L'aventure vient de la mer : Le souffle de l'aventure

L'aventure vient de la mer - Film de Mitchell Leisen, 1944.
Affiche L'aventure vient de la mer’histoire se passe au XVIIIème siècle, en, Angleterre. Dona St Columb est l’épouse d’un riche noble et mène une vie oisive à Londres. Lasse de la médiocrité de son dandy de mari et désireuse de fuir les assiduités de Lord Rockingam, un ami de celui-ci, elle part s’installer avec ses enfants dans son manoir des Cornouailles.

A son arrivée, elle a la surprise d’être accueillie par un serviteur inconnu, William, à l’accent étranger, au regard malicieux et qui semble diriger à sa guise la maison. Bien loin du flegme attendu d’un parfait serviteur d’un lord anglais, son franc-parler et sa bonhomie plaisent aussitôt à Dona.
Elle comprend cependant qu’en son absence une autre personne occupe les lieux et sa chambre et que William est au service de cet inconnu.
Se promenant dans les bois, elle découvre émerveillée, dissimulé dans une crique, un splendide voilier. Elle en rencontre le capitaine, un séduisant corsaire français Jean Benoit. La Lady et le corsaire, bien que de deux mondes forts éloignés se découvrent un même désir d’évasion, d’indépendance et une soif d’aventures.

Avec Rebecca et L’auberge de la Jamaïque, Daphné du Maurier offre ici son écriture la plus romanesque et passionnée et fait passer dans ce roman un grand souffle d’aventure. On ne saurait imaginer plus belle adaptation ( fuyez le remake de 1999) que le film de Mitchell Leisen servi par des acteurs impeccables et par la beauté des images.

Frenchman’s Creek (1944) Mitchell Leisen, Joan Fontaine ...Le film émerveille littéralement par la flamboyance de la photographie de George Barnes qui nous a déjà offert la beauté des couleurs de films comme Pavillon noir (Franck Borzage), Sindbad (Richard Wallace) et la perfection du noir et blanc dans de magnifiques drames adaptés de romans anglais comme Rebecca (Alfred Hitchcock) ou Jane Eyre (Robert Stevenson).


On remarque la beauté des costumes (robes, dentelles et rubans ) et des couleurs, la profondeur des paysages, l’originalité du manoir dont le grand escalier royal débouche sur la campagne (invitant à l’évasion).
Au cours du film, Dona s’allégera symboliquement de ses atours somptueux pour une tenue plus simple, jusqu’à son délicieux costume de mousse, au bonnet rouge, lorsqu’elle abandonne son identité de la frivole Lady St Columb.
Joan Fontaine est ici éclatante de naturel, tour à tour insouciante, combattive et passionnée. Le couple formé avec Arturo de Cordova – auquel on pardonnera de ressembler plus à un latin lover qu’à un français- est de toute beauté.

On s’amusera de la rencontre entre Sherlock Holmes (Basil Rathbone) et son Dr Watson (Nigel Bruce), tous deux superbement perruqués )… Basil dans son rôle de fourbe qu’il incarne si bien dans les films en costumes (Robin des bois, Le signe de Zorro…) et Nigel Bruce en éternel lourdaud.
Dans le rôle de William, Cecil Kellaway est excellent, son regard et ses remarques accompagnant l’histoire d’amour de Dona et de Jean dont il semble avoir prédit et favorisé la rencontre.

L’univers des corsaires est décrit de façon magnifiée. Les marins sont respectueux, obéissants et travaillent en chantant...même l’abordage du bateau devient un jeu.

Le Capitaine corsaire est un homme délicat et cultivé, lisant des poèmes de Ronsard et s’adonnant au dessin à ses heures perdues.
Dona et Jean s’extasient ensemble à la pensée de mourir pendus côte à côte au même arbre avant que la réalité qui les rattrape ne rende finalement pas cette pensée si heureuse.

La première partie du film se déroule dans une atmosphère d’insouciance avant que le drame ne rattrape les personnages. Le retour inattendu du mari de Dona, Harry, et des amis de celui-ci, venus débusquer le Français, va mettre fin au bonheur parfait des deux héros.
Finalement, peut-on imaginer titre plus rêveur que La crique du français (titre original : Frenchman creek ) ou bien sa magnifique (bien qu’éloignée) traduction, L’aventure vient de la mer .


Si l’aventure sur la mer ne mènera pas Dona aussi loin qu’elle l’aurait souhaitée, son escapade ne durant que quelques jours, ces moments seront intenses en aventures et lui feront vivre la sensation d’avoir enfin pu prendre son envol et s’évader…ce qui sera finalement l’impression ressentie par le spectateur à l’âme romanesque.

Bagarres : Le charme sauvage de la Provence

Affiche BagarresBagarres, film d'Henri Calef, 1948.

Bagarres, d'après un roman de Jean Proal – écrivain provençal – raconte l’histoire d’une belle jeune femme, Carmelle (interprétée par Maria Casarès), qui vit dans une maison isolée près d’un village de la région du Mont Ventoux, le sévère et aride Géant de Provence (son surnom).

Son amant, jacques, la convainc de devenir la servante d’un riche propriétaire, Badasse, pour s’en faire épouser et devenir son héritière. Mais Carmelle est si belle qu’elle éveille le désir et la jalousie de tous les hommes du village comme son patron, tout d’abord, prêt à tout lui donner ou un jeune homme à l’esprit dérangé, Angelin (Mouloudji), qui passe tout le film à commettre des vilenies par amour pour Carmelle (voyeur, incendiaire, dénonciateur et criminel). Les personnages sont durs, passionnés, sans honte d’afficher leurs sentiments.

