Houdini and Doyle : Tours de magie et spiritisme

Houdini and Doyle, 2016, série de David Hoselton et David N. Titcher


En 1900, Arthur Conan Doyle, débarrassé à tout jamais (croit-il) de son personnage encombrant, Sherlock Holmes, qu’il a précipité du haut des chutes de Reichenbach, peut enfin se consacrer à des œuvres plus importantes pour lui, comme son ouvrage sur la guerre des Boers. Suite à divers décès dans sa famille (sa femme puis plus tard son fils), il se passionne pour le spiritisme et la communication avec les morts. Il écrira ainsi divers ouvrages sur le sujet mais son public ne s’intéresse qu’à Sherlock Holmes.
Harry Houdini, magicien américain successeur de Robert Houdin,  se lance dans une quête pour démasquer les faux médiums, certain que les manifestations surnaturelles sont le fait de tours d’illusionnistes qu’il va s’employer à démasquer. Parallèlement à la tournée de son spectacle, il s’illustrera ainsi dans plusieurs affaires, ce qui lui inspirera une série d’ouvrages sur l’illusion et le spiritisme comme A magician among the spirits (1924).
Les deux hommes se rencontrèrent en 1921.

Partant de ces faits réels, la série Houdini and Doyle, titre traduit de façon fort simpliste par Les mystères de Londres, prend place en 1901 – et non en 1921 pour rajeunir les personnages-  lorsque Houdini, le grand magicien, vient faire une tournée en Angleterre où il fait la connaissance d’Arthur Conan Doyle. Les deux hommes sont unis par une passion commune pour les enquêtes policières et le surnaturel.
Une jeune femme sergent Adélaïde Stratton, première femme policier de Scotland Yard, vient rejoindre le duo, pour apporter une touche féminine à  l’histoire.
Après un premier épisode un peu sombre sur l’assassinat d’une Sœur, poursuivie par la vengeance d’une jeune novice à laquelle on avait retiré son enfant, la série s’oriente de plus en plus vers la comédie, malgré un fond d’histoire sérieux.
Il peut sembler étrange que nos trois amis – dont une femme -  soient envoyés seuls enquêter sur des meurtres en série, Doyle et Houdini usant de leur renommée et de leur influence pour obtenir des informations du chef de la police.
Ce postulat une fois accepté, on suivra avec plaisir les aventures de  nos héros, l’aspect de surnaturel et de mystère entourant chaque enquête étant chaque fois dissipé – seulement en partie généralement- par Houdini, qui en démonte les mécanismes.
L’intérêt de la série repose sur la confrontation entre les deux personnages, faite à la fois d’amitié et de rivalité : le sérieux Docteur Doyle, tenant du spiritisme et tourmenté par la douleur de voir sa femme dans le coma et le magicien farfelu et assez excessif, mettant en scène de multiples tours afin de démontrer ses théories.
Les histoires sont fort diverses – fantômes, voix de l’au-delà, réincarnation, monstre ailé…
Une série au fort potentiel, reconstituant soigneusement le Londres du début du siècle et hélas abandonnée au bout de seulement 10 épisodes. A découvrir.

La nuit du chasseur : Hommage à Billy Chapin

La nuit du chasseur, Charles Laughton, 1956


Affiche La Nuit du chasseur
Billy Chapin est mort le 3 décembre 2016 à l’âge de 72 ans. Pour la plupart d’entre nous, ce nom ne dira rien…mais une photo de lui enfant ramènera, pour ceux qui ont vu La nuit du chasseur, au petit garçon au regard profond qui tient tête à Robert Mitchum tout au long du film.


Il n’est encore qu’un bébé, en 1944, lorsque Lana Turner et Gary Cooper le prennent dans leurs bras (respectivement dans Le mariage.. une affaire privée et dans Casanova le petit). 
Il obtiendra à 8 ans le New York Drama Critics Award de la révélation de l’année 1951 après s’être fait remarquer dans la pièce Three wishes for Jimmy. La carrière de Billy sera hélas courte, minée par des problèmes personnels. Son rôle dans La nuit du chasseur demeure inoubliable et c’est sous les traits du petit John Harper qu’il restera dans les mémoires.

Réalisé par l’acteur Charles Laughton, épaulé par Robert Mitchum qui se serait occupé plus particulièrement de la direction des enfants ( Charles Laughton n’aimant guère les bambins, selon la légende), le film apparaît aujourd’hui comme une référence pour tout cinéphile. Je me suis dit qu’il était temps de le voir ou de le revoir.




