Le Noël des Muppets : "j'adore ces fêtes de Noël annuelles. Je les aime tellement que je pense que nous les organiserons deux fois par an !"

Le Noël des Muppets - Film de Brian Henson, 1992.


L'approche de Noël est le moment idéal pour se replonger dans les diverses adaptations de l'histoire qui incarne sans doute le plus ( La bible exceptée !) cette période consacrée (normalement !) à la paix et à la fraternité en cette nuit de la Nativité, le roman Christmas Carol de Charles Dickens. 

Parmi les multiples réalisations sur le sujet, la version Muppets mérite que l'on s'y intéresse, malgré l'appréhension que l'on peut ressentir à imaginer les personnages loufoques des Muppets s'emparer de l'histoire de Dickens.

Après la mort de Jim Henson, créateur des Muppets, c'est son fils Brian qui va approcher la Compagnie Disney pour proposer une adaptation de Christmas Carol. La question de savoir qui incarnera Scrooge est centrale . Après avoir envisagé Bob Hoskins, Peter O'Toole et Jack Lemon (ce dernier ayant déclaré qu'il voulait jouer Kermit !), le rôle sera attribué à Michael Caine.

L'acteur britannique à l'immense carrière voulait depuis longtemps faire un spectacle auprès des Muppets; il aurait déclaré à Brian Henson :"Je vais jouer Scrooge comme si j'étais avec la Royal Shakespeare Company. A aucun moment je n'agirai comme une marionnette ou face à des marionnettes".


Il réussit ainsi à être, selon moi, l'une des meilleures interprétations du personnage. Un personnage, d'abord très méchant, mais qui devient assez rapidement sympathique, participant volontiers à la découverte des Noëls passés et présents. Dans les diverses et nombreuses adaptations que j'ai pu voir, c'est sans doute une de celles où la métamorphose de Scrooge est la plus rapide.


Mêlant de façon intelligente humains et marionnettes, tout un petit monde s'anime dans les rues de Londres. L'ouverture est un régal, même les salades et autres légumes se mettent à chanter sur la charrette d'un vendeur de rues tandis que les souris mendient un bout de fromage et que les chanteurs de rues entonnent une chanson de présentation du personnage de Scrooge.

Le vieil avare exerce le peu glorieux métier d'usurier, prêtant à des taux indécents à des pauvres gens qui, faute souvent de pouvoir rembourser, se retrouvent à la rue. Ses employés travaillent dans une boutique glaciale ("je baisse, j'éteins, je décale" avant l'heure) faisant les comptes et rédigeant les nombreux avis d'expulsion des locataires. 

L'arrivée du rayonnant Fred, venu souhaiter à son Oncle un Joyeux Noël et l'invitant comme chaque année à la fête, puis celle très humble de deux gentlemen Muppets venu quêter pour les pauvres, sont parmi les épisodes les plus fameux du roman. Ils sont scrupuleusement respectés et le dialogue est dit mot pour mot.  


Laissant ses employés faire joyeusement la fermeture de la boutique, Scrooge retourne dans sa lugubre maison où il voit bientôt apparaître les fantômes de ses associés venus l'avertir que, faute de changer radicalement de vie, il est promis à sa mort à une grande souffrance, enchaîné et tourmenté par ses fautes. Seule la visite de trois fantômes peut le conduire à la rédemption, s'il accepte de les écouter. 

Alors que le choix aurait pu être fait de presenter avec les Muppets une version décalée et empreinte de folie, la réalisation a choisi le respect de l'œuvre de Dickens. 

L'impression aurait certes été très différente si Scrooge 
avait été incarné par un Muppet! 
Ici on retrouve tout le déroulement des scènes du roman de Dickens et une grande partie des dialogues, souvent cités mot pour mot. 

Les intermèdes comiques, pas vraiment utiles parfois, sont assurés par Gonzo l'oiseau (enfin, par vraiment !) et son acolyte le rat Rizzo auxquels il arrive de nombreuses mésaventures tandis qu'ils suivent les diverses aventures de Scrooge...mais les personnages et leurs répliques humoristiques savent aussi s'effacer devant les moments émouvants et dramatiques comme lors de l'épisode de la rencontre avec le Noël futur. 
Celle-ci commence d'ailleurs de façon peu encourageante dans un cimetiere face à un fantôme enveloppé de sombre et au visage, s'il y en a un (brrr....), caché dans une grande capuche. 

On se trouve ému par le triste sort du petit Tiny, incarné ici par un bébé grenouille. On rit au personnage de Mrs Cratchit, interprétée avec sa verve habituelle par Miss Piggy la cochonne et on accompagne avec bonheur un Scrooge métamorphosé à la rencontre des divers personnages de l'histoire auxquels il va prodiguer cadeaux et bienfaits.

