Madame Bovary - Film de Vincente Minnelli, 1949.
Emma est une belle jeune fille rêveuse qui vit dans une sombre ferme avec son Père. Ses années passées au couvent lui ont permis d'apprendre l'art d'être une maîtresse de maison accomplie et elle attend le prince charmant qui viendra la sortir de sa vie terne et laborieuse pour lui offrir une vie de rêve.
Le prince charmant arrive un jour à cheval, comme dans les contes mais il n'est ni beau, ni riche et n'est qu'officier de santé, même pas un véritable Docteur (pense Emma).
Qu'importe, il sera celui qui l'emportera vers une nouvelle vie. Celle-ci commence donc dans une petite ville tranquille où Emma va rapidement s'ennuyer. Comment supporter ce qui est laid, triste ou commun et la routine quotidienne ?
Charles Bovary est un homme tranquille, heureux de sa vie, de son métier. Epoux fidèle et amoureux, il est un roc solide sur lequel Emma pourrait s'appuyer...mais il est trop commun pour elle.
La tentation surgit avec deux hommes, le jeune clerc de notaire, Léon et le bel aristocrate Rodolphe.
L'amour de Léon est léger, fugace car il rêve de partir faire sa vie à Paris. Rodolphe a tout du prince charmant. Beau et riche, il rencontre Emma lors d'un grand bal où celle-ci voit enfin se réaliser ses rêves.
Vêtue d'une robe somptueuse, radieuse, elle est entourée par un cercle d'admirateurs puis est entraînée dans une valse enivrante par un beau jeune homme.
L'histoire d'amour avec Rodolphe se poursuivra comme dans un rêve; les rendez-vous secrets ont lieu dans la campagne et Emma s'y rend à cheval, dans une belle tenue d'amazone.
Hélas, ce deuxième amour qui semble au début si passionné se heurte là encore à la réalité. A l'exaltation d'Emma se heurte l'égoïsme de Rodolphe, désireux de conserver sa tranquillité, quand elle rêve d'un enlèvement romantique.
Le film de Minnelli est la version la plus connue du roman de Gustave Flaubert. Si elle en suit plutôt bien l'histoire, elle adopte un ton plus romanesque et moins sordide.
On sent que Minnelli a, à dessein, ôté tous les aspects sordides de l'histoire, comme la scène de l'opération du pauvre commis, finissant en boucherie puis en amputation.
On est entraîné dans le rêve romanesque d'Emma, bien plus sympathique ici que la crispante héroïne du roman de Flaubert. Le choix de la belle et gracieuse Jennifer Jones y est certainement pour beaucoup.
Van Heflin est l'époux vers lequel va la sympathie du spectateur. Bien que passablement aveuglé par son amour pour Emma, il ne voit ni son infidélité ni les dépenses folles qu'elle fait pour ses robes somptueuses ou le beau cheval avec lequel elle va à ses rendez-vous secrets avec Rodolphe.
L'histoire est introduite et conclue par son auteur, Gustave Flaubert - interprété par James Mason- , qui défend son oeuvre dans une cour de justice en cette année 1856. La réalité rejoint ici le roman. La Revue de Paris fut en effet poursuivie pour avoir publié les deux premiers chapitres du roman, jugé comme « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes moeurs ». Appelé à la barre, l'auteur va ici défendre son oeuvre en nous présentant le personnage d'Emma et en nous racontant sa vie.
On retrouve la flamboyance des mises en scène du brillant Vincente Minnelli comme dans ses grandes fresques - La vie passionnée de Vincent Van Gogh, Celui par qui le scandale arrive, Les ensorcelés...- ou dans ses comédies musicales - Gigi, Tous en scène, Un américain à Paris - ...pour ne citer que ces titres.
La magnifique scène du bal est caractéristique de l'amour du Beau du réalisateur ... et de son héroïne.
La splendide musique de Miklós Rózsa et les mouvements de caméra semblent se mêler pour nous entraîner dans des mouvements de plus en plus vertigineux, accompagnant l'ivresse de la valse ressentie par Emma.
On retiendra aussi deux moments étonnants comme celui où le maître de maison ordonne aux serviteurs imperturbables de briser les vitres pour rafraîchir les danseurs. Toujours aussi dignes, les serviteurs s'exécutent en jetant des chaises à travers les fenêtres.
Autre moment qui vient rompre le romantisme de la scène, Charles ivre, appelle sa femme à grands cris et interrompt le couple en train de valser.
Ces deux moments illustrent bien combien les rêves d'Emma sont illusoires et se heurtent toujours à la réalité.
Le film de Minnelli entraîne ainsi le spectateur à suivre les rêves de son héroïne et à y compatir, le parti pris de le présenter à travers le récit de Gustave Flaubert permettant une certaine empathie vis-à-vis d'Emma. Un beau film qui fera sans doute paraître les autres adaptations, bien que souvent plus fidèles, beaucoup plus ternes.
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