Acteur des années 40-50 injustement oublié de nos jours, Robert Montgomery a mené une intéressante carrière devant et derrière la caméra. Surtout connu pour ses rôles dans diverses comédies, comme dans l’excellent film Le défunt récalcitrant (Here comes Mr Jordan), il démontre des talents dramatiques dans des films comme La proie du mort ou encore Big house.
Les années de guerre mettent un frein à sa carrière, il s‘éloigne des studios plusieurs années pour s’enrôler dans la Marine et atteindre un grade élevé. A son retour 4 ans plus tard, il va se lancer dans la réalisation, jouant souvent dans ses propres films.
En 1947, Il réalise un film audacieux, entièrement tourné en caméra subjective, La dame du lac où son personnage ne figurera que par l’intermédiaire de miroirs, reflets et ombres. Il réalise la même année Et tournent les chevaux de bois puis plusieurs films et reportages ayant la guerre pour thème – comme Les sacrifiés - avant de se tourner vers la télévision.
Et tournent les chevaux de bois – en anglais Ride the pink horse, bien que le noir et blanc nous empêche de juger de la variété des couleurs du manège - est adapté d’un roman policier de la journaliste et écrivain Dorothy Belle Hughes.
Il raconte l’histoire d’un mystérieux américain, Lucky Gagin, qui arrive dans la ville de San Pablo au Mexique, afin de retrouver un truand, Hugo. Ne pouvant trouver de place dans un hôtel à cause de la Fiesta qui se prépare, il erre dans les rues à la recherche d’un endroit où passer la nuit. Devant un manège de chevaux de bois, il rencontre une mystérieuse jeune fille, Pila, qui s’attache à ses pas. Il se lie également d’amitié avec le propriétaire du manège, Pancho, qui lui offre l’hospitalité de son maigre abri et de son manège.
Toujours à la recherche d’Hugo, Lucky retrouve sur son chemin Pila, dont le beau regard ne le quittera pas de tout le film. Aussitôt attachée à lui, elle va devenir son ange gardien.
Les motivations de Lucky se dévoileront au fil de l’histoire; se présentant d’abord comme un maître chanteur, il dévoilera par la suite des motifs plus nobles.
Ce personnage, joué par Robert Montgomery, est des plus intrigants. Homme froid et autoritaire, ses manières brusques ne suscitent pas d’emblée la sympathie du spectateur. Il sait pourtant, d’une parole ou d’un sourire, s’attirer l’amitié et l’intérêt. Lorsqu’au fil de l’histoire, la carapace de notre héros se fissure et qu’il montre sa vulnérabilité, le sentiment du spectateur se met à changer.
Héros plutôt atypique, Lucky sera en effet protégé et sauvé par trois personnages différents, qui, chacun dans son genre, seront pour lui de véritables anges gardiens.
Personnage truculent, alcoolique, aux démonstrations d’amitié débordantes, Pancho, propriétaire du manège de chevaux de bois, est prêt à se faire tuer plutôt que de dénoncer son nouvel ami. Thomas Gomez, qui interprète le rôle de Pancho, sera d’ailleurs nominé aux Oscars de 1948, pour son interprétation haute en couleurs.
Second personnage à montrer son attachement, la lumineuse Pila sauvera à plusieurs reprises Lucky. Wanda Hendrix, qui interprète Pila, fait preuve d’une grande présence à l’écran. Le jeune âge de l’actrice – 14 ans - et de son interprète – qui parait pourtant un peu sans âge – rend particulière sa relation avec Lucky. Même s’il ne s’agit pas d’une histoire d’amour puisqu’aucune parole ou aucun geste ne seront montrés, la tendresse de Pila se manifeste à plusieurs reprises notamment lorsqu’elle soigne Lucky gravement blessé.
On essaiera en vain de décrypter le regard de celui-ci ; on verra juste une expression d’émerveillement à la vue de Pila, soigneusement coiffée et vêtue de sa plus belle robe après qu’il lui a donné un billet « pour te payer le coiffeur et t’habiller un peu mieux, pour avoir l’air un peu humaine « (sympathique !).
Dernier personnage à suivre et à aider également notre héros malchanceux, Retz, agent du FBI, veut également mettre la main sur Hugo. Si ses motivations sont plus professionnelles qu’amicales, il se montrera assez paternel pour sortir notre héros des ennuis dans lesquels il se précipite.
Personnage au départ solitaire et qui semble vouloir le rester, Lucky va ainsi devoir accepter la présence et le soutien de chacun de ces personnages.
Le film a été tourné en partie à Santa-Fé au Nouveau-Mexique ; ceci permet la participation des habitants du lieu et la mise en scène d’une fiesta « the burning of Zozobra » - Zozobra étant le symbole de la tristesse ( le mot signifie inquiétude/anxiété en espagnol ), qui part en fumée lors de la Fiesta annuelle de Santa Fé. En mettant le feu à une marionnette géante, les habitants déposent à ses pieds une boîte noire contenant des papiers où ils ont écrit leurs sources d'ennuis et de tristesse ainsi que des documents divers
Tandis que Zozobra est en feu, Lucky se débarasse symboliquement du mystérieux document qu'il transportait avec lui tandis que ressurgit son traumatisme de guerre.
Ce cadre inhabituel confère une véracité et une atmosphère particulière . Le film est assez lent dans sa première partie, le personnage principal semble errer dans un monde un peu onirique, perdu dans un pays étranger, à la rencontre de personnages pittoresques. On sent le soin apporté par Robert Mongomery Réalisateur aux plans et éclairages, destinés à intensifier cette atmosphère. La seconde partie du film, où Lucky est traqué par les malfrats retrouve le rythme et le ton des films noirs.
Un très bon film à découvrir sans hésitation.
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Autres films de Robert Montgomery à découvrir:
La proie du mort
Le défunt récalcitrant
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