Les chansons accompagnant l'histoire sont de qualité. Kermit chante en rentrant chez lui dans les rues de Londres, soudain éclairé par une étoile filante, hommage ultime au créateur des Muppets, Jim Henson. On notera la prouesse technique d'animation du personnage qui apparait ici en entier, comme dans l'image emblématique du roman, Bob rentrant de la messe, avec Tiny Tim sur ses épaules. Dix marionnettistes ont été nécessaires pour créer cette animation et tous les plans de rue ont demandé des sols surélevés afin que les techniciens puissent par dessous manipuler les personnages. 

Les scènes mélangeant ainsi humains et Muppets sont fort réussies et on prend plaisir à reconnaître tout un ensemble de Muppets, nous offrant une version colorée, tour à tour drôle et touchante de la très belle histoire de Dickens.

Joyeux Noël à tous ! 

Frontispiece to Charles Dickens' A Christmas Carol, hand painted illustration by John Leech, 1843 Chapman & Hal Edition


Indian Palace : Hommage à Maggie Smith

Indian Palace - Film de John Madden, 2011. 

Lorsque l'on regarde la longue filmographie de Maggie Smith, on s'aperçoit qu'elle a accompagné de nombreuses découvertes de bons et/ou grands moments de cinéma.  Pour les jeunes qui ont grandi avec Harry Potter, c'est bien sûr la sévère mais juste Directrice de l'Ecole de Poudlard dans la saga Harry Potter mais ses rôles multiples nous ramènent bien sûr bien plus loin.

Dans Les belles années de Miss Brodie, 1969.
Accompagnant son époque, sans mentir sur son âge et n'hésitant pas à s'enlaidir au besoin, depuis le jeune professeur des Belles années de Miss Brodie jusqu'à la Comtesse douairière de Downton Abbay, elle a incarné toute une série de personnages avec une prédilection pour ceux de directrice, gouvernante ou professeur, souvent rigide et à cheval sur les principes, mais cachant souvent une grande humanité.


Dans Othello, version filmée avec Laurence Olivier en 1965
Mais Maggie Smith, pour le monde de l'art, c'est bien plus que cela avec une carrière tout d'abord théâtrale des plus prestigieuses, comme seuls les anglais peuvent la connaître lorsque l'on est actrice shakespearienne et que l'on travaille avec des monstres sacrés comme Orson Welles ou Laurence Olivier. Elle sera Desdémone dans Othello auprès de Laurence Olivier, Lady MacBeth dans la pièce du même nom puis interprétera d'autres rôle fameux des pièces de Tchekhov, Noël Coward ou Oscar Wilde.

Au cinéma, Maggie Smith fait partie des piliers et on la retrouve en 2011, dans un film de John Madden ( réalisateur entre autres de La dame de Windsor et de Shakespeare in love), aux côtés d'une brochette de vétérans du cinéma - et du théâtre - dont Judi Dench ( avec laquelle elle a joué plusieurs fois), Tom Wilkinson et Bill Nighy.

Indian Palace présente un ensemble de  personnages, dont chacun se trouve à un tournant de sa vie et s'interroge : une veuve qui va être contrainte, par la mort de son mari, de vendre sa maison, un juge en retraite anticipée, un vieux beau qui veut encore séduire et qui ment sur son âge, un couple à la dérive, une femme à la recherche d'un riche amant et une vieille dame acariâtre qui doit se faire opérer de la hanche. Séduits par une publicité vantant les charmes d'un palace indien destiné à l'accueil des retraités, nos personnages vont prendre leur billet et se retrouver dans le même avion en partance pour Jaipur.


Dès leur arrivée à l'aéroport, ils sont saisis par la frénésie de la grande ville, rues et cars bondés et dans un monde coloré et actif qui les plonge d'abord dans la stupeur. A leur arrivée au Palace, cruelle déception malgré l'accueil lyrique du jeune gérant Sonny, véritable moulin à paroles et tout heureux d'accueillir ses hôtes. Il reconnait bien sûr que sa brochure publicitaire était un peu optimiste et de fait le palace n'est plus que l'ombre de lui-même et les clients, excepté notre "septuor", ont déserté depuis bien longtemps. 

Chacun va alors à sa manière découvrir le pays, l'épouse affolée par tant d'activité se confine dans sa chambre tandis que son époux part à la découverte de la ville, le juge enquête sur les traces de son passé à la recherche d'un amour perdu, Maggie Smith en fauteuil roulant subit une lente métamorphose au contact d'une famille d'intouchables tandis que Judi Dench, contrainte de travailler dans un centre d'appels téléphoniques pour payer son séjour devient la chroniqueuse de l'histoire.


