La croisée des destins - Film de George Cukor, 1956.
L’inde, ses traditions et son Histoire ont beaucoup inspiré le cinéma au cours des décennies. La mousson ( Clarence Brown, 1939), Le tigre du Bengale (Fritz Lang, 1959), Gandhi (Richard Attenborough, 1982), La route des Indes (David Lean, 1984) sont les plus belles réussites du genre.
Présentant, selon l’époque et le sujet, les traditions indiennes, la splendeur des Maharadjahs, la colonisation anglaise et la lutte pour l’Indépendance, ces films, adaptés souvent de la Littérature britannique, mêlent drame, aventures et Histoire.
La croisée des destins, œuvre beaucoup moins connue que les exemples cités, est l’adaptation d’un roman de John Masters, officier britannique ayant longtemps vécu en Inde. On s’attache à l’histoire d’une jeune femme, métisse anglo-indienne, Victoria Jones, à la veille de l’indépendance des Indes, en 1947. Venue rendre visite à ses parents et à son fiancé, Victoria, qui appartient à l’armée, est recrutée par le Colonel Savage, chargé d’assurer la sécurité des liaisons ferroviaires du pays, face aux mouvements de révolte qui se multiplient.
Quand le colonel a la séduction de Stewart Granger et l’héroïne, la beauté d’Ava Garner, on se doute que la rencontre fera des étincelles. L’histoire d’amour ne sera cependant pas l’aspect central, ni le plus intéressant présenté ici.
Filmé à Lahore, au Pakistan, le film impressionne par le nombre de figurants, une grande partie des habitants du lieu ayant certainement été embauchés pour l’occasion.
George Cukor et son équipe semblent avoir voulu occuper chaque cm2 de l’écran. Le tournage ayant apparemment suscité beaucoup d’enthousiasme et de curiosité, de nombreux badauds apparaissent sur les ponts, sur les toits et aux fenêtres, prenant part de façon naturelle aux événements en cours. De grands mouvements de foule sont ainsi mis en scène pour représenter les manifestations anti-britanniques et les mouvements de panique suite aux attentats perpétrés par l’extrémiste Ghanshyam.
A l’opposé des méthodes violentes de Ghanshyam – qui ira jusqu’à provoquer la mort d’un nombre impressionnant d’indiens suite au déraillement d’un train, qu’il fera sauter pour semer le chaos -, l’histoire présente un petit groupe de non violents, adeptes de Gandhi. Leur opposition à l’occupation britannique se matérialise dans une assez courte scène où , sagement incrustés au milieu des rails, leurs habits blancs immaculés, ils empêchent le passage d’un train. Pour les déloger, Savage fait jeter sur eux des seaux d’ordures, déclenchant une prise de conscience chez Victoria qui, profondément choquée par le geste, se tourne vers ses amis indiens, et sans le savoir va se trouver au milieu de dangereux activistes.
Les états d’âme de Victoria, déchirée entre sa culture britannique et le sang anglais qui coule dans ses veines, occupent une partie du film. Ses querelles avec son fiancé, également anglo-indien mais qui a opté définitivement pour son côté anglais, se révèlent cependant assez vite agaçantes, d’autant plus qu’on ne les verra à aucun moment rejetés ou en proie aux moqueries pour leurs origines. Vêtue de son uniforme, Victoria ne tranche pas sur les autres britanniques et, revêtue d’un sari, elle se fond aisément parmi ses amis indiens.
Le dernier aspect évoqué par le film est le drame vécu par Victoria qui, pour échapper à un viol, tue à coups de barre de fer, un officier anglais. Aidée par son ami Ranjit et sa famille, elle dissimule son acte et rencontre, sans le savoir Ghanshyam. Ce dernier aspect sauve le film de l’ennui, les états d’âme de Victoria ayant tendance à prendre le pas sur le côté historique de la lutte pour l’Indépendance. De fait, après les premiers épisodes de révolte, il semble que les mouvements se soient calmés ( !). L’histoire se centre alors sur le criminel poursuivi par Savage et le chaos qu’il va semer.
Le film surprend cependant par plusieurs raccourcis saisissants qui entraînent des invraisemblances et confusions, comme l’étrange cérémonie où l’on retrouve soudain Victoria et Ranjit, sans que l’on comprenne s’il s’agit d’un mariage ou d’une autre célébration.
On comprendra peut être mieux ce manque d’unité, en sachant que la censure avait frappé le film, notamment pour quelques scènes jugées trop osées entre Victoria et son amant. On peut penser ainsi que les ciseaux de la censure ont été peu précis.
On retiendra au final un film prenant, intéressant à suivre pour la mise en scène et le contexte historique et l’on attendra avec impatience le moment inéluctable où les deux héros, malgré leurs différences, tomberont enfin dans les bras l’un de l’autre.
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