Hercule Poirot : «Je m’appelle Hercule Poirot, et je suis probablement le plus grand détective du monde.»

 Hercule Poirot, série d'ITV1, 1989



Hercule Poirot fait part
ie de l'imaginaire de tous les férus de littérature policière. Héros atypique, il se présente comme un petit homme au crâne en forme d'oeuf, doté de moustaches en croc et de yeux verts de chat, délicat et très cultivé. Plutôt imbu de lui-même mais ne manquant pas d'humour, il peut se montrer assez tyrannique envers son entourage mais il possède aussi un coeur sensible qui le pousse à s'intéresser aux malheurs des gens.

Modèle du "armchair detective", ce qui laisserait croire à un policier douillettement installé chez lui, à réfléchir, ou, comme le déclare le héros d'Agatha Christie, à faire fonctionner ses petites cellules grises, notre détective se trouve dans divers milieux - généralement bourgeois ou nobles - et voyage à travers l'Angleterre et dans divers pays - notamment l'Egypte et l'Irak -.

Rien ne lui plait davantage que d'étudier la psychologie des gens qu'il rencontre et de dénouer les mystères les plus sombres. Les énigmes décrites par Agatha Christie sont parfois assez complexes, voire  abracadabrantes. Essayer de résumer une énigme telle "1.2.3" est quasi impossible, sauf à avoir lu le roman et vu le téléfilm qui en a été tiré, plusieurs fois.

Après diverses péripéties et assassinats, notre héros réunit tous les protagonistes de l'histoire et, après avoir "passé chacun sur le grill" révèle le nom du coupable.

Hercule Poirot apparait ainsi dans 33 romans et 51 nouvelles, dont les parutions sont réparties

entre les années 20 et 75, ce qui donne une longévité plutôt exceptionnelle pour un personnage sensé être déjà d'âge mûr lors de sa première apparition, car retraité de la police belge. En réalité, plusieurs romans d'Agatha, écrits dans les années 30-40 seront publiés après sa mort.

La Mystérieuse affaire de Styles est le 1er roman policier d'Agatha Christie, issu de son expérience d'infirmière bénévole dans le Devon en 1914, où elle croise de nombreux réfugiés belges. Elle y étudie également la pharmacie ce qui lui permettra d'obtenir, outre son diplôme, une parfaite connaissance des remèdes et poisons divers; leur manipulation sera d'ailleurs au coeur de beaucoup de ses romans.

Après diverses adaptations et incarnations du personnage, le plus réussi - bien qu'éloigné physiquement du personnage-  restant Peter Ustinov, apparaît l'acteur idéal pour incarner le petit détective belge, David Suchet.

Acteur shakespearien, David Suchet d'intéresse très tôt à la télévision - à l'âge de 20 ans - tout en continuant une brillante carrière dans le théâtre classique anglais. il est présent dans de nombreuses séries et téléfilms des années 60 aux années 80. En 1985, trois ans avant d'incarner Hercule Poirot, il est l'Inspecteur Japp, face à Peter Ustinov, dans Le couteau sur la nuque.

La famille d'Agatha Christie l'ayant repéré, il est contacté en 1988 par les producteurs de la chaîne ITV pour tenir le rôle du détective dans une nouvelle série. Il interprétera Poirot pendant 24 ans.

Se coulant dans la peau du personnage, il dévore tous les romans d'Agatha Christie et les écrits sur le sujet et adopte les manies et attitudes de son personnage : la maniaquerie, la délicatesse, la démarche à pas comptés et le bon goût vestimentaire des gentlemen de

l'époque. 

Les somptueuses réalisations des premières saisons nous offrent une très belle reconstitution des années 20-30, des beaux manoirs aux immeubles cossus Art Déco. On remarque tout un luxe de détails des costumes raffinés, du mobilier et des décorations diverses. Les épisodes nous plongent dans l'ambiance des Années Folles puis nous amènent à la veille de la seconde guerre mondiale.

Tout ceci coûtant extrêmement cher à produire, la chaîne ITV finit, en 1993,   par renoncer à produire la série . Diverses sociétés de production se saisiront du projet, permettant  de réaliser de nombreux épisodes - de la saison 7 à la saison 13 - mais les styles sont alors très différents d'une histoire à l'autre, plongeant parfois le spectateur dans l'expectative comme le ton étrange et la caméra virevoltante de l'épisode " Les cinq petits cochons". 

