Le serment du chevalier noir : Quand les druides occupaient Stonehenge

Le serment du chevalier noir (The black knight) - Film de Tay Garnett, 1955. 

Il y a des décennies, le cinéma véhiculait l'image de chevaliers au coeur pur et à l'armure étincellante, protégeant les faibles et chevauchant sur les routes d'Angleterre ou de France pour sauver leur belle ou déjouer les complots ourdis contre le roi du pays.

Et puis, sont arrivés les chevaliers modernes, sales et hirsutes d'avoir chevauché longtemps sur des routes poussiéreuses. Une sorte de mini-treuil les aide à monter à cheval, vêtus de leur pesante armure. Il n'y a plus de belles à délivrer de leurs tours, il y a longtemps qu'elles se sont émancipées. 

La lecture d'un roman de Jean d'Aillon a fait s'effondrer pour moi les dernières images idéalisées de ces beaux héros. Les chevaliers étaient ainsi davantage des mercenaires, se vendant au plus offrant et parcourant les campagnes pour assaillir les villages, pillant et violant hardiment (gloups !)

Après cette charmante vision, il m'a semblé plus agréable de replonger dans le vieux cinéma hollywoodien pour y retrouver Ivanhoé ou Les chevaliers de la table ronde.

Me voici donc à visionner Le serment du chevalier noir, film  de Tay Garnett, plus connu pour Le facteur sonne toujours deux fois que pour son cinéma médiéval. 

L'histoire est celle d'un jeune et courageux forgeron, John,  dévoué à son Seigneur le Comte de Yeonil et surtout à la fille de celui-ci, Linet, interprétée par la belle Patricia Medina. L'amour des deux jeunes gens est vu d'un mauvais oeil par le Comte qui doit se résoudre, à contre-coeur, à se séparer de John. Un ami du Comte, Sir Ontzlake, Chevalier de la table ronde, prend John sous sa protection et lui apprend à se battre. Notre beau héros rêve justement de devenir chevalier et comme il est très doué, il sera capable, au bout de quelques leçons de dépasser son maître d'armes. Le voici donc prêt à se lancer dans la grande aventure.

Des faux vikings attaquent, brûlent la demeure du Comte et tuent sa femme. Parti à la pousuite du meneur de l'attaque, John le découvre à Camelot, à la cour du roi Arthur et découvre que ce n'est pas un viking, mais un sarrasin (!!)

S'ensuit une histoire de poursuites et vengeance où notre héros, vêtu d'une belle armure blanche et noire  (en fait plutôt blanche mais il se fera surnommer Le chevalier noir, sans doute pour tromper l'ennemi !) parcourt la campagne anglaise entre le château de sa belle et Camelot et se trouve même à Stonehenge, au milieu de druides illuminés.

On le comprend, tout ceci donne une histoire pleine de péripéties, agréables à suivre mais il faut bien le dire, assez confuses.


Le mélange entre glorieux chevaliers de la table ronde, méchants Cornouaillais, méchants sarrasins et méchants druides est assez inattendu. On apprend même ce que les druides faisaient à Stonehenge et comment le site a été détruit.

Les deux traîtres sont incarnés par Peter Cusching (en sarrasin) et par Patrick Troughton, alias Doctor Who n°2 (pour les fans), dans le rôle du Roi de Cornouailles. Tous deux semblent beaucoup s'amuser dans leurs rôles respectifs.

Un peu moins concerné par le film, Alan Ladd promène son visage poupin et son optimisme constant dans diverses scènes. Je le préfère quand même nettement dans ses rôles de westerns ( comme dans L'homme des vallées perdues) ou dans ses films noirs ( comme dans Tueur à gages ou Le dahlia bleu). De fait, l'acteur ne restera que 11 jours sur le tournage, laissant le soin à sa doublure de chevaucher en armure pour sauver la belle Patricia Medina et le trône du roi Arthur.

Quelques images le montrent cependant soulever son heaume pour observer ce qui se passe et montrer au spectateur son visage poupin. 

Le film a été tourné au Pays de Galles, notamment dans le château de Castel Coach et dans (ou devant) pas moins de douze châteaux en Espagne ( En Castille et dans la région de Madrid).

De nombreux accessoires et costumes ainsi que plusieurs scènes seront réutilisés en 1963 par Nathan Juran dans son film Le siège des saxons. L'acteur principal endossera même l'armure d'Alan Ladd (Quelle félonie !) tandis que l'interprète du rôle du roi Arthur revêtira les habits d'Anthony Bushell, interprète du rôle dans le film de Garnett (double félonie !).

Le serment du chevalier noir se suit donc avec plaisir comme l'on feuillette un joli livre d'images mais sans être à la hauteur d'Ivanohé, des Chevaliers de la Table ronde ou encore de Robin des bois.

