Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

 Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011.

On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais également à travers la belle série de documentaires, Voyage avec Martin Scorses à travers le cinéma américain puis Voyage avec Martin Scorsese au coeur du cinéma italien.

Il s'intéresse ici aux débuts du cinéma à travers un hommage à l'un de ses célèbres précurseurs, Georges Méliès, créateur des premiers trucages et du premier studio de tournage français. C'est en voyant les premiers films tournés par les Frères Lumière que Méliès, prestidigitateur et Directeur du Théatre Robert Houdin, décide de mettre ses talents d'illusioniste au profit de cette nouvelle invention et de tourner, non plus seulement des scènes de la vie réelle, mais des fictions. Il tournera ainsi plus de 500 films, alternant scénettes et films extravagants où il donne libre cours à ses talents de magicien, au milieu de décors féériques. Les titres sont d'ailleurs très évocateurs comme le montrent ces quelques exemples : L'illusioniste double et la tête vivante, La danseuse microscopique, Sorcellerie culinaire, Le chevalier démontable et le Général Boum....

Méliès devant sa boutique -  vers 1930 - Cinémathèque française
L'oeuvre de Meliès sera hélas pillée, de nombreuses contrefaçons vont circuler aux Etats Unis. De procès en gestion hasardeuse de sa société cinématographique, Mèlies est ruiné et décide d'abandonner le cinéma.

Devenu un modeste vendeur de jouets à la Gare Montparnasse, il est redécouvert par le Rédacteur en chef de la revue  Ciné-journal qui le sort de l'ombre et fait reconnaitre son génie. Les  hommages vont alors se succéder permettant au cinéaste, après tant de désilusion, de voir son travail reconnu. Il terminera sa vie au chateau d'Orly, maison de retraite de la Mutuelle du Cinéma

Méliès version Ben Kingsley

Le film de Scorsese s'attache à la dernière partie de la vie du cinéaste, à travers le regard d'un petit garçon qui vit dans la Gare Montparnasse où il entretient en secret les horloges, s'étant retrouvé seul suite à la mort successive de son père et de son oncle.

Pour seul héritage de son père, Hugo possède un étonnant automate qui sait écrire et qui détient un secret non encore révélé. Afin de réparer le mécanisme, Hugo dérobe des petites pièces mécaniques, notamment à la boutique de jouets de la gare. Il est un jour attrapé par le propriétaire de la boutique alors qu'il veut voler un petit mécanisme de jouet mécanique. Hugo découvre alors qu'un lien mystérieux existe entre cet homme et le secret de son automate. 


Le film se déroule en deux parties assez distinctes, la première basée sur la recherche du secret légué par le Père d'Hugo à celui-ci puis la révélation de l'identité du propriétaire de la boutique qui n'est autre, on s'en doute assez vite, que Georges Méliès. On assiste alors à la résurrection de celui-ci par le récit de son histoire puis par son retour au cinéma. Cette seconde partie est un vibrant hommage à la création du cinéma et à la magie créée par celui-ci.

Les allusions sont nombreuses, depuis l'évocation du Voyage dans la lune, son oeuvre majeure, jusqu'à l'arrivée du train en gare ou encore les décors féériques créés pour les inombrables films de Méliès.

Le décor imaginé pour le film est de toute beauté. Une reconstitution en stuc d'une gare des années 20 figurant la Gare Montparnasse, un gigantesque décor de mécanismes d'horlogerie et la mise en scène de la vie trépidante qui s'y déroule, ont été réalisés. 

Tout un petit monde s'y agite, des voyageurs pressés aux petits métiers qui y résident. 

Côté interprétation, on retiendra bien sûr les deux personnages principaux, Hugo et Méliés. Grand regard bleu et joli visage sérieux, Asa Butterfield campe un Hugo attachant tandis que Ben Kingsley, après avoir accompli le prodige, il y a 30 ans de ressembler a Gandhi, offre un Méliès des plus convaincants.

J'ai par contre peu accroché au personnage joué par Sacha Cohen Baron, l'Inspecteur Gustave, vétéran de la Grande Guerre, qui parcourt la gare à la poursuite des petits voleurs. Beaucoup trop présent dans la première partie du film, il est vraisemblablement destiné au public enfantin et à la mise en avant des effets de la 3 D, comme lors de l'accident de train. 

Ces effets sont par ailleurs des plus réussis et sans multiplier les effets percutants, sauf dans le cas cité, nous font plonger dans un monde d'horlogerie, de rouages et de mécanismes des plus fascinants, le tout baignant dans une belle luminosité.

On pourra reprocher au film de vouloir viser deux publics distincts et comme tel, de ne pas satisfaire totalement chacun des deux. Le public plus enfantin suivra Hugo et sa petite compagne Isabelle, essayant à la fois d'échapper au féroce Inspecteur et à son chien non moins féroce, et de découvrir le secret de l'automate. 

Le public amateur de cinéma s'émerveillera de découvrir l'histoire des débuts du cinéma telle que la découvre les deux enfants à travers leurs recherches et suivra le destin de Méliès à travers de nombreux petits extraits de films.


La dernière demi-heure est à ce niveau passionnante, nous permettant de feuilleter comme un livre d'images les films, trucages et décors du pionnier des effets spéciaux.

"Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"Georges Méliès, 


Quelques dessins de Méliès - Source Cinéressources.net









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