir presque choqué lorsqu'Einar reprend ses habits masculins.

Gerda Wegener (1889-1940), Femmes fatales
Lily peinte par Gerda, 1928.
Le film est lent parfois, faisant monter l'émotion et le sentiment du drame qui se joue.
Il montre aussi l'évolution du travail d'artiste des jeunes époux, Einar devenant le modèle de Gerda dont les portraits vont devenir célèbres et abandonnant, en devenant Lily, sa carrière de peintre.



Sans sombrer dans le sordide, le film nous accompagne vers le drame ultime de la vie de Lily , son opération, véritable suicide vu le caractère inédit de l'intervention.
Il s'agit en effet de la première opération de changement de sexe d’homme vers femme réalisée dans le monde.
Tom Hooper ne s'attarde que peu sur cet aspect dramatique, préférant nous laisser sur l'émotion ressentie face à cette histoire bouleversante.



Un très beau film qui ne peut laisser indifférent et qui confirme bien le grand talent d'acteur d'Eddie Redmayne.

Sortilèges : Le cavalier de Riouclare

Affiche Sortilèges
Sortilèges  - film de Christian-Jaque, 1945.

Sortilèges est un des exemples les plus caractéristiques du cinéma français des années 40, élaboré dans les dures conditions de l'Occupation et adoptant un genre proche du cinéma fantastique, sans une once de surnaturel mais privilégiant l'étrange, le mystérieux et les personnages hors normes.
Le tournage de Sortilèges a d'abord lieu dans Les Cévennes au Puy de Sancy, point culminant du Massif Central.
Abondamment enneigé en hiver - surtout dans les précédentes décennies-, il offre un paysage aux pentes et arêtes impressionnantes où semble régner un éternel hiver.

La même équipe que celle du l'Assassinat du Père Noël est à l'oeuvre. On y retrouve Renée Faure, toujours éthérée se laissant là aussi mourir d'une étrange maladie de langueur jusqu' à ce que l'inquiétant rebouteux du coin, Le Campanier, joué par Lucien Cosdel - Papa du petit Roger dans l'Assassinat du Père Noël - vienne la guérir et que son ami d'enfance lui avoue son amour.

Renee Faure et Lucien CoedelL'atmosphère du film est ainsi créée, poétique et fantastique, nous transportant d'abord dans une cabane perdue on ne sait où dans le brouillard, où sonne inlassablement une cloche, pour guider d'éventuels voyageurs vers le village voisin.
A côté de l'étrange sonneur de cloches, Le Campanier, l'histoire présente un homme surnommé Le Lièvre - à moitié fou car persuadé d'avoir un lièvre dans sa tête qui vient lui enlever toutes ses pensées, dès qu'une d'entre elles apparaît-.

Un cheval noir surgit dans le brouillard. Laissant son compagnon endormi, Le Campanier sort dans la neige, arme une fronde et abat le cavalier avant de le dévaliser.
Le cheval, après avoir voulu défendre son maître s'enfuit dans le brouillard. Il reviendra hanter les lieux du crime puis le village pour chercher à avertir les habitants du drame qui a eu lieu.
Le ton mystérieux, quasi fantastique est donné.


Autour du couple de héros, Renée Faure et Roger Pigaut, on retrouve tout un ensemble de figures familières du cinéma français des années 40, Fernand Ledoux, Marcel Peres, Madeleine Robinson...
Dans une étonnante scène de bal, une danse folklorique est montrée. Fernand Ledoux se lance dans la danse avec une étonnante et amusante vieille femme qui semble plus que centenaire. Elle est cependant loin d'être une vieille habitante du cru puisqu'il s'agit du comique Sinoël, qui donne ainsi la seule note amusante - et singulière - de l'histoire.


Se gelant sans doute trop dans les paysages hivernaux, brouillard, vent et neige semblant s'en donner à coeur joie, l'équipe ira tourner en studios à Paris, les scènes d'intérieur.

Le film est l'adaptation d'un roman de Claude Boncompain, Le Cavalier de Riouclare, écrit en 1943.
Intemporel, il dégage une grande poésie grâce à son atmosphère étrange et à ses personnages atypiques, le tout servi par les beaux dialogues de Jacques Prévert.

critique de L'assassinat du Père Noël - Film de Christian Jaque.