Le lecteur me pardonnera donc, je l'espère, le ton plutôt ironique, de ma critique.



Forward march hare - "Ne prenez pas la vie trop au sérieux. Vous n'en sortirez jamais vivant"-Bugs Bunny

 Forward march hare - Court-métrage de Chuck Jones, 1952.

Bugs Bunny est un lapin hardi, farceur et ingénieux. Son bonheur est de rester tranquillement dans son terrier ou avachi dans l'herbe à grignoter des carottes. Toujours solitaire, il tient beaucoup à sa tranquilité mais est souvent la cible de chasseurs et bandits divers.

Il est le chef incontesté de la bande des toons de la Warner. Il apparait pour la première fois en 1938 sous le crayon de Ben Hardaway et Cal Dalton, aux côtés de Porky, autre personnage célèbre des Looney Tunes et des Merry melodies. Mais c'est Tex Avery qui développe le personnage, lui donne son nom et ses caractéristiques, dont sa fameuse phrase "What's up Doc ?" prononcée tranquillement par notre héros face à ses adversaires en pleine frénésie.

Les cartoons de Bunny sont basés sur une succession de scénettes qui constituent une avalanche de gags conduits à un rythme effréné. Tout doit en effet tenir dans une durée de 7 à 8 minutes, d'où la frénésie des personnages. Plusieurs centaines de courts-métrages seront ainsi réalisés, près de 200 dans sa période classique qui court jusqu'au milieu des années 60 puis un ensemble de séries dérivées mettant en scène les toons de la Warner.

Notre lapin est une vraie vedette, il a son étoile sur Hollywood Boulevard, il est le 1er toon à figurer sur un timbre poste et son personnage apparait à la fois au cinéma, en BD, dans des jeux vidéos et diverses créations artistiques.



Forward march hare fait sans doute partie des courts-métrages les plus réussis de notre lapin
héros. Se démarquant nettement des classiques basés principalement sur les poursuites et affrontements entre Bugs et son poursuivant (Elmer le chasseur ou Sam le pirate, le plus souvent), il plonge ici Bugs dans une suite de situations amusantes et étonnantes.
Alors qu'il fait tranquillement sa gymnastique du matin, Bugs Bunny reçoit une lettre adressée à un certain Bonny et atterrie par erreur dans son terrier. Il s'agit d'un avis d'incorporation à l'armée américaine. Bon patriote, notre lapin est ravi de pouvoir servir son pays et se rend au conseil de révision.


Comme Bugs a une très bonne vue (grâce à la quantités de carottes qu'il ingurgire, riches en béta-carotène ) et que l'état de son squelette est excellent (bien que la forme en soit un peu étrange lorsqu'il passe aux rayons X à la suite des autres soldats), il intègre donc l'armée.
Si certains s'étonneront vaguement qu'un lapin devienne soldat, son sergent chef ne s'apercevra que tardivement de la nature de Bugs dont il n'avait pas remarqué les grandes oreilles, cachées sous son casque.
On retiendra des gags excellents comme celui-ci où Bugs affublé d'un uniforme trop grand pour lui, d'un casque qui lui tombe sur les yeux et de grandes chaussures, fait tomber comme des quilles les soldats lors des manoeuvres...où encore lorsqu'il reçoit l'ordre de préparer les poulets pour le repas et qu'il habille ceux-ci en haut de forme, queue de pie et
monocle.....

Forward march hare fait partie de la série des courts-métrages de propagande; il a été réalisé en pleine guerre de Corée. Comme tel, il pourra irriter quelques grincheux. Bugs est patriote, fier de l'être et désireux d'aider son pays.
Difficile cependant de bouder son plaisir face à ce court-métrage plein d'inventivité, mettant en scène Bugs, au capital sympathie immense tant il respire la joie de vivre.

 Maciste à la Cour de Kublai Khan - Film de Riccardo Fredda, 1961.


Maciste Alla Corte Del Gran Khan – Poster MuseumLe personnage de Maciste a été créé en 1913 par Giovanne Pastrone, pour son film Cabiria, célèbre péplum du cinéma muet, co-signé par le poète Gabriele d’Annunzio, qui se serait attribué la paternité de l’histoire et de ses personnages. Le personnage du géant Maciste s’apparente à celui d’Ursus, le colosse qui protège Flavia dans Quo vadis.

Je soupçonne même Pastrone de s’être inspiré du roman d’ Henryk Sienkiewicz, puisque le personnage, comme dans Quo vadis protège et sauve une jeune fille promise au sacrifice – livrée au taureau parce que chrétienne dans Quo vadis, destinée à être brûlée pour le Dieu Moloch dans Cabiria-.

