Jean-Christophe et Winnie : Disney Channel et le retour à l'enfance

Affiche Jean-Christophe & Winnie
Jean-Christophe et Winnie - Film de Marc Foster, 2018.

Dans les années 80, le samedi soir, passait sur FR3 une émission qui réunissait grands et petits au salon. Disney Channel, qui ne serait diffusée en France que bien des années plus tard, nous délivrait ainsi quelques bribes de l’univers enchanteur de Disney, nous faisant rêver au bonheur de pouvoir regarder séries et dessins animés de la firme aux grandes oreilles tout au long de la journée.

L’émission débutait par un épisode de Winnie l’ourson, se poursuivait par plusieurs dessins animés et par une série non animée (Zorro, Gallegher, L’épouvantail…).
Présentée par Donald Duck et ses neveux qui s‘installaient comme nous avec impatience devant leur émission, elle se terminait par la réplique de Donald éteignant avec regret son téléviseur en maugréant « Dire qu’il va falloir attendre la semaine prochaine pour avoir la suite ».




Les aventures de Winnie l’ourson, présentées par Jean Rochefort, étaient interprétées par des acteurs déguisés en animaux. Les voix françaises faisaient intervenir, comme toujours à l’époque et pour notre plus grand bonheur, Roger Carel, Patrick Préjean et Guy Pierault.
Des aventures simples, assez statiques mais créant avec bonheur tout un imaginaire autour des personnages de Winnie, Tigrou, Bourriquet, Porcinet, Petit Gourou et Grand Gourou.



Jean-Christophe et Winnie recrée cet univers à travers l’histoire d’un homme qui retrouve les joies de son enfance et comprend le vrai sens de la vie. Le film commence de façon mélancolique par un goûter façon Alice aux pays des merveilles, où Winnie et ses amis disent adieu au petit garçon camarade de leurs jeux, qui part en pension et quitte le monde de l’enfance.

Le film s’adresse à un public adulte nostalgique de l’enfance. L’histoire est entièrement vue par les yeux de Jean-Christophe devenu grand, dont on raconte la vie depuis la pension, son mariage, ses années de combat durant la 1ère guerre mondiale puis son retour à la vie civile.
Responsable du service productivité d’une grande entreprise qui fabrique des articles de bagagerie, Jean-Christophe, submergé de travail, harcelé par son patron est proche du burn out. Trop pris par ses responsabilités, il s’éloigne de sa famille et néglige sa fille qu’il compte envoyer à son tour en pension.


Toute cette partie échappera sans doute au jeune public qui s’attachera plus au personnage d’un adorable Winnie et attendra avec impatience de voir surgir tous ses amis. Or, ceux-ci, disparus dans la brume des souvenirs du héros, n’apparaîtront que dans la dernière partie du film.

L’animation de Winnie est particulièrement réussie. Petit ours en peluche tout rond aux couleurs défraîchies, on n’a heureusement pas cherché à lui donner un aspect réel mais plutôt celui d’un vieux jouet. Sa maladresse, ses expressions et ses remarques sont particulièrement attendrissantes.
On retrouve également tous les compagnons de l’ourson, Tigrou, Porcinet et Bourriquet en tête, pour le côté drôle de l’histoire. 

Ce n’est cependant pas cet aspect qui domine le film et que l’on retiendra, mais bien les échanges entre Ewan McGregor, très attachant en Jean-Christophe, et sa gentille peluche aux remarques à la fois naïves et sages :

« - Quand je vais quelque part, je commence toujours pas m’éloigner de là où je suis.
- Quel jour sommes-nous ? Aujourd’hui ! C’est mon jour préféré !
- Parfois ne rien faire, c’est faire bien.
- On dit que rien n’est impossible, mais moi je ne fais rien tous les jours. »


Dommage que la fin nuise au côté nostalgique du film avec une dernière partie à Londres mettant en avant Madeleine, la fille de Jean-Christophe, dans une volonté de rattraper le jeune public, sans doute déçu de ne pas voir plus de moments mettant en scène tous les personnages dans leur univers magique.


Les scènes d’échanges entre Jean-christophe et Winnie sont touchantes, le personnage en peluche attendrissant et on se surprend à essuyer une larme devant les rêves envolés puis retrouvés de cet adulte grand enfant qui nous fait avec bonheur retrouver notre propre âme d’enfant.