On remarque aussi, à partie de la saison 9, un ton et des  images beaucoup plus sombres,

gommant totalement l'humour présent dans la série des saisons passées et notamment dans les relations d' Hercule Poirot, de son associé et ami Hastings, de sa secrétaire Miss Lemon et de l'Inspecteur Japp de Scotland yard.  De fait, ces trois personnages - et les trois acteurs qui les incarnent - disparaîtront jusqu'à la fin de la série - saison 13 - . Seul Hugh Fraser, dans le rôle du Capitaine Hastings sera présent dans un dernier épisode qui conclut avec tristesse l'histoire du détective, "Poirot quitte la scène". Les quatre interprètes se séparent avec regret.

Jusqu'à l'avant dernière saison, Roger Carel prête sa voix si reconnaissable au doublage de David Suchet. La modification du doublage choquera profondément les fans du détective. On sent la fin d'une époque avec le départ en retraite de Roger Carel..

La série Hercule Poirot, malgré des épisodes aux qualités parfois inégales dues aux différences de style et de réalisations ainsi qu'aux histoires plus ou moins élaborées, demeure une des plus belles réussites de la télévision anglaise, grâce à la somptuosité de la réalisation, à l'originalité des histoires d'Agatha Christie et au jeu de David Suchet, interprète parfait du petit détective belge.


Quelques uns des meilleurs épisodes :

- Mystère en mer (saison 1)  : énigme à bord d'un bateau de croisière puis dans la ville d'Alexandrie. Un épisode dépaysant, aux personnages originaux.

- Enigme à Rhodes (saison 1) : Encore un épisode dépaysant sur l'île de Rhodes où un couple se déchire jusqu'à ce qu'un meurtre soit commis et qu'un innocent soit arrêté.

- La mystérieuse affaire de Styles (saison 3) : Retrouvailles pendant la guerre de Poirot, réfugié dans le Devon et d'Hastings blessé au front et démobilisé. C'est là que tout commence avec une mystérieuse et tortueuse affaire d'empoisonnement.

- Christmas pudding (saison 3) : Hercule Poirot va passer les fêtes de Noël dans la belle villa d'un colonel en retraite. Un très bel épisode sur les traditions de Noël, bourré d'humour et de moments savoureux.


 - Un deux trois ( saison 4) : une des histoires les plus farfelues et invraisemblables. Le dentiste de Poirot est assassiné, une actrice prend la place d'une de ses amies, le coupable n'est pas celui que l'on croit...l'histoire est très compliquée mais c'est un régal.

- Le crime du golf (saison 6) : Un des meilleurs et des plus émouvants épisodes de toute la série. Le joli cadre de Deauville, une belle jeune femme dont Hastings tombe amoureux, une histoire rocambolesque ...encore une fois, un régal.

- Les vacances d'Hercule Poirot ou Meurtre au soleil (saison 8) : Un des épisodes les plus connus et une histoire des plus réussies. Meurtre dans une station du Devon, encore un joli cadre pour une histoire bien tournée.

- Mort sur le Nil (saison 9) : Un des romans les plus célèbres d'Agatha Christie et encore un beau voyage qui se termine mal pour notre héros. On y retrouve avec plaisir des visages bien connus comme James Fox, David Soul ou Emily Blunt.

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Dr Jerry et Mister Love : une délirante parodie

 Dr Jerry et Mister Love - Film de Jerry Lewis, 1963.

Si Jerry s'est parfois perdu dans des comédies assez puériles et aux gags un peu prévisibles, il exploite ici à fond son talent dans une délirante parodie du roman de Robert Louis Stevenson - Dr Jekyll et Mr Hyde -, histoire maintes fois adaptée au cinéma.
Son personnage de Docteur Jerry, souffreteux, bigle et à la dentition de lapin est irrésistible. Julius - baptisé Dr Jerry dans le titre français - est un professeur de chimie timide et épouvantablement maladroit. Il est le souffre-douleur d'un groupe d'étudiants et sa classe est un véritablement cauchemar entre étudiants moqueurs ou indifférents. Seule une ravissante jeune fille blonde, Stella, semble s'intéresser à lui.

Pour la séduire, le timide professeur va chercher à se métamorphoser, d'abord en homme athlétique puis ensuite, grâce à ses expériences de chimie, en un homme différent, son double séducteur mais peu sympathique.

Sa métamorphose en Mister Love, élégant et séduisant, est stupéfiante, Jerry compose une belle imitation - et parodie -, inspiré par son ancien partenaire, Dean Martin et par Franck Sinatra.
Certains critiques ont émis l'idée que Jerry réglait ainsi ses comptes avec Dean, quitté après plus de dix ans de collaboration sur scène, et à l'écran.