Maciste est un héros simple au cœur pur ; il ne ment jamais, ne commet aucune mauvaise action et a pour mission de détruire le mal où qu’il se trouve. Son origine est mystérieuse comme le prouve l’extrait ci-dessous, issu du film Maciste à la cour de Kublai Khan :
« -D’où Venez-vous ?
- Du bout du Monde.
- Qui êtes-vous ?
- Un ami ».
On n’en saura pas plus.
Dans l’histoire, les personnages le nommeront tout simplement « Le Géant ».


Dans les traductions anglaises, Maciste est traduit –et confondu – par Hercule, alors qu’il n’est pas fils de Zeus mais tout simplement humain, bien que ses exploits et ses voyages dans les diverses époques lui confèrent un aspect surnaturel, absent du personnage présenté dans Cabiria.
 Les titres des films de Maciste sont également traduits aux USA par Samson, qui rappelons-le est un héros biblique et même par Goliath également biblique mais du côté des méchants hittites et tué par la fronde du jeune futur Roi David.

Gordon SCOTT – intemporelMaciste apparaîtra dans toute une série de films, une cinquantaine environ de 1913 à 1974, bien que sa grande époque soit centrée sur les années 60. Le cinéma italien préférera ensuite se spécialiser dans le western, rendant hélas les péplums plus rares.

Maciste va ainsi voyager dans les siècles, rencontrant des personnages forts divers, issus d’autres fictions comme Tarzan ou Zorro, des personnages réels comme le comique Toto ou encore diverses civilisations comme les Mayas.
Il partira même en vacances – il les mérite-, deviendra chasseur alpin – je ne sais pas s’il aura alors le droit de garder son pagne-short -, deviendra médium – Maciste sait tout et voit tout, c’est certain -, jouera les Moïse dans une histoire de naufrage – Maciste sauvé des eaux- et aura même son film érotique dans le prometteur Les Exploits érotiques de Maciste dans l'Atlantide des Gloutonnes – tout un programme ! -.

Notre héros a été incarné par toute une série d’acteurs, choisis essentiellement pour leur physique et pas toujours pour leur talent d’acteur. 
Gordon Scott qui sera un des Tarzans les plus convaincants – notamment grâce au film le plus abouti de la saga La plus grande aventure de Tarzan -, est le plus célèbre interprète de Maciste, avec Mark Forrest.

Connaissant déjà l’acteur et rassurée par sa carrière passée, je me suis donc risquée à regarder mon 1er film sur Maciste, ayant écarté d’office certains titres dans lesquels je préfère ne pas me risquer.


Partout à l’aise bien que ne portant pas le costume local, Maciste a ici comme mission de combattre les méchants mongols et plus particulièrement Kublai Khan, qui a par traîtrise assassiné l’Empereur de Chine, afin de prendre sa place (Ne cherchons pas la réalité historique). 
L’ignominie du personnage n’ayant pas de limite – il fait torturer allègrement les rebelles qui lui tombent sous la main et organise d’intéressants spectacles d’exécutions -, il fait jeter dans un piège à lion le jeune héritier du trône et massacrer les femmes du couvent où s’est réfugiée la jeune princesse, afin de trouver celle-ci.
Surgissant d’un buisson, notre héros déploie aussitôt une grande activité pour sauver Prince, Princesse et population opprimée.


Le film surprend par ses décors somptueux de style chinois, un monastère, une grande porte et l’intérieur du palais. Ces décors sont en fait une réutilisation suite au film Marco Polo réalisé par Piero Pierotti et Hugo Fregonese en 1962. La nombreuse figuration a sans doute aussi être réembauchée.

Le film se déroule à un rythme effréné, plein de péripéties, pas toujours cohérent car on a droit à quelques raccourcis assez saisissants.

Soigneusement oint et épilé, Gordon Scott nous montre sa musculature parfaite dans quelques scènes choc : il déracine un arbre, strangule un lion en peluche et ouvre même le sol provoquant un séisme.

Le côté asiatique est principalement assuré par l’actrice japonaise Yoko Tani et par le toujours hiératique acteur sibérien Valery Inkijinoff qui reprend presque à l’identique son rôle de prêtre du Tigre du Bengale de Fritz Lang.

L’interprétation ne brille pas toujours par sa qualité. Les acteurs, Gordon en tête, ont l’air de bien s’amuser, notamment l’acteur italien Leonardo Severini - Kublai Khan – qui multiplie les tenues de diverses couleurs.
Le film maintient cependant l’intérêt grâce à ses multiples rebondissements, à la somptuosité des décors et au soin mis à la reconstitution. Un péplum à connaître.

Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

  Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011. On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais égal...