Frankenstein s'est échappé - Frankenstein curse

Affiche Frankenstein s'est échappéFrankenstein s'est échappé - Frankenstein curse - Film de Terence Fisher, 1957

C’est dans Hamlet, en 1948, que Christopher Lee et Peter Cushing apparaissent pour la première fois ensemble. Jusqu’en 1979, les deux complices se recroiseront dans nombre de films (22 au total), souvent adversaires, parfois complices.



Dans les films gothiques de La Hammer, Peter Cushing en savant et Christopher Lee en monstre s’affronteront lors de délirantes scènes de poursuites, où le Monstre de Frankenstein, Dracula ou la Momie (joués par Christopher) tentent d’occire les pauvres Van Hesling, Banning ou Baron Frankenstein (joués par Peter) qui tentent en vain d’opposer crucifix, épée, pistolet et armes diverses à leur adversaire incontrôlable.


Symboles d’un type de film d’horreur baroque, tournés dans des couleurs flamboyantes, privilégiant les châteaux sombres, les belles créatures et les vampires séducteurs, les films Hammer subliment la beauté du rouge sang dans des décors gothiques sans jamais tomber dans le gore et le sordide. Au fil des années, le côté horreur se fera plus important, accentuant le côté sadique des meurtres et tortures, surtout lorsque Vincent Price se joindra au groupe d’acteurs fétiches du studio.

Le film est centré sur le personnage de Frankenstein, sa soif de découvrir le secret de la vie et de la créer de toutes pièces. Elle le mènera jusqu’au meurtre et à la folie.
Frankenstein Curse commence en prison où le Baron Frankenstein, à moitié fou, attend dans l’angoisse son exécution qui doit avoir lieu l’heure d’après.
Au prêtre venu l’assister, il va raconter son histoire depuis son adolescence où, jeune héritier de la fortune et du titre de son Père, il engage un précepteur pour tout apprendre, notamment la science.
L’élève dépassant rapidement le maître, Frankenstein se lance donc dans des années de travail, gardant auprès de lui son ancien précepteur en tant qu’assistant et ami, pour mener des expériences sur la vie et la mort. Après avoir réussi à ressusciter un chiot, il se lance dans une oeuvre terrible, créer la vie à partir de la mort.



Tandis que gronde le tonnerre, que les bulles agitent les étranges mélanges multicolores qui baignent le corps immergé auquel le Baron va tenter de donner vie, on attend avec une certaine impatience de voir surgir notre cher Christopher Lee. Celui-ci cependant n’apparaîtra pas avant la moitié du film, incarnation du désir fou de Frankenstein de créer la créature parfaite.
Parfaite, c’est beaucoup dire car l’assemblage est plutôt raté. Silhouette raide à la démarche saccadée, visage couturé et cerveau de criminel totalement abruti, la créature ne perdra pas de temps à fausser compagnie à son créateur et à aller commettre son premier crime. Pourtant, le Baron n’a pas ménagé sa peine, dérobant et découpant des cadavres puis poussant dans l’escalier son vieil ami professeur afin de faire profiter sa créature de son brillant esprit.

Frankenstein s'est échappé (The Curse of Frankenstein)Le film est basé entièrement sur le personnage du savant obsédé par son œuvre, se prenant quasiment pour Dieu, sous les yeux horrifiés de son assistant. Les scènes présentant la créature sont courtes, les meurtres suggérés et non montrés.

Peter Cushing sera si ravi du rôle du Baron Frankenstein qu’il tournera six autres suites, hélas sans son complice Christopher, mais toujours sous la direction de Terence Fisher qui permettra, dès l’année suivante, les retrouvailles de nos deux compères, cette fois-ci comme Dracula et Van Hesling, dans Le cauchemar de Dracula.
Image associéeTourné en un mois à peine, Frankenstein curse (oublions la traduction française du titre), ouvre la voie à plusieurs films du genre et l’on s’amusera de voir la haute silhouette de Sir Christopher Lee en monstre implacable poursuivre ou saisir à la gorge Peter Cushing ou celui-ci en savant ou archéologue courir comme un fou à la poursuite du monstre incontrôlable, tous deux avec beaucoup de conviction et de talent…et ceci pour notre immense plaisir !

Deux critiques de films sur le duo Cushing-Lee :
La malédiction des pharaons 

Le chien des Baskervilles






Porco Rosso : O sole mio façon Miyazaki

Porco Rosso - Film d'Hayao Miyazaki, 1992.

