Le Noël des Muppets - Film de Brian Henson, 1992.
L'approche de Noël est le moment idéal pour se replonger dans les diverses adaptations de l'histoire qui incarne sans doute le plus ( La bible exceptée !) cette période consacrée (normalement !) à la paix et à la fraternité en cette nuit de la Nativité, le roman Christmas Carol de Charles Dickens.
Parmi les multiples réalisations sur le sujet, la version Muppets mérite que l'on s'y intéresse, malgré l'appréhension que l'on peut ressentir à imaginer les personnages loufoques des Muppets s'emparer de l'histoire de Dickens.
Après la mort de Jim Henson, créateur des Muppets, c'est son fils Brian qui va approcher la Compagnie Disney pour proposer une adaptation de Christmas Carol. La question de savoir qui incarnera Scrooge est centrale . Après avoir envisagé Bob Hoskins, Peter O'Toole et Jack Lemon (ce dernier ayant déclaré qu'il voulait jouer Kermit !), le rôle sera attribué à Michael Caine.
L'acteur britannique à l'immense carrière voulait depuis longtemps faire un spectacle auprès des Muppets; il aurait déclaré à Brian Henson :"Je vais jouer Scrooge comme si j'étais avec la Royal Shakespeare Company. A aucun moment je n'agirai comme une marionnette ou face à des marionnettes".
Il réussit ainsi à être, selon moi, l'une des meilleures interprétations du personnage. Un personnage, d'abord très méchant, mais qui devient assez rapidement sympathique, participant volontiers à la découverte des Noëls passés et présents. Dans les diverses et nombreuses adaptations que j'ai pu voir, c'est sans doute une de celles où la métamorphose de Scrooge est la plus rapide.
Mêlant de façon intelligente humains et marionnettes, tout un petit monde s'anime dans les rues de Londres. L'ouverture est un régal, même les salades et autres légumes se mettent à chanter sur la charrette d'un vendeur de rues tandis que les souris mendient un bout de fromage et que les chanteurs de rues entonnent une chanson de présentation du personnage de Scrooge.
Le vieil avare exerce le peu glorieux métier d'usurier, prêtant à des taux indécents à des pauvres gens qui, faute souvent de pouvoir rembourser, se retrouvent à la rue. Ses employés travaillent dans une boutique glaciale ("je baisse, j'éteins, je décale" avant l'heure) faisant les comptes et rédigeant les nombreux avis d'expulsion des locataires.
L'arrivée du rayonnant Fred, venu souhaiter à son Oncle un Joyeux Noël et l'invitant comme chaque année à la fête, puis celle très humble de deux gentlemen Muppets venu quêter pour les pauvres, sont parmi les épisodes les plus fameux du roman. Ils sont scrupuleusement respectés et le dialogue est dit mot pour mot.
Laissant ses employés faire joyeusement la fermeture de la boutique, Scrooge retourne dans sa lugubre maison où il voit bientôt apparaître les fantômes de ses associés venus l'avertir que, faute de changer radicalement de vie, il est promis à sa mort à une grande souffrance, enchaîné et tourmenté par ses fautes. Seule la visite de trois fantômes peut le conduire à la rédemption, s'il accepte de les écouter.
Alors que le choix aurait pu être fait de presenter avec les Muppets une version décalée et empreinte de folie, la réalisation a choisi le respect de l'œuvre de Dickens.
L'impression aurait certes été très différente si Scrooge
avait été incarné par un Muppet!
Ici on retrouve tout le déroulement des scènes du roman de Dickens et une grande partie des dialogues, souvent cités mot pour mot.
Les intermèdes comiques, pas vraiment utiles parfois, sont assurés par Gonzo l'oiseau (enfin, par vraiment !) et son acolyte le rat Rizzo auxquels il arrive de nombreuses mésaventures tandis qu'ils suivent les diverses aventures de Scrooge...mais les personnages et leurs répliques humoristiques savent aussi s'effacer devant les moments émouvants et dramatiques comme lors de l'épisode de la rencontre avec le Noël futur.
Celle-ci commence d'ailleurs de façon peu encourageante dans un cimetiere face à un fantôme enveloppé de sombre et au visage, s'il y en a un (brrr....), caché dans une grande capuche.
On se trouve ému par le triste sort du petit Tiny, incarné ici par un bébé grenouille. On rit au personnage de Mrs Cratchit, interprétée avec sa verve habituelle par Miss Piggy la cochonne et on accompagne avec bonheur un Scrooge métamorphosé à la rencontre des divers personnages de l'histoire auxquels il va prodiguer cadeaux et bienfaits.
Les chansons accompagnant l'histoire sont de qualité. Kermit chante en rentrant chez lui dans les rues de Londres, soudain éclairé par une étoile filante, hommage ultime au créateur des Muppets, Jim Henson. On notera la prouesse technique d'animation du personnage qui apparait ici en entier, comme dans l'image emblématique du roman, Bob rentrant de la messe, avec Tiny Tim sur ses épaules. Dix marionnettistes ont été nécessaires pour créer cette animation et tous les plans de rue ont demandé des sols surélevés afin que les techniciens puissent par dessous manipuler les personnages.
Les scènes mélangeant ainsi humains et Muppets sont fort réussies et on prend plaisir à reconnaître tout un ensemble de Muppets, nous offrant une version colorée, tour à tour drôle et touchante de la très belle histoire de Dickens.
Joyeux Noël à tous !
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Frontispiece to Charles Dickens' A Christmas Carol, hand painted illustration by John Leech, 1843 Chapman & Hal Edition |