La Comtesse - Film de Julie Delpy, 2009.
Au nord-ouest de la Slovaquie, le Château de Cachtice dresse ses ruines gothiques sur une colline dominant une belle réserve naturelle. Nous sommes dans la région des Petites Carpates, nom qui évoque bien sûr aussitôt grandes forêts, châteaux sinistres et vampires. De fait, l'histoire du Château de Cachtice pourrait bien faire écho aux exploits sanglants du fameux Vlad l'Empaleur, qui résidait également dans la région des Carpates. Cette fois, c'est une femme qui va nourrir l'imaginaire du pays par son histoire des plus terrifiantes, mêlant réalité et faits inventés sans qu'il soit possible de déméler le vrai du faux.....tout comme l'histoire de Vlad.
La Comtesse Erzsébet Bathory, héritière d'une des familles les plus puissantes de Transylvanie, a vécu fin 16ème-début 17ème siècle. Mariée très jeune à un guerrier impitoyable surnommé le Chevalier noir de Hongrie, elle gère d'une main de fer l'immense domaine où elle vit , tandis que son mari part guerroyer contre les Turcs, à la frontière. Devenue veuve, elle prend la tête du Comté et s'oppose au Roi de Hongrie, inquiet de la puissance des Bathory.
Les disparitions de jeunes servantes et paysannes du pays commencent un jour à inquiéter le pays, tandis que la Comtesse est accusée de torturer et de saigner les jeunes filles afin de rester éternellement jeune et belle grâce à leur sang. Les jeunes servantes du château disparaissent en effet mystérieusement et les fidèles de la Comtesse se rendent de plus en plus loin chercher de jeunes paysannes. C'est le moment où l'histoire devient imprécise sur le niveau d'horreur des crimes d'Erzsébet Bathory. Les déclarations de ses complices varient très fortement puisque le nombre de ses victimes oscillerait entre 35 et ....650 !
L'actrice- réalisatrice Julie Delpy écrit le scénario évoquant cette histoire et réalise le film la Comtesse en 2009. Très impliquée dans le projet, elle en écrit également la musique, participe à la conception de certains costumes et se donne le rôle-titre. Au lieu de donner une version grandiose et gore de l'histoire, la réalisatrice choisit de brosser un portrait plus intimiste du personnage d'Erzsébet à travers une reconstitution soignée de l'époque et un côté romanesque plus poussé. Après avoir évoqué la jeunesse de son héroine et son mariage, elle s'attache à décrire l'histoire d'amour - apparemment totalement inventée - qui va lier la Comtesse devenue veuve à un jeune noble de 21 ans, Istvan, fils de la puissante famille Thurzo, rivale des Bathory.
Julie Delpy interprète de façon convaincante la Comtesse à l'air rigide et au regard glacial qui s'enflamme pour le jeune Istvan dont elle tombe éperdument amoureuse. Lorsque celui-ci, obéissant aux ordres de son Père la quitte pour se marier, elle va sombrer dans la folie.
Plutôt que de décrire une folie meurtrière sans réel mobile, Julie Delpy a choisi d'expliquer la lente descente aux enfers d'Erzsébet comme la conséquence de l'éloignement de son amant qu'elle attribue à leur différence d'âge. Elle a 18 ans de plus que lui. Terrorisée par l'idée de vieillir, elle s'aperçoit (ou du moins croit) un jour, après avoir donné un coup à une servante qui lui avait par mégarde tiré les cheveux en la coiffant, que le sang d'une jeune vierge appliqué sur sa peau rend celle-ci plus lisse. Commence alors une spirale infernale sans fin, avec la complicité de deux servantes et d'un jeune serviteur muet.
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La sinistre cage de fer, dite Vierge de Nurenberg |
La Comtesse se fait amener des jeunes filles jusque dans un sombre cachot. Une scène, heureusement rapide, nous montrera une vierge de fer où est enfermée une des victimes pour faire couler son sang. L'horreur est plus suggérée que montrée à travers de rapides flashs comme lorsqu' Erzsébet, montrée de dos, se passe une lingette tâchée de sang en son bout sur la figure ou encore que l'on voit le visage blafard d'une jeune fille saignée au bras.
Trois principaux rôles se détachent dans l'histoire. Le rôle d'Istvan est joué par Daniel Brühl qui avait alors 31 ans et en paraissait 10 de moins. L'acteur-réalisateur a une carrière internationale bien fournie, depuis des séries allemandes, en passant par le film qui le révèlera, Good bye Lenin, jusqu'à une étonnante métamorphose dans la série de 2024, Becoming Karl Lagerfeld.
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Daniel Brühl (Istvan) et Julie Delpy |
Le déplaisant Thrurzo - personnage réel dans l'histoire authentique - est joué par William Hurt, acteur lui aussi aux rôles multiples (Les enfants du silence, La fièvre au corps, Jane Eyre ...pour ne citer qu'eux). un peu engoncé dans son costume 16ème siècle, je ne l'ai pas trouvé très à l'aise dans son rôle.
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William Hurt (Thurzo) |
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Anamaria Marinca (Anna Darvulia) et Julie Delpy |
On pourra reprocher au film une certaine froideur, due bien sûr au personnage central de l'histoire pour lequel on va au final éprouver une certaine pitié, et un certain parti pris de développer la thèse d'un complot mené par Thurzo pour s'approprier les terres de la Comtesse. Le spectateur reste alors un peu dans le flou bien que les crimes d'Erzsébet ne soient pas niés, mais ils seraient alors davantage expliqués, à défaut d'être justifiés !
A noter que le personnage de la Comtesse a largement inspiré la littérature et le cinéma, mais d'après les titres que j'ai pu voir, le personnage est surtout devenu pretexte à des films de vampire féminin : La Comtesse Dracula (1971), Mama Dracula (1980), La nuit du loup-garou (1981), crocs de la nuit (2005). On retrouvera également Erzsébet Bathory dans des pièces de théâtre, plusieurs jeux vidéos, un opéra, des morceaux de musique, des noms de groupes de hard metal ou de dark metal et même en jouet dans des figurines et poupées...ouf !
Si l'on veut découvrir un peu le personnage réel et l'histoire même un peu remaniée et se plonger dans l'atmosphère de l'époque et du lieu, mieux vaut regarder le film La Comtesse, un beau film en costumes, à la réalisation soignée qu'il est intéressant de découvrir.
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Quelques illustrations
Portrait supposé de la Comtesse peint en 1580 par Blocklandt Van Montfoort
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Dans la littérature |
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Ruines du Château de Cachtice |