Je me suis ainsi aperçu de deux choses :
1) d’abord que, contrairement à ce que je pensais je ne l’avais jamais regardé.
A force d’en entendre parler, j’étais persuadée du contraire.
2) que la plupart de mes éclaireurs(euses) de Sens Critique l’avaient vu, noté, voire critiqué.
Il est temps de donner plus précisément mon avis.
Robert Mitchum est un acteur à la carrure imposante et à la présence forte qui happe aussitôt le spectateur dès qu’il apparaît à l’écran. Dans le rôle d’un inquiétant faux pasteur, Il guette sa proie et étend son emprise sur tous ceux qu’il rencontre.
Mais avant d’être happée par l’histoire et l’intense atmosphère qui s’en dégage, c’est sur le plan esthétique que le film m’a donnée un grand coup au cœur, tout d’abord à travers ses mouvements de caméra audacieux : celle-ci commence par plonger sur les enfants réunis devant un corps de femme étendu. La caméra les dépasse, recule puis s’élance vers le ciel avant de plonger à nouveau, cette fois sur Robert Mitchum arrivant tranquillement en voiture et discutant avec Dieu. Dès ce moment-là, la caméra aura bien du mal à le lâcher et même quand il ne sera pas à l’écran, sa présence dominera tout le film.
Mais là où La nuit du chasseur mérite le terme de chef d’œuvre, c’est bien dans sa photographie qui magnifie le noir et blanc comme je ne l’ai jamais vu faire personnellement, grâce au chef opérateur Stanley Cortez – qui a déjà oeuvré sur le film d’Orson Welles, la splendeur des Ambersons. Chaque découpage de plan, chaque choix de lumière, sont pensés pour accompagner au mieux l’histoire, conférant à l’ensemble un mélange de poésie et de cruel réalisme. La scène des enfants descendant la rivière en barque pour échapper à leur prédateur est de toute beauté. Après la violence de la scène précédente, on est entraîné dans un moment de rêve et de contemplation, la barque glissant doucement sur l’eau aux reflets d’argent, sous le ciel étoilé. Lilian Gish, dans sa maison au bord de la rivière, apparaît comme une bonne fée sortie d’on ne sait où pour prendre les enfants sous son aile.


Mais le film contient aussi une violence à part, dans la mesure où elle est la plupart du temps suggérée, non montrée et même, concernant les enfants, plus psychologique que physique. La scène où Robert Mitchum coince John et sa soeur dans la cave et maintient la tête de Billy Chapin sur une caisse en le menaçant d’un couteau, est d’une violence inouïe par tout ce qu’elle suggère… le moment est terrifiant.
Le personnage et la dernière partie du film font cependant fortement penser au magnifique Les nerfs à vif, de Jack Lee Thompson, tourné 6 ans plus tard, où Robert Mitchum, à nouveau psychopathe, terrorise Gregory Peck et sa famille. La scène où il guette la femme et la fille de Gregory, que celui-ci a mises à l’abri sur un bateau caché dans les marais – quelle idée !! – avant d’assiéger la maigre cachette, distille cette même angoisse. Le personnage joué par Mitchum est quasi identique.
Le seul point négatif de ma critique concerne le côté un peu outré et caricatural de certaines scènes, comme celle où Shelley Winters, totalement sous l’emprise de son fou de mari , se lance dans une prédication de « femme grande pécheresse devant l’éternel ». J’ai trouvé la scène assez ridicule. Même ressenti dans la scène de foule s’apprêtant à lyncher le coupable ou se précipitant avec curiosité vers les pauvres agneaux (les enfants), victimes du faux prêcheur.
Ce détail mis à part, on retiendra un film marquant, à la beauté esthétique, due au noir au blanc, proprement stupéfiante et à un mélange de violence et de poésie savamment dosés. Une magistrale leçon de cinéma