Affiche Porco RossoMarco est un as de l’aviation italienne, devenu aujourd’hui chasseur de primes au-dessus de la Mer Adriatique. Suite à une étrange malédiction, Marco s’est trouvé affublé d’une tête de cochon tandis que sa silhouette devenait boulotte et trapue. Célèbre pour ses exploits lors de la Première Guerre Mondiale, il s’est désormais retiré sur une petite île, à l’abri d’une crique, sa radio étant son seul lien avec le monde extérieur.
Il quitte de temps à autre son repère pour voler librement sur son hydravion rouge ou pour aller combattre les pirates qui sévissent sur la mer et dans les airs.
Son amie de cœur Gina, tient un élégant hôtel sur une petite île. Honteux de son apparence, Marco ne croit pas en son amour.


Surnommé Porco Rosso, à la fois pour son physique et pour la couleur de son avion, Marco refuse de se plier aux ordres du gouvernement italien ; opposé à la montée du régime fasciste, il va ainsi devenir hors la loi et recherché.
Suite au crash de son avion, il rencontre une jeune fille Fiona, génie de l’aéronautique qui va concevoir les plans de son nouvel hydravion.




Porco Rosso est un film étonnant qui peut se voir à deux niveaux, et qui pourra ainsi séduire un large public.
Au premier niveau, Porco Rosso est une histoire d’aventures plutôt légère racontant la rivalité entre Marco et les pirates de l’Adriatique et son histoire d’amour contrarié avec Gina, courtisée par l’américain Curtis. L’ensemble est plaisant à suivre mais offre finalement assez peu de rebondissements.
Au second niveau, le film raconte l’histoire de la malédiction qui frappe Porco – malédiction dont l’origine n’est jamais expliquée – mais qui semble liée à la perte des illusions de Marco, à la dégradation du monde dans lequel il vit, sous la montée du fascisme. La rédemption de Marco réside dans l’amour que lui portent les deux femmes de l’histoire, la belle Gina et la douce jeune fille Fiona.

Le film est un pamphlet contre l’extrémisme, la guerre et loue la liberté – incarnée par les avions et le mode de vie de Porco – et le courage –incarné surtout par les personnages féminins-.
Il offre ainsi un hommage aux femmes, véritables héroïnes de l’histoire, finalement toujours les plus fortes. Les petites écolières, enlevées par les pirates de l’air ne se montrent nullement effrayées. Les ravisseurs sont plutôt gênés, ne sachant quoi faire devant la bande de fillettes, ravies de l’aventure, trouvées sur le paquebot qu’ils s’apprêtaient à dévaliser.
Fiona, as de la mécanique et génie dans la construction des plans d’avion, prend en main le nouveau modèle de Marco, qui parait ne rien connaître du tout à la mécanique.
C’est d’ailleurs aidée de toutes les femmes de sa famille que Fiona construira l’hydravion de Porco, faisant l’admiration de son Père , le Signor Piccolo, patron de l’entreprise familiale.
Gina, enfin, incarne le personnage dont le charme et l’autorité viennent aisément à bout des pirates et de Curtis, rendus sages et soumis en sa présence.


Les personnages sont élaborés selon deux styles différents d’animation, animation simple et assez caricaturale des personnages masculins et animation fluide et visages fins et précis pour les personnages féminins; la laideur de Porco et de Curtis après leur bagarre tranchant de façon étonnante avec la beauté de Fiona et du décor qui les entoure.
Nostalgie des débuts de l’aviation où les hommes rivalisent d’adresse et d’audace en parcourant le ciel à bord de leurs coucous. Les rapports entre Marco et les autres pilotes sont faits à la fois d’antagonisme et d’une certaine camaraderie, fruit d’un passé commun et de leur passion pour les airs. De fait, on ne croit pas vraiment à la haine entre les deux personnages – Porco et Curtis-, qui se termine finalement en pugilat dont aucun ne sort vainqueur.

Miyazaki manipule ici tous les thèmes chers à son cœur, bien qu’éloignés du folklore japonais : son amour de l’aviation et des grands espaces – les images sont d’une grande beauté, le soleil inonde, la mer scintille, les couleurs sont vives – et le thème de la métamorphose que l’on retrouve dans la plupart de ses films. On pensera notamment à Ponyo et à sa transformation de poisson en petite fille, à Sophie dans Le château ambulant qui change constamment d’âge et d’apparence ou encore à Haku dans Chihiro qui se change en dragon. La métamorphose de Porco demeure un mystère durant tout le film comme d’ailleurs sa conclusion dans l’histoire, Marco semblant prêt à retrouver sa forme humaine grâce à l’amour de Gina et de Fiona.

Le film est ainsi conçu avec une fin ouverte qui laisse place au rêve et l’on goûtera l’histoire différemment, une fois accepté l’étonnant postulat de départ

Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

  Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011. On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais égal...