Côté indien et jeune génération, pour ceux qui s'inquiéteraient de voir uniquement un film de "vieux", Dev Patel - le jeune interprète de Slumdog millionnaire , film sur un jeune indien des bidonvilles de Juhu qui devient finaliste à l'émission "Qui veut gagner des millions ? -  et Tena Desae - célèbre mannequin - jouent le jeune gérant de l'hôtel et sa fiancée. Leur histoire d'amour contrariée face à la mère sévère de Sonny et au frère sérieux de Sunaina constitue le côté humoristique du film tandis que les critiques acerbes du personnage joué par Maggie Smith et les situations et rencontres inattendues vécues par nos retraités donnent un humour plus subtil à l'ensemble.

La nostalgie domine parfois mais le film a clairement pour but de donner un côté optimiste face au temps qui passe, en montrant que rien n'est définitif. Une vieille femme aigrie peut se lancer dans un nouveau projet et s'ouvrir aux autres, de nouveaux couples peuvent se former et surtout un vieux palace délabré peut revivre à nouveau.

Tourné dans la région de Jaipur au Rajastan et dans l'ancien palais royal du 17e siècle, Ravla Khempur, qui figurera l'hôtel du titre, le film offre une belle échappée en Inde, évitant le côté carte postale pour s'attacher à la ville et à ses habitants. J'ai regretté pour ma part de ne pas voir eu une meilleure vue d'ensemble du palais mais seulement des bribes au fil des scènes. Un film qui est donc à déguster pour le charme des lieux et le plaisir de retrouver une belle brochette d'acteurs qui semblent prendre beaucoup de plaisir à jouer ensemble.

Le 27 septembre 2024, Maggie Smith tire donc sa révérence après une vie et carrière bien fournies. Le monde lui rend hommage de diverses manières, les fans de Harry Potter se rendent devant la réplique du château de Poudlard aux studios Universal, en Floride, et lèvent vers le ciel leurs baguettes en hommage à la Directrice de l'école des sorciers tandis que Londres pare plusieurs de ses monuments de violet, hommage à son personnage de Violet dans Downton Abbey. Deux belles initiatives !

Dans Harry Potter à l'Ecole des sorciers, 2001.

 

 



Christine : Rencontre explosive sur le tournage d'un film romantique

Christine, - Film de Pierre Gaspard-Huit, 1958.

Ils sont beaux, ils sont jeunes et ils ont vingt ans. Romy et Alain se rencontrent sur le
tournage du film de Pierre Gaspard-Huit. Romy, déjà très connue veut se débarasser de son image de Sissi, lui est un jeune premier plutôt arrogant, leur rencontre sera explosive mais restera à jamais gravée sur la pellicule.

Dans le film Christine, Romy Schneider reprend le rôle tenu par sa mère Magda dans la précédente version de l'histoire Liebelei, tournée vingt cinq ans plus tôt par Max Ophüls. Beaucoup jugent cette version supérieure à celle de Gaspard-Huit mais il y manque la couleur et un couple d'acteurs mythiques.

La version de Max Ophüls, 1935


Beau comme un livre d'images, le film nous entraîne à Vienne en 1906. Un jeune et beau lieutenant du 1er Régiment des Dragons, Franz Lobheiner rencontre un jour une belle et pure jeune fille Christine, qu'il va courtiser par jeu.

Lassé de sa liaison avec une baronne possessive (interprétée par Micheline Presle, toujours excellente dans les rôles de pestes), le jeune homme trouve un dérivatif dans ses rencontres avec la jolie Christine qui tombe bien vite amoureuse de lui.

Certains esprits chagrins dont je ne suis pas pourront qualifier Christine "d'opérette viennoise" malgré son dénouement tragique. De fait, tout ce joli monde semble vivre dans un monde charmant et oisif, beau et coloré, dans une succession de bals, de picnics et de promenades.

Gilberte Aubry double une nouvelle fois Romy, ce qui permet à celle-ci de continuer à répéter Franz d'une voix douce et roucoulante comme dans Sissi où son amoureux était Frantz (cette fois avec un t supplémentaire), l'Empereur d'Autriche François-Joseph.

Mais le joli livre d'images va basculer peu à peu dans le drame, ce qui donne d'ailleurs plus d'intérêt au film.

C'est Romy, célèbre pour les onze films qu'elle avait déjà tournés , qui choisira sur photo
Alain Delon comme partenaire. Après une rencontre orchestrée à l'aéroport d'Orly par la production, les deux acteurs auront un début de relation assez houleux, Romy trouvant Alain trop désinvolte et lui la trouvant capricieuse et ennuyeuse. Au fil du tournage, ils deviendront de plus en plus complices et leur histoire se transforme en histoire d'amour. Les deux acteurs se fianceront ainsi à la fin du film après un tournage romantique comme leur histoire, et s'installent à Paris. Leur liaison durera cinq ans mais leur amour ne s'effacera jamais.