Des pas dans le brouillard : Empoisonneur et gentleman


Des pas dans le brouillard - Film d'Arthur Lubin, 1955

La carrière anglaise de Stewart Granger comporte plusieurs beaux mélodrames, aujourd’hui injustement oubliés, tant sa carrière hollywoodienne nous a laissé l’image du bel aventurier aux tempes argentées des Mines du Roi Salomon et du Prisonnier de Zenda. Au fil d’un grand nombre de westerns et de films d’aventures, il incarnera l’aventurier séducteur. Les nostalgiques garderont surtout en mémoire le très beau couple formé avec Deborah Kerr.
C’est pourtant en Angleterre, en même temps qu’un certain James Mason, que Stewart Granger – de son véritable nom James Stewart – débute dans une série de films romantiques en costumes des Productions Gainsborough : The man in grey, Fanny by gaslight et Caravan, entre autres.
Après une brillante mais houleuse carrière hollywoodienne, James Stewart retourne en 1955 en Angleterre tourner Footsteps in the fog, sous la direction d'Arthur Lubin.
L'histoire se passe à la fin du 19ème siècle. Un beau et élégant gentleman, Stephen Lowry, assiste inconsolable aux funérailles de son épouse bien-aimée, sous l’œil attendri de ses amis.
Rentré chez lui, il contemple le portrait de sa femme, se sert un verre et lève celui-ci à sa santé – si on peut dire – tandis qu’un grand sourire victorieux éclaire son visage. Lily, la jeune servante de la maison est follement amoureuse de son maître. Lorsqu’elle découvre une fiole remplie d’un curieux liquide et qu’elle le teste sur des souris, elles voient celles-ci tomber raides mortes. Lily, à la fois par ambition, désir de revanche contre les autres domestiques et amour pour Stephen, va faire chanter celui-ci. Elle le contraint à la prendre d’abord comme gouvernante puis comme maîtresse des lieux. Stephen médite alors sur les moyens de se débarrasser de son encombrante maîtresse.


Commençant comme un mélodrame, baignant dans une belle atmosphère d’Angleterre de Jack the ripper, le film vire au film noir et au drame psychologique. L’originalité du film tient dans les relations ambigues entre Stephen et Lily, mélange de haine et d’amour (plus de haine pour lui, d’amour pour elle) et par le fait que les divers personnages agissent par intérêt. Lily se hâte de s’approprier les robes et bijoux de sa défunte maîtresse, David le jeune avocat, jaloux de Stephen veut exploiter à son profit les informations que lui apporte un témoin. Finalement, seule Elizabeth, amie de David mais amoureuse de Stephen, semble totalement sincère et désintéressée.
Le film contient quelques imperfections La scène du procès tourne au tragico-comique et j’ai trouvé l’humour qu’elle contient assez malvenu. La poursuite dans le brouillard souffre également de plusieurs invraisemblances, le côté enquête policière n’étant pas vraiment ce qui semble intéresser scénariste et réalisateur.
Enfin, Stewart Granger en empoisonneur n’est pas toujours convaincant.
On retiendra en fait surtout la magnifique prestation de Gene Simmons, dans le rôle de Lily, tour à tour perfide et attachante et très émouvante dans la scène finale.
On retiendra aussi la très belle photographie de Christopher Challis qui a travaillé sur quantités de films, notamment ceux de Michael Powell (Les chaussons rouges, La renarde, Le narcisse noir, Les contes d’Hoffmann…). Le film nous offre ainsi des couleurs flamboyantes, d’adroits jeux d’ombres et de lumière et une étonnante scène de poursuite dans le brouillard.
Un beau film à découvrir.

L'étrange rendez-vous: une oeuvre magnifique de Terence Young


L'étrange rendez-vous - Corridors of mirrors, film de Terence Young, 1948


Affiche L'Etrange rendez-vousCorridor of mirrors est un magnifique film anglais qui raconte l’histoire d’une jeune fille, Patricia, fascinée par un mystérieux esthète, Paul, qui l’emmène dans sa magnifique demeure hantée par le souvenir d’une belle vénitienne de la Renaissance, dont elle semble être la réincarnation.

Paul, convaincu d’avoir aimé Patricia dans une autre vie, veut revivre avec elle, à travers les fastes de la renaissance italienne, leur histoire d’amour malheureuse.

Un film beau et subtil, basé sur le jeu frémissant d’Edana Romney et sur le charisme d’Eric Porman, tour à tour inquiétant et émouvant dans sa quête de la beauté absolue, à la poursuite d’un amour disparu.
Christopher Lee fait une discrète apparition en ami de l’héroïne, si discrète que je ne l’ai pas immédiatement reconnu.
Le film marque par la belle réalisation du tout jeune Terence Young et les magnifiques jeux de lumière et plans qui baignent l’ensemble du film.
Un superbe noir et blanc où les lumières des chandelles projettent leur ombre sur les portes miroirs. Dans la grandiose demeure, on se perd, à la poursuite d’un mystérieux chat blanc, compagnon d’une femme inquiétante, à travers un dédale de portes miroirs, ouvrant soit sur des pièces, soit sur les trésors du propriétaire du lieu.
Comme l’héroïne, on se sent un peu pris de vertige. Les rapports entre les deux personnages sont subtils, ambigus. Une magnifique fête vénitienne vient ajouter à la poésie.


On regrettera la fin un peu précipitée et le fait que le film, au sujet ambitieux, aurait pu aller plus loin sur le thème de la réincarnation
Un film très beau, injustement méconnu et dont je suis ressortie émerveillée.

Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

  Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011. On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais égal...