« Capestang ?
C'est Capitan qu'il faut dire ! c'est le capitan de
la comédie qui a besoin qu'on lui tire les oreilles ! » - extrait du roman de Michel Zevaco
Il Capitano ou Matamore est un personnage de la commedia dell’arte,
vantard et pleutre qui représente une caricature théâtrale de l’armée.
Le roman de Michel Zevaco en fera, grâce à son héros, un courageux
chevalier qui sera amené à dissimuler son identité sous les traits d’un Capitan
de comédie.
Le Capitan de la Commedia dell'arte - Abraham Bosse, 17ème siècle |
Le Capitan est un des romans feuilletons les plus connus de son auteur,
avec la saga des Pardaillan, paru en 1904 dans le quotidien Le Matin. Il fera
les délices des lecteurs, passionnés par son côté romanesque, ses multiples
rebondissements, ses personnages multiples et pittoresques et la reconstitution
minutieuse d’une époque.
Contrairement à d’autres célèbres romans de cape et d’épée comme les
romans de Dumas, adaptés de multiples fois – notamment Les trois mousquetaires
-, l’histoire du Capitan donnera lieu seulement à deux films dont le plus
célèbre demeure sans conteste la version d’André Hunebelle en 1960, avec jean
Marais et Bourvil. Ses rediffusions multiples à la télé lui permettent de faire
partie des souvenirs de nombreux téléspectateurs.
Pourtant, en 1946 , Robert Vernay en avait réalisé une première
version en deux époques, beaucoup plus fidèle au roman d’origine. Arrêtons-nous
ici sur cette version méconnue, sans chercher à comparer ces deux films, aux
styles très différents.
Cette version est composée d’une première époque intitulée Flamberge au
vent, suivie d’un second film, Le chevalier du Roi.
Le film a fait l’objet d’une restauration par Les archives du Bois
d’Arcy, ce qui permet aujourd’hui de le redécouvrir dans une jolie version noir
et blanc.
Le film a été tourné dans plusieurs châteaux dont Fontainebleau,
Chenonceau et Chinon - entre autres -
avec une belle figuration.
Huguette Duflos (Marie de Médicis) et Aimé Clariond (Concini )- Les danseurs sont les personnages de Capestang, Gisèle, le Roi et la Reine |
L’histoire s’ouvre de façon assez étonnante, après un générique très
animé – présentation des divers personnages, duel et cavalcade, le tout sur une
chanson entraînante et tonituante -, par la scène du mariage entre Louis XIII
et Anne d’Autriche, tous deux âgés de 14 ans, commentée à la façon de Léon
Zitrone le jour du couronnement de la Reine Elizabeth.
C’est l’occasion de nous présenter les personnages, déjà entrevus dans
le générique et de poser les bases des conflits et complots qui tournent autour
du jeune Roi, soumis à la régence de sa Mère, elle-même sous la coupe d’un
couple de gredins, Concino Concini et son épouse Leonora Galigaï.
Lise Delamare (Galigaï) et Jean Pâqui (Capestang) |
Parvenu à la cour du Roi, après diverses péripéties, Capestang va
devenir l’ami du jeune Louis XIII et s’emploiera à mettre fin à tous les
complots qui visent le trône, s’attirant ce-faisant de nombreuses inimitiés.
Notre héros peut heureusement compter sur l’amour de Gisèle, sur la tendresse
de la belle courtisane Marion Delorme – jouée par Sophie Desmarets -, sur
l’amitié empreinte de rivalité d’un jeune noble, Hercule de Nesle – joué par
Robert Manuel – et sur le dévouement de Cogolin - Jean Tissier - qui s’attache à
lui comme valet, écuyer et comparse sur scène -.
Le Capitan est interprété par Jean Pâqui, de son vrai nom Le Marquis Jean
d’Orgeix, issu d’une vieille famille de la région de Foix, en Ariège. Il aura
même le privilège de jouer son propre ancêtre Le Comte d’Orgeix dans le film de
Sacha Guitry, Si Paris nous était conté.
Grande figure de l’équitation française, il exercera divers
métiers : garde du corps, guide de brousse et écrivain, après une carrière
au théâtre et au cinéma.
Elève de Louis Jouvet, il commence sa carrière sur scène à 11 ans et
entame à 12 ans une carrière de vingt-cinq ans au cinéma – avec une vingtaine
de films-.
Démonstration des talents équestres de Jean Pâqui |
Sa belle prestance et son jeu assez grandiloquent conviennent fort bien
au personnage de Matamore qu’il interprète, le Capitan faisant à la fois
référence au style de personnage et au rôle qu’il est amené à interpréter sur
scène lorsqu’il se dissimule parmi une troupe de comédiens.
Robert Manuel (Nesle), Jean Pâqui (Capestang) et Claude Génia (Gisèle) |
De fait, le film est souvent joué à la façon commedia dell’arte. Interprété
par plusieurs acteurs de la Comédie Française, le jeu en semblera sans doute
désuet, car trop grandiloquent, pour les jeunes générations mais reconnaissons
les avantages non négligeables d’une telle façon de jouer : une diction
parfaite et un certain panache.
Parmi les acteurs les plus remarquables, on retiendra notamment Aimé
Clariond – grand interprète du répertoire classique du théâtre – dans le rôle
d’un Concini déchaîné et pleurnichard, des plus savoureux et le jeune Serge
Emrich, impressionnant d’assurance dans celui du jeune Roi.
Que l’on se rassure cependant ; on ne se trouve pas dans un jeu
théâtral figé mais bien dans une histoire à la Dumas – enfin à la Zevaco –
faite de multiple rebondissements : duels, poursuites, enlèvements,
déguisements.
L’aspect comique du film est assuré par Jean Tissier en Cogolin et
surtout par le personnage de Concini, piquant des colères terribles, se
lamentant beaucoup et méditant toujours de nouvelles vilenies, le tout avec un
accent italien caricatural.
Capestang se démène tout au long du film à lutter contre les ennemis du
jeune roi et à protéger Gisèle dont il est tombé amoureux. Les deux films se
déroulent sans temps mort, dans la pure tradition des films français de cape et
d’épée. Un bien agréable divertissement.
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