Rocketman : Quand se mêlent fantaisie musicale et récit réaliste

Affiche RocketmanRocketman - Film de Dexter Fletcher, 2019.

Après des années d'extravagances et de provocations, alliées à un réel génie musical et à des talents de showman extraordinaires, Elton John semble s'assagir au fil du temps. Marié et père de deux enfants, arborant le plus souvent des tenues sobres et sagement assis à son piano, il porte son titre de Sir avec dignité, ayant été anobli par la reine d'Angleterre.
Il fête cette année ses trente ans de sobriété.


Pourtant le chanteur a choisi de se dévoiler via un biopic dont il a inspiré les grandes lignes et le ton, laissant son mari David Furnish en être le producteur.

En découvrant la biographie d'Elton John, on s'attend à voir retracées les grandes étapes de la carrière du chanteur et la genèse de ses chansons.
Your song, I'm still standing, Nikita, Candle in the wind, Crocodile rock.... résonnent en effet dans la tête de tous les fans du chanteur mais c'est la découverte du "vrai" Elton, débarrassé de ses tenues extravagantes qui va se faire tout au long du film.



Initié par Elton lui-même, le film n'est en effet pas une bio réservée aux fans mais une véritable introspection où le chanteur livre ses craintes, désirs et addictions. Loin d'être une ode au grand Elton, il présente au contraire le personnage fragile, influençable et torturé qui sommeille en lui, sans pudeur mais sans sombrer dans le sordide. En effet, les moments les plus difficiles se transforment aussitôt en musique, comme sa tentative de suicide dans la piscine. On est à la fois dans la réalité mais aussi dans l'imaginaire avec des séquences de comédie musicale où le chanteur rêve en chansons.

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Parfois sage, parfois audacieux, le film s'appuie avant tout sur la performance de Taron Egerton qui interprète lui-même de façon impeccable les chansons d'Elton. L'acteur s'est ainsi entraîné plusieurs mois au chant et au piano avant d'enregistrer ses propres versions.


On notera certaines scènes audacieuses comme celles où le personnage quitte le monde réel pour plonger dans celui de ses fantasmes, pour se retrouver enfant ou bien arriver dans un autre décor qui s'anime, où surgissent soudain danseurs et personnages de la vie d'Elton.

Le film est ainsi centré principalement sur la vie personnelle du chanteur, ses fantasmes et addictions et son homosexualité d'abord refoulée puis affirmée.
On regrettera de ce point de vue de ne pas découvrir de façon plus approfondie l'évolution de sa carrière et la création artistique de ses chansons. Celles-ci s'intègrent cependant de façon parfaite à l'histoire, notamment Your song, histoire de l'amour impossible d'Elton pour son fidèle parolier Bernie Taupin ou I'm still standing où il chante sa victoire sur son addiction à la drogue et à l'alcool.


Résultat de recherche d'images pour "rocketman"Si la ressemblance de Taron Egerton ( interprète du héros de Kingsman et de Robin des bois) avec Elton John ne va pas de soi, le travail de maquillage et l'interprétation de l'acteur réussissent peu à peu à nous convaincre jusqu'à ce que les deux paraissent se confondre.



Lors du générique final, les photos des deux artistes sont mises en parallèle, résumant les principales tenues, les plus excentriques et audacieuses : costume de perroquet, Reine d'Angleterre, costume inspiré du magicien d'Oz.....


Résultat de recherche d'images pour "rocketman"Un film à part au ton plutôt surprenant par son mélange de récit véridique et de fantaisie musicale, porté par la prodigieuse métamorphose de Taron Egerton, qui nous permet de voir autrement Elton et de redécouvrir ses chansons à travers de nouvelles interprétations.

Madame Bovary : Flamboyance et héroïne "minnellienne"

Madame Bovary - Film de Vincente Minnelli, 1949.

Affiche Madame Bovary
Emma est une belle jeune fille rêveuse qui vit dans une sombre ferme avec son Père. Ses années passées au couvent lui ont permis d'apprendre l'art d'être une maîtresse de maison accomplie et elle attend le prince charmant qui viendra la sortir de sa vie terne et laborieuse pour lui offrir une vie de rêve.

Le prince charmant arrive un jour à cheval, comme dans les contes mais il n'est ni beau, ni riche et n'est qu'officier de santé, même pas un véritable Docteur (pense Emma).
Qu'importe, il sera celui qui l'emportera vers une nouvelle vie. Celle-ci commence donc dans une petite ville tranquille où Emma va rapidement s'ennuyer. Comment supporter ce qui est laid, triste ou commun et la routine quotidienne ?