Jean Proal | Ecrivain d'ombre & de lumière Projection de ...Seuls les deux frères bûcherons, vivant loin du village, apparaissent comme purs et sincères mais seront hélas rattrapés par la tragédie. Vivant au grand air, loin des bavardages et jalousies, Antoine (Roger Pigaut) est sincèrement amoureux de Carmelle tandis que son frère Baptiste (Jean Murat) joue le rôle de protecteur des deux jeunes gens.
Maria Casarès, belle et secrète est trop manipulatrice pour être réellement sympathique mais son amour pour Antoine est sincère.



Mais l’intérêt du film, c’est aussi le charme sauvage de la Provence du Mont Ventoux. Quant on voit Orane Demazis et Edouard Delmont, échappés de la trilogie de Pagnol, on se rappelle soudain que l’on est effectivement en Provence mais bien loin de Marseille et de son soleil radieux. Ici, le climat est rude, l’accent s’y fait à peine entendre. Orane Demazis joue toujours aussi mal mais on a plaisir à retrouver Fanny. Quant à Delmont, le brave marinier de Marius, il joue ici le rôle d’un vieil homme mauvais, tourmenté d’un désir secret pour sa patronne.

Un film assez dur au final mais qui possède un charme certain grâce au jeu intense des acteurs et aux beaux décors naturels de la Provence.
A découvrir.

Ripper Street : Whitechapel , quand rôdait encore le fantôme de Jack the Ripper

Affiche Ripper StreetRipper Street - Série de Richard Warlow, 2012.


L’inspecteur de police Edmund Reid et son équipe de la division H sont chargés de faire régner l’ordre dans le quartier de Whitechapel, à Londres. L’histoire se situe quelques mois après la fin des agissements de Jack the Ripper. Beaucoup de travail est encore à faire pour chasser le crime et la corruption mais Reid garde encore l’espoir fou de résoudre un jour l’affaire Jack l’Eventreur.

Dotée de moyens importants, la série décrit le Londres de la fin du XIXème siècle – de 1889 à 1900 - avec une précision quasi documentaire, abordant tous les thèmes du crime, des conditions sociales ainsi que les progrès scientifiques.
Les personnages principaux ne sont pas que des enquêteurs; ils font partie intégrante de l’histoire et leur portrait est tracé de façon approfondie.
Ripper Street series 5 episode 6 review: Occurrence ...

L’Inspecteur Edmund Reid, personnage central de l’histoire est un policier qui cache ses angoisses et sa fragilité sous une apparente rigidité. Obsédé par la justice, il s’est donné comme mission de débarrasser le quartier de Whitechapel de tout le mal qui y règne. Il est tourmenté par le regret de ne pas avoir réussi à arrêter Jack l’éventreur et par la douleur d’avoir vu sa fille disparaître dans un accident de bateau dont il est miraculeusement ressorti vivant.
La quête de son enfant, peut être encore vivante, sera le fil directeur de la saison 3.
Le Sergent Bennet Drake, qui deviendra plus tard Inspecteur, est le second de Reid. Ancien soldat, il traîne le lourd souvenir des combats qu’il a menés et des massacres auxquels il a participé. Sa fidélité à son chef est totale.

Complétant le trio d’enquêteurs, le Docteur Jackson est américain. Personnage paillard, ivrogne et ayant son franc-parler, il tranche avec ses deux collègues et se moque de l’attachement de Drake envers Reid. Ses échanges verbaux avec Drake sont hauts en couleur et souvent savoureux.
Deux femmes ont également un rôle déterminant. Long Susan, compagne de Jackson, tient une maison close de luxe. Femme d’affaires, elle basculera dans le crime. Ses relations avec Jackson sont houleuses et son amitié avec Edmund ambigüe. Rose, d’abord prostituée chez Susan, est tirée de la prostitution par l’amour que lui porte le sergent Drake. Contrairement aux autres personnages principaux de l’histoire qui comportent tous une part d’ombre, c’est un être simple et sincère.

Ripper Street: Watch an exclusive clip from the series finale
Ripper Street marque par la force de ses histoires, la violence de certains épisodes et les sujets parfois dérangeants qu’ils abordent – gangs d’enfants, monstres de foire, traite des blanches, prostitution...
On notera à ce propos un double épisode d’une qualité exceptionnelle « Blanc comme neige » et « Ne suis-je pas monstrueux ? » Dur et émouvant, il est basé sur le personnage de John Merrick, alias Elephant Man – magnifiquement joué par l’acteur Joseph Drake -, témoin impuissant d’un meurtre dont est accusé Edmund Reid.

Si chaque épisode se veut relativement indépendant, l’ensemble se suivra davantage comme un feuilleton, chaque scène finale entraînant un rebondissement qui annonce la suite. De même, la vie des personnages principaux se mêle étroitement aux enquêtes et au fur et à mesure que l’histoire avance, elle se centre de plus en plus sur ceux-ci, au cœur de plusieurs affaires :
la recherche de la fille de Reid, la tentative d’assassinat dont il est victime, la disparition de Drake….


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En 2013, au bout de deux saisons, la série est arrêtée par la BBC. Elle sera heureusement reprise par Amazon Video qui développera trois nouvelles saisons, permettant d’offrir une réelle conclusion à la série. Plus classiques, moins violentes et plus centrées sur les héros, les trois saisons supplémentaires nous mènent jusqu’au tournant du siècle.


Ripper Street est donc une série aux épisodes forts et prenants, grâce à la qualité des scénarios, au charisme de ses deux acteurs principaux – Matthew Macfayden en Inspecteur Reid et Jérôme Flynn en Sergent Drake –. Passée trop inaperçue lors de sa diffusion en France, elle constitue sans doute l'une des meilleures séries policières de la décennie.

Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

  Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011. On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais égal...