Tourné à Vienne, à Versailles et dans le parc du Château de Franzensbourg (encore un Franz) dans le Laxenburg, Christine est un film pour les âmes romantiques qui se suit sans ennui avec un rythme un peu lent, mais comment ne pas être remués par le jeu touchant de Romy Schneider et par la beauté d'Alain Delon.

... et c'est l''occasion pour moi de faire ici une critique très romantique et fleur bleue !

Monsieur Léon : Le grand-père tranquille sous l'Occupation

Monsieur Léon  - Film de Pierre Boutron, 2003 


Les thèmes de la seconde guerre mondiale vue à travers les yeux d'un enfant et celui du "père tranquille" cachant ses activités de résistance sous une collaboration plus ou moins poussée ont été traités à de nombreuses reprises par le cinéma français. 

On pensera ainsi au film classique de René Clément, Le Père tranquille, sorti au lendemain de la fin de la guerre, en 1946, où un tranquille père de famille cache en fait à son entourage son identité de chef d'un réseau de résistants. Quelques années plus tard, des réalisations comme Monsieur Batignole de Gérard Jugnot ou encore, dans un style différent, Papy fait de la résistance de Jean-Marie Poiré, aborderont le thème de la vie des familles françaises durant l'Occupation. On pourra enfin mentionner les nombreux films sur la Résistance qui ont constitué cette part du cinéma français sur une époque douloureuse et combien clivante pour les français eux-mêmes.


Le thème de Monsieur Léon, téléfilm de Pierre Boutron, est celui d'un petit garçon au caractère bien trempé, Yvon, qui vient rendre visite à son grand-père qu'il ne connait pas, accompagné de sa mère, Irène. Léon Chapuis est un vieux médecin bourru qui affiche ses opinions pétainistes et a ses entrées à la Kommandatur locale d'une petite ville de Dordogne. Il en soigne en effet le commandant.

Irène confie Yvon à son grand-père afin de partir chercher un travail - en fait pour rejoindre un réseau de résistants-. Le petit garçon, resté avec le vieux médecin, se heurte aussitôt à celui-ci, le méprisant pour ses propos et son comportement de collaborateur. Le film décrit ainsi comment grand-père et petit-fils vont apprendre à se connaître et à s'apprivoiser, le vieux bourru n'étant bien entendu pas celui qu'il semble être.

Le rôle du vieux médecin est joué par Michel Serrault que l'on retrouve ici dans son avant dernier rôle, sous la réalisation de Pierre Boutron qui avait déjà travaillé avec lui sur L'affaire Dominici trois ans plus tôt. Désirant renouer cette collaboration, Boutron écrit alors le scénario de Monsieur Léon et rappelle Michel Serrault pour jouer le rôle titre. Ce dernier y est excellent comme d'habitude.

On retrouve aussi, dans le rôle d'Irène, la belle Florence Pernel qui rappellera à beaucoup la grande époque des feuilletons de l'été et des mini séries souvent à caractère historiques. On pourra citer la saga familiale Jalna, Les Steenford maîtres de l'orge, Lagadère ou, plus récemment la série Crime à...

Quant à Yvon, il est interprété par un formidable Arthur Vaughan-Whitehead, qui à 8 ans, joue de façon très adulte et qui fait merveille dans son duo avec Michel Serrault.

On pourra reprocher au film un côté très manichéen dans sa présentation de la population française sous l'occupation, divisant la quasi totalité des personnages présentés entre résistants et collaborateurs avec une certaine lourdeur dans le propos. Le film n'évite pas non plus les invraisemblances comme le petit Yvon se promenant librement dans la kommandatur après y avoir accompagné son grand-père et assistant ainsi d'une fenêtre à l'exécution d'un groupe de prisonniers ou encore la fin que je vous laisse découvrir.

Le film est cependant à voir pour la belle interprétation des deux personnages principaux et sa minutieuse reconstitution d'une ville de province pendant la guerre. Le film a été tourné dans la région de Bordeaux

Citons enfin pour finir la très belle musique du couple de compositeurs symphonistes Jean-Claude et Angélique Nachon, qui accompagne le film en crescendo jusqu'à un final très émouvant.

Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

 Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011.

On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais également à travers la belle série de documentaires, Voyage avec Martin Scorses à travers le cinéma américain puis Voyage avec Martin Scorsese au coeur du cinéma italien.