Charles Bovary est un homme tranquille, heureux de sa vie, de son métier. Epoux fidèle et amoureux, il est un roc solide sur lequel Emma pourrait s'appuyer...mais il est trop commun pour elle.

La tentation surgit avec deux hommes, le jeune clerc de notaire, Léon et le bel aristocrate Rodolphe.
L'amour de Léon est léger, fugace car il rêve de partir faire sa vie à Paris. Rodolphe a tout du prince charmant. Beau et riche, il rencontre Emma lors d'un grand bal où celle-ci voit enfin se réaliser ses rêves.
Vêtue d'une robe somptueuse, radieuse, elle est entourée par un cercle d'admirateurs puis est entraînée dans une valse enivrante par un beau jeune homme. 

L'histoire d'amour avec Rodolphe se poursuivra comme dans un rêve; les rendez-vous secrets ont lieu dans la campagne et Emma s'y rend à cheval, dans une belle tenue d'amazone.


Hélas, ce deuxième amour qui semble au début si passionné se heurte là encore à la réalité. A l'exaltation d'Emma se heurte l'égoïsme de Rodolphe, désireux de conserver sa tranquillité, quand elle rêve d'un enlèvement romantique.
Le film de Minnelli est la version la plus connue du roman de Gustave Flaubert. Si elle en suit plutôt bien l'histoire, elle adopte un ton plus romanesque et moins sordide.

On sent que Minnelli a, à dessein, ôté tous les aspects sordides de l'histoire, comme la scène de l'opération du pauvre commis, finissant en boucherie puis en amputation.
On est entraîné dans le rêve romanesque d'Emma, bien plus sympathique ici que la crispante héroïne du roman de Flaubert. Le choix de la belle et gracieuse Jennifer Jones y est certainement pour beaucoup.
Van Heflin est l'époux vers lequel va la sympathie du spectateur. Bien que passablement aveuglé par son amour pour Emma, il ne voit ni son infidélité ni les dépenses folles qu'elle fait pour ses robes somptueuses ou le beau cheval avec lequel elle va à ses rendez-vous secrets avec Rodolphe.


L'histoire est introduite et conclue par son auteur, Gustave Flaubert - interprété par James Mason- , qui défend son oeuvre dans une cour de justice en cette année 1856. La réalité rejoint ici le roman. La Revue de Paris fut en effet poursuivie pour avoir publié les deux premiers chapitres du roman, jugé comme « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes moeurs ». Appelé à la barre, l'auteur va ici défendre son oeuvre en nous présentant le personnage d'Emma et en nous racontant sa vie.

On retrouve la flamboyance des mises en scène du brillant Vincente Minnelli comme dans ses grandes fresques - La vie passionnée de Vincent Van Gogh, Celui par qui le scandale arrive, Les ensorcelés...- ou dans ses comédies musicales - Gigi, Tous en scène, Un américain à Paris - ...pour ne citer que ces titres.
La magnifique scène du bal est caractéristique de l'amour du Beau du réalisateur ... et de son héroïne.
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La splendide musique de Miklós Rózsa et les mouvements de caméra semblent se mêler pour nous entraîner dans des mouvements de plus en plus vertigineux, accompagnant l'ivresse de la valse ressentie par Emma.
On retiendra aussi deux moments étonnants comme celui où le maître de maison ordonne aux serviteurs imperturbables de briser les vitres pour rafraîchir les danseurs. Toujours aussi dignes, les serviteurs s'exécutent en jetant des chaises à travers les fenêtres.
Autre moment qui vient rompre le romantisme de la scène, Charles ivre, appelle sa femme à grands cris et interrompt le couple en train de valser.
Ces deux moments illustrent bien combien les rêves d'Emma sont illusoires et se heurtent toujours à la réalité.


Le film de Minnelli entraîne ainsi le spectateur à suivre les rêves de son héroïne et à y compatir, le parti pris de le présenter à travers le récit de Gustave Flaubert permettant une certaine empathie vis-à-vis d'Emma. Un beau film qui fera sans doute paraître les autres adaptations, bien que souvent plus fidèles, beaucoup plus ternes.

Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

  Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011. On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais égal...