Du Guesclin : Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?

Affiche Du Guesclin
Du Guesclin - Film de Bernard de Latour, 1949.

Fils d’une famille bretonne de petite noblesse de Dinan, Bertrand Du Guesclin est un enfant laid et violent. L’histoire commence vers 1330 lorsqu’il fait irruption dans un banquet donné par ses parents, pour s’en prendre à son frère et renverser dans un geste de fureur la grande table. On brosse déjà le portrait de celui qui sera surnommé Le sanglier de Brocéliande, personnage fonceur et assez incontrôlable.
Outrée, sa Mère le renie, mais une Religieuse, Sœur Anne-Marie, qui étrangement possède des dons de prophétie, prédit que cet enfant violent deviendra la fierté de sa famille et sauvera la France. Elevé dans la piété, Bertrand se place sous la bannière de la Sainte Vierge ; son rêve, devenir chevalier et protéger son pays.


Après des débuts peu reluisants où il écume avec son ami Jagu la forêt de Brocéliande, à occire les anglais qu’il croise, il va au fil des batailles conquérir renommée et titres, au service du Roi Charles V : Chevalier, Connétable de France et de Castille, Duc de Trastamare et même Roi de Grenade.


Le film est présenté comme une chronique, racontée vingt ans après la mort de Du Guesclin par la voix de son fidèle compagnon Jagu – joué par Noël Roquevert – à un groupe de gens du peuple, venu se réfugier dans la Basilique Saint-Denis pour échapper aux troupes de Jean Sans Peur de Bourgogne, qui assiège alors Paris. On découvre le tombeau du Chevalier dont Jagu va raconter l’histoire pour rassurer ses compagnons.


Tourné peu d’années après la fin de la guerre, le film est évidemment fait pour exalter les valeurs patriotiques à travers la vie d’un héros des temps anciens, défendant la France et résistant aux envahisseurs. Le film glorifie d’autres temps, d’autres valeurs et cet aspect fera certainement grincer quelques dents. Il présente une vie entière de glorieuses batailles au service d’une France réduite à sa plus simple expression où le Roi passe sa vie en guerre avec les duchés et pays alentours, où l’épouse reste seule des années durant à la maison à guetter le retour de son époux.
« Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir? »
«Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie.»
(Barbe Bleue – Charles Perrault)


De même, ceux qui espèrent un film dans la lignée d’un Ivanhoé ou avec la flamboyance d’un Miracle des loups seront certainement déçus.
De fait, à part un tournoi et quelques assauts, le Château de la Duchesse Anne à Dinan ayant été réquisitionné à cet effet, peu de scènes d’actions seront montrées.

Le film propose cependant quelques scènes chocs, fort étonnantes pour l’époque, comme celle du champ de bataille couvert de cadavres nus, après le passage de détrousseurs ou celle d’un petit garçon, tenu la tête en bas par un pied, pour être enfermé dans un sac et jeté à la rivière.
Le manque évident de moyens se fait ressentir dans les décors, les costumes, les batailles, très artisanales, malgré la présence de 500 figurants – des soldats pour la plupart-.
Fernand Gravey, l’élégant dandy des années 30-50, s’est enlaidi pour jouer le personnage noueux et disgracieux de Bertrand. Il donne beaucoup de force et de présence à son personnage.
La distribution comporte également quelques surprises comme Gérard Oury en roi de France et Louis de Funès que l’on s’amusera à reconnaître dans trois rôles différents.


Un film fort intéressant à réserver très certainement aux férus d’Histoire plus qu’aux amoureux des films d’aventures de cape et d’épée, mais qui se suit sans ennui.

Adieu, ma belle : Un modèle de film noir

Adieu, ma belle - Film d'Edward Dmytryk, 1944.