Il s'intéresse ici aux débuts du cinéma à travers un hommage à l'un de ses célèbres précurseurs, Georges Méliès, créateur des premiers trucages et du premier studio de tournage français. C'est en voyant les premiers films tournés par les Frères Lumière que Méliès, prestidigitateur et Directeur du Théatre Robert Houdin, décide de mettre ses talents d'illusioniste au profit de cette nouvelle invention et de tourner, non plus seulement des scènes de la vie réelle, mais des fictions. Il tournera ainsi plus de 500 films, alternant scénettes et films extravagants où il donne libre cours à ses talents de magicien, au milieu de décors féériques. Les titres sont d'ailleurs très évocateurs comme le montrent ces quelques exemples : L'illusioniste double et la tête vivante, La danseuse microscopique, Sorcellerie culinaire, Le chevalier démontable et le Général Boum....

Méliès devant sa boutique -  vers 1930 - Cinémathèque française
L'oeuvre de Meliès sera hélas pillée, de nombreuses contrefaçons vont circuler aux Etats Unis. De procès en gestion hasardeuse de sa société cinématographique, Mèlies est ruiné et décide d'abandonner le cinéma.

Devenu un modeste vendeur de jouets à la Gare Montparnasse, il est redécouvert par le Rédacteur en chef de la revue  Ciné-journal qui le sort de l'ombre et fait reconnaitre son génie. Les  hommages vont alors se succéder permettant au cinéaste, après tant de désilusion, de voir son travail reconnu. Il terminera sa vie au chateau d'Orly, maison de retraite de la Mutuelle du Cinéma

Méliès version Ben Kingsley

Le film de Scorsese s'attache à la dernière partie de la vie du cinéaste, à travers le regard d'un petit garçon qui vit dans la Gare Montparnasse où il entretient en secret les horloges, s'étant retrouvé seul suite à la mort successive de son père et de son oncle.

Pour seul héritage de son père, Hugo possède un étonnant automate qui sait écrire et qui détient un secret non encore révélé. Afin de réparer le mécanisme, Hugo dérobe des petites pièces mécaniques, notamment à la boutique de jouets de la gare. Il est un jour attrapé par le propriétaire de la boutique alors qu'il veut voler un petit mécanisme de jouet mécanique. Hugo découvre alors qu'un lien mystérieux existe entre cet homme et le secret de son automate. 


Le film se déroule en deux parties assez distinctes, la première basée sur la recherche du secret légué par le Père d'Hugo à celui-ci puis la révélation de l'identité du propriétaire de la boutique qui n'est autre, on s'en doute assez vite, que Georges Méliès. On assiste alors à la résurrection de celui-ci par le récit de son histoire puis par son retour au cinéma. Cette seconde partie est un vibrant hommage à la création du cinéma et à la magie créée par celui-ci.

Les allusions sont nombreuses, depuis l'évocation du Voyage dans la lune, son oeuvre majeure, jusqu'à l'arrivée du train en gare ou encore les décors féériques créés pour les inombrables films de Méliès.

Le décor imaginé pour le film est de toute beauté. Une reconstitution en stuc d'une gare des années 20 figurant la Gare Montparnasse, un gigantesque décor de mécanismes d'horlogerie et la mise en scène de la vie trépidante qui s'y déroule, ont été réalisés. 

Tout un petit monde s'y agite, des voyageurs pressés aux petits métiers qui y résident. 

Côté interprétation, on retiendra bien sûr les deux personnages principaux, Hugo et Méliés. Grand regard bleu et joli visage sérieux, Asa Butterfield campe un Hugo attachant tandis que Ben Kingsley, après avoir accompli le prodige, il y a 30 ans de ressembler a Gandhi, offre un Méliès des plus convaincants.

J'ai par contre peu accroché au personnage joué par Sacha Cohen Baron, l'Inspecteur Gustave, vétéran de la Grande Guerre, qui parcourt la gare à la poursuite des petits voleurs. Beaucoup trop présent dans la première partie du film, il est vraisemblablement destiné au public enfantin et à la mise en avant des effets de la 3 D, comme lors de l'accident de train. 

Ces effets sont par ailleurs des plus réussis et sans multiplier les effets percutants, sauf dans le cas cité, nous font plonger dans un monde d'horlogerie, de rouages et de mécanismes des plus fascinants, le tout baignant dans une belle luminosité.

On pourra reprocher au film de vouloir viser deux publics distincts et comme tel, de ne pas satisfaire totalement chacun des deux. Le public plus enfantin suivra Hugo et sa petite compagne Isabelle, essayant à la fois d'échapper au féroce Inspecteur et à son chien non moins féroce, et de découvrir le secret de l'automate. 

Le public amateur de cinéma s'émerveillera de découvrir l'histoire des débuts du cinéma telle que la découvre les deux enfants à travers leurs recherches et suivra le destin de Méliès à travers de nombreux petits extraits de films.


La dernière demi-heure est à ce niveau passionnante, nous permettant de feuilleter comme un livre d'images les films, trucages et décors du pionnier des effets spéciaux.

"Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"Georges Méliès, 


Quelques dessins de Méliès - Source Cinéressources.net









Les dix commandements - Film de Cecil B. De Mille, 1956

 Les dix commandements - Film de Cecil B. De Mille, 1956



Film biblique par définition, "Les dix commandements" illustre le livre de l'Exode de la Bible. A l'heure où, à travers le Monde, de nombreux pays célèbrent Pâques dans un contexte particulier et douloureux, il raconte l'histoire d'un peuple libéré de l'esclavage pour aller vers la Terre promise.
"Les dix commandements" se veut aussi un message d'espoir vers un monde meilleur, vers une libération qui sera atteinte au prix de grands sacrifices et au terme d'un long chemin.



Quand Cecil B. De Mille s'attaque à cette oeuvre gigantesque, il entend surpasser ses réalisations passées du genre, notamment sa première version des "Dix commandements", réalisée du temps du muet, en 1923. D'une durée déjà importante de 136 minutes, elle se découpait en deux parties - comme d'autres films du genre -, une partie biblique et une autre, plus conséquente, se déroulant dans les années 20, afin de faire un parallèle avec le message biblique. 2 500 figurants sont dirigés par Cecil B. De Mille - il en dirigera 10 000 en 1932 dans Le signe de la croix- et 10 à 15 000 - selon les sources très variables - pour The Ten commandments version 1956.

Charlton Heston as Moses and John Derek as Joshua in The Ten ...Pour réaliser ce remake, le réalisateur choisit de supprimer la partie contemporaine jugée inutile et trop longue pour se consacrer exclusivement à l'histoire de Moïse, bien que le film se sépare également en deux parties. La première, fortement romancée, inspirée de plusieurs romans mettant en scène Moïse, notamment Le prince d'Egypte de Dorothy Clarke Wilson, se centre sur la jeunesse de notre héros, sa vie comme prince généreux et aimé des opprimés, sa rivalité avec son frère Ramsès et son amour pour la belle Néfertari.


Cette partie, glamour et des plus hollywoodiennes glorifie la présence et la beauté de ses interprètes - Charlton Heston, Yul Brynner, Anne Baxter, John Derek et Debra Paget - et comporte plusieurs morceaux de bravoure comme la construction de la Cité à la gloire de Pharaon avec son gigantesque obélisque, tracté et érigé par une myriade d'esclaves ou le retour triomphant du Prince d'Egypte.

Le départ de Moïse dans le désert et sa rencontre avec Yahvé par l'intermédiaire du buisson ardent marquent le tournant du film. 

Le héros de péplum se tranforme en prophète, il en prend la barbe et la chevelure neigeuse. Au fil de l'histoire et des années qui passent, il se rapprochera de plus en plus de la figure de Moïse telle qu'elle est représentée - et imaginée -, notamment à travers la statue sculptée par Michel Ange en 1515, qui se trouve dans la Basilique Saint-Pierre-aux-Liens de Rome.
Ce serait d'ailleurs la comparaison de la statue avec le visage de Charlton Heston qui aurait décidé Ceci B. De Mille à retenir l'acteur pour ce rôle.



Pouvant sembler parfois un peu pesant, le film de Cecil B. de Mille souffre il est vrai de l'héritage du muet qui se sent dans un jeu assez théâtral, un souci de certaines poses étudiées, aspects surtout visibles dans la première partie du film.
On sent aussi la volonté de transformer certains plans en réels tableaux bibliques, notamment lors de la scène du passage de la mer Rouge. Gigantesque, magnifique, Charlton Heston étend ses grands bras, pour commander aux flots, inspiré par Dieu, et guider le peuple apeuré.



Image associéeLe trucage demeure toujours aussi impressionnant. De l'eau se déverse d'immenses réservoirs, les couleurs chatoyantes frappent les yeux. Les images semblables à des tableaux se multiplient, comme celle des trois jeunes femmes, cheveux aux vent, en pose d'implorantes sous un ciel noir d'orage.
La somptueuse partition musicale d'Elmer Bernstein accompagne ce moment grandiose.



LES DIX COMMANDEMENTS "LA TRAHISON DE MEMNET" 1956On retient aussi du film des moments plus calmes et combien évocateurs comme celle où Fraser Clarke Heston, fils de Charlton Heston, dans le rôle de Moïse Bébé, déposé dans un berceau d'osier vogue sur le Nil pour finalement être recueilli par la fille de Pharaon qui l'élèvera comme un prince, ou encore l'ascension du Mont Sinai par Moïse devenu berger, attiré par un mystérieux buisson qui brûle sans se consumer.

D'autres instants réussis frappent les esprits, comme l'évocation des dix plaies d'Egypte, pour lesquelles les concepteurs d'effets spéciaux ont rivalisé d'imagination, fumée verte évoquant la pestilence, pop corns peints en blanc déversés sur les acteurs pour figurer la grêle. Le tout est des plus réussis, replacé bien entendu dans le contexte de l'époque.

Le film remportera d'ailleurs son seul oscar - il avait été nominé sept fois - pour ses effets spéciaux.


Monument du cinéma américain, "Les dix commandements" résume à lui seul l'histoire du cinéma américain de l'époque en réunissant un casting de rêve, en jouant sur le gigantisme des décors et la force dramatique de l'interprétation.
Quel bonheur de penser que le meilleur restait encore à venir, trois ans après, avec "Ben Hur", qui proposera un film dépouillé de l'aspect théâtral que l'on peut reprocher aux "Dix Commandements" pour un ton plus profond et un jeu plus naturel, porté une nouvelle fois par un formidable Charlton Heston.




"Les dix commandements" fera l'objet de plusieurs autres adaptations en film, téléfilm, dessin animé et comédie musicale. Mentionnons notamment le très réussi - sans avoir le grandiose du film de 56 - téléfilm de 1996, de Robert Young, "Moïse", issu d'une série de téléfilms de qualité retraçant les grandes histoires de la Bible. Ben Kingsley y incarne un Moïse des plus convaincants et les moyens sont dignes d'une superproduction.


Gigantesque production de l'âge d'or hollywoodien, "Les dix commandements" garde toute sa force d'évocation à travers 3h40 grandioses, qui en mettent plein les yeux. 

Bonnes Fêtes de Pâques à tous.

Mulan : Aux origines du conte traditionnel

Mulan - Film de Niki Caro, 2020.


Pour beaucoup de personnes, Mulan, c'est avant tout un dessin animé réalisé par la firme Disney en 1998,  présentant un nouveau personnage dans la longue série des "princesses Disney", bien que celle-ci n'en soit pas une au sens strict du terme mais seulement une héroïne à laquelle les jeunes spectatrices pourrront s'identifier.
Lorsqu'en 2015, Walt Disney Pictures annonce le remake en prises de vues réelles de son célèbre dessin animé, des dents commencent à grincer. Les remakes déjà réalisés des classiques Disney, tels Le roi Lion, Dumbo ou La belle et la bête n'ont pas eu le succès escompté et beaucoup ne voient sans doute  pas l'intérêt de réaliser un remake d'un film qui a connu le succès.

En Chine, le succès du film de 1998  n'a pas été au rendez-vous, les chinois jugeant le personnage Disney peu authentique d'autant plus que Mulan est une figure traditionnelle entrée dans leur culture.
Le film présenté ici ne doit donc pas être considéré comme une nouvelle version de la réalisation de 1998 mais bien comme un film à part entière proposant une adaptation de la légende de Mulan, histoire remontant très loin dans le temps jusqu'au 4ème ou 5ème siècle.
 
Le personnage de Mulan apparait dans une ballade traditionnelle chinoise. Suite à un ordre de mobilisation générale de l'Empereur de Chine, cette jeune tisseuse prend les armes à la place de son père malade et, déguisée en garçon, combat pendant plus de dix ans dans les troupes impériales. Elle accèdera même au grade de Général. 
Mulan n'est en fait pas réellement chinoise à l'origine, étant issue d'un peuple turco mongol, les tabghaches, peuple nomade de cavaliers.  

Difficile de savoir si l'histoire a un fond de vérité mais ce personnage est devenu en Chine, au fil des siècles,  une héroïne nationale célèbrée par des écrits, films, pièces, ballets et mangas...rien que sur l'année 2020, trois films ont été réalisés en Chine.

Il serait long et fastidieux de lister toutes les évocations de ce personnage à travers les siècles. Ce qui est intéressant, c'est de savoir que le récit de Mulan a été étoffé au fil du temps par divers écrits jusqu'à prendre la figure d'une héroïne chinoise luttant pour son pays et pour son Empereur.
Film de 1928


La première adaptation cinéma date de 1928 ( Mulan rejoint l'armée) et sera suivie de plusieurs autres films, toujours réalisés en Chine. Il revient donc à la société Disney d'avoir fait connaître, grâce à son dessin animé, ce personnage en Occident.

En 2020, la réalisatrice Niki Caro est choisie pour travailler sur Mulan. La version se propose de revenir aux origines de l'histoire et de ses diverses illustrations pour amener plusieurs différences avec le dessin  animé, notamment en introduisant le personnage de la guerrière Dou Xianniang, née dans une version romancée du 17ème siècle et devenue ici une sorcière capable de se changer en animal ou de prendre possession d'un humain. Comme dans le roman, la guerrière se prend d'amitié pour la courageuse Mulan et lui demande de combattre à ses côtés. 
Le message féministe est donc bien présent pour répondre aux préoccupations actuelles et la réalisatrice du film a évidemment mis en lumière la condition des femmes, non reconnues par les hommes comme égales en courage et capables de combattre aussi bien qu'eux. 

Le film montre donc comment une jeune fille, Hua Mulan, rêvant de combats, entrainée au maniement du sabre et du bâton et montant à cheval telle une amazone, décide, le jour où son père malade doit partir au combat, de prendre sa place.
Quittant de nuit la maison familiale, elle réussit à intégrer l'armée, un ordre de mobilisation imposant à chaque famille de présenter un fils pour combattre l'ennemi.
Les débuts de Mulan dans ce monde d'hommes seront difficiles...Comment cacher que l'on est une femme au milieu d'un groupe de soldats ? Cela n'est donc pas sans poser des problèmes délicats pratiques pour se doucher ou pour enlever son armure au moment d'aller dormir....

A force de persévérance et par son courage, Mulan finit donc par être admise par les autres soldats et notamment par Chen Honghui qui devient son ami et peut être plus par la suite. Mais la jeune fille souffre de mentir à ses nouveaux amis et particulièrement à son chef et mentor, le Commandant Tung. Entre accomplir son devoir en continuant son entrainement et révéler sa véritable identité, le choix sera difficile.
Les péripéties vont donc s'enchaîner pour conduire l'héroïne jusqu'au combat final et à la mission ultime, sauver la vie de l'Empereur de Chine.


Le casting est à la hauteur de ce film à grand spectacle. Des grands noms du cinéma chinois ont en effet été appelés avec, en tête le plus fameux Jet Li, réalisateur et interprète de nombreux films de kung fu ( dont beaucoup à caractère historique) dont Hero, Il était une fois en Chine ou encore Le baiser du dragon. Jet Li interprète ici, méconnaissable, le rôle de l'Empereur de Chine. 

Le méchant ténébreux est interprété par Jason Scott Lee, connu surtout pour le rôle de Mowgli dans Le livre de la jungle de Steven Sommers en 1994 et que l'on retrouvera ensuite dans Les mille et une nuits de Steve Baron en 2000, où il interprètera Aladin. 
Ces deux films le posent en digne successeur de Sabu, l'acteur d'origine hindou spécialiste du genre aventures aux Indes, dans la jungle ou pays des milles et une nuits ( il avait lui aussi interprété un formidable Mowgli en 1942 et un personnage assez proche d'Aladin dans le superbe film Le voleur de Bagdad en 1940). Après avoir tourné dans divers films d'action de série B, Jason Scott Lee arrive en 2020 dans Mulan, méconnaissable (lui aussi).
Barbe noire, cheveux long, tout de noir vêtu sur un cheval sombre et l'air féroce, il incarne le méchant de l'histoire avec conviction.

Liu Yifei, actrice très connue en Chine au fil des divers films et séries, également mannequin et chanteuse, est Mulan. Son personnage est beau et solide, malgré une apparente fragilité.


Il est dommage qu'en raison de la crise sanitaire, le film ne soit jamais sorti sur grand écran mais directement sur la plateforme Disney, privant ainsi les spectateurs de la beauté et du grandiose de la réalisation, principalement dans les scènes de bataille et dans la vision du palais de l'Empereur de Chine.
Le travail sur les couleurs, sur les décors, les paysages et les costumes est de toute beauté.




On retrouve aussi certains éléments classiques des films chinois du genre, avec des combattants défiant les lois de la gravité pour s'envoler ou marcher sur les murs. ces effets sont employés avec parcimonie, ce que je trouve personnellement appréciable.
Le film s'adresse à un public adulte et non aux jeunes enfants ou aux adultes désireux de retrouver leur âme d'enfant.
On regrettera peut être le manque d'approfondissement des personnages et la rapidité de passage d'un événement à l'autre.
On retiendra un bel hommage à la culture traditionnelle chinoise, au visuel époustoufflant, servi par des acteurs chinois reconnus dans une histoire mêlant film de combat traditionnel et fantastique en hommage à un beau personnage de légende.


Statue de Hua Mulan au Jardin chinois de Singapour

La Comtesse : Il y a de la beauté à laisser le temps oeuvrer.

  La Comtesse - Film de Julie Delpy, 2009. Au nord-ouest de la Slovaquie, le Château de Cachtice dresse ses ruines gothiques sur une colline...