Quoi qu'il en soit, Dr Jerry nous offre surtout une illustration et parodie de son époque, de la vie des jeunes à l'Université, jeunes - pas très jeunes d'ailleurs dans le choix des acteurs, mais peut être font-ils de très longues études ! - qui semblent passer très peu de temps à étudier et plus à se retrouver en boites de nuits et des midinettes qui rêvent aux crooners de l'époque...

Le film est parsemé de gags excellents, Jerry incrusté dans le sol suite à une expérience de chimie désastreuse, le gag des haltères et surtout la délirante transformation façon Mr Hyde - un grand moment -. Sous l'oeil épouvanté de son mainate apprivoisé, le savant subit d'horribles tranformations qui le rapprochent d'un homme des cavernes monstrueux et le font passer par différentes teintes, le tout dans un mélange de couleurs répandues au sol et dans lesquelles il se roule, dans une souffrance extrême. Présentée dans un autre contexte, la scène pourrait être terrifiante, elle est ici hilarante, grâce au génie de Jerry.


Le film subit une perte de vitesse dans la seconde partie du film, beaucoup moins mémorable si ce n'est la transformation finale, mais l'histoire se suit avec intérêt.

Arrêtons-nous à présent sur la carrière des deux acteurs principaux du film :
Sans être une star de premier plan, Stella Stevens aura une très longue carrière principalement à la télévision durant cinq décennies. Sa dernière apparition date de 2009. On la retrouvera dans une multitude de séries et téléfilms - Bonanza, Magnum, Highlander....- et dans quelques films - Le bataillon des lâches, L'aventure du Poséidon, notamment-.

La carrière artistique de Jerry sera exceptionnellement longue, malgré de très longues périodes hors des scènes et studios puisqu'elle débute en 1931, où, à l'âge de 5 ans il monte pour la première fois sur scène avec ses parents et s'achève par une dernière apparition en 2016, dans le film "Le casse", réalisé par benjamin et Alex Brewer...soit 85 ans de carrière.

La "belle époque" de Jerry se situe dans les années 50 et 60, avec dans le courant des années 60, une baisse de popularité aux Etats-Unis, tandis que son affection par les européens ne cesse d'augmenter.
Son comique particulier, fait à la base de grimaces et de pantomines - héritage de ses jeunes débuts - ne fait en effet pas l'unanimité.


Le célèbre Directeur des studios MGM, Louis B. Mayer déclare même en découvrant le duo Lewis-Martin : "Le Rital est pas mal, mais qu'est-ce que je fais du singe? " (sympathique !). Leur rencontre avec le producteur Hal Wallis qui les fait engager à la Paramount décide du tournant de leur carrière.

Le duo va alors se déséquilibrer de plus en plus au fil des années. Angoissé et perfectionniste, Jerry, las de servir de faire-valoir au crooner, intervient davantage dans la production des films. Ses gags dévastateurs submergent le pauvre Dean qui a de plus en plus de mal, dans ses films, à aller au bout de sa chanson. Les deux compères se séparent alors pour mener chacun d'entre eux une brillante carrière.

Continuons à suivre celle de Jerry qui va tourner alors dans les années suivantes ses meilleurs films - "Le Kid en kimono", "Dr Jerry et Mister love", "Cendrillon aux grands pieds" ou encore "Le tombeur de ces dames" -, réalisés soit par lui-même, soit par Frank Tashlin.

Suite à un grave accident sur scène en 1965, il en ressort avec des sequelles et douleurs à la colonne vertébrale qui le rendent accro aux anti-douleurs et développent ses tendances suicidaires. Sa carrière sera désormais en dents de scie, avec des bons rôles comme dans "La valse des pantins" de Martin Scorsese, et des nanars, comme "Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir" de Philippe Clair.

Parallèlement, il s'occupe activement de la cause des enfants handicapés physiques et mentaux. Il crée ainsi, en 1966, le Téléthon, premier show télévisé au profit de l’association MDA, dévolue à la lutte contre les dystrophies musculaires. 

Il sera parrain du 1er Téléthon français en 1986.






L'acteur nous a laissé une impressionnante série de films, dont certains, méconnus, méritent d'être redécouverts - comme "Le déliquant involontaire" ( "The delicate delinquent" de Don McGuire ou encore Fais-moi peur ("Scared stiff" de George Marshall).


Critique de Fais-moi peur :


Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

  Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011. On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais égal...