Grand classique du film noir, Adieu ma belle en contient tous les ingrédients, détective plongé jusqu’au cou dans les ennuis, femme fatale, bagarres et assassinats et une histoire assez nébuleuse.
Dick Powell incarne un Philip Marlowe charmant et décontracté, très à l’aise dans la peau du personnage. Son personnage est franc, peu idéaliste car il travaille avant tout pour l’argent et non pour la justice – il ne s’en cache pas du tout-. Ses successeurs, Bogart et Mitchum seront également excellents dans le rôle mais dans un style différent, plus sévères et cyniques que Dick Powell, personnage plus décontracté – du moins dans la 1ère partie du film – et plus vulnérable.
Les femmes de l’histoire sont interprétées par Claire Trevor, la blonde manipulatrice et la brune Anne Shirley, sa gentille belle-fille.
Un bandage sur les yeux, Philip Marlowe est interrogé par deux inspecteurs. Accusé de deux meurtres, il va, pour se disculper, nous raconter toute l’histoire.
La caméra suivra, sans pratiquement jamais le lâcher, notre détective à travers son enquête qui commence par la recherche d’une femme disparue, petite amie d’un gangster à la mine patibulaire et se poursuit par toute une série d’événements, plongeant notre pauvre ami dans de graves ennuis. Généralement, dans tout bon film noir mettant en scène un privé, celui-ci à un moment donné se fait assommer ou tabasser. Notre pauvre Marlowe aura droit à tout : tabassé, battu, drogué, aveuglé…
L’histoire se déroule sans temps mort et on est vite assez perdu entre les deux enquêtes menées de front et dont l’explication finale, donnée assez rapidement, nous éclaire assez peu. Mais qu'importe au fond !
On notera aussi la très belle photographie noir et blanc donnant beaucoup de relief à certaines scènes nocturnes comme le rendez-vous mystérieux sur la route et la découverte du premier cadavre de l’histoire, ou encore la séquence onirique où sous l’effet de la drogue, les hallucinations montrent à Marlowe des portes s’ouvrant à l’infini.
Un excellent film que l'on peut sans hésitation qualifier de modèle du genre.

Jésus de Nazareth : Critique

Jésus de Nazareth - Film de Franco Zefirelli, 1977

Affiche Jésus de Nazareth
Pouvant être à la fois qualifié de film et de mini-série, car sorti sous des formats différents, le Jésus de Nazareth de Franco Zefirelli retrace avec minutie l’histoire des Evangiles. Le film est découpé en quatre parties d’une heure et demie environ. Sa durée conséquente de plus de 6 heures conduit ainsi à le voir comme une mini-série. Lors de sa sortie, il fut diffusé le Dimanche soir durant les vacances de Pâques dans une version plus longue. Une version plus courte (180 minutes) existe également.

Cette très belle adaptation se veut d’une fidélité totale, reprenant les paroles du Christ telles qu’elles apparaissent dans Le nouveau testament et suivant le déroulement de l’histoire qui y est tracée.
Le producteur Lew Grade, répondant à une demande du Pape Paul VI qui lui a soumis l’idée de produire un film sur la vie de Jésus, fait appel, en 1973, au réalisateur Franco Zefirelli. Le premier à rejoindre la distribution est James Mason, enthousiasmé par le projet, bientôt rejoint par un grand nombre de visages connus du cinéma et de la télévision. Le risque était un film un peu trop Hollywoodien prétexte à des numéros de grands acteurs, ce que Zefirelli voulait par-dessus tout éviter. Heureusement, il n'en est rien. Tous semblent s'effacer devant la formidable interprétation de Robert Powell, acteur alors inconnu choisi pour incarner Jésus.
Le regard bleu extraordinaire de l’acteur semble aller jusqu’au plus profond des âmes et son visage mince offre une sidérante ressemblance avec l’image traditionnelle que l’on peut se faire du Christ, telle qu’elle est également esquissée sur le Saint Suaire de Turin. Bien sûr, Jésus qui n’était pas anglais, n’avait certainement pas les yeux bleus mais on comprend le choix du réalisateur. Le Christ, petit garçon sera joué par Lorenzo Monet, enfant à la beauté et au regard presque surnaturels.

Zefirelli a déjà prouvé à plusieurs reprises qu’il avait l’œil d’un peintre. On se remémorera notamment le bouleversant Roméo et Juliette (où l’on trouvait dans le rôle de Juliette la lumineuse Olivia Hussey qui incarne ici Marie) ou le film sur l’opéra La Traviata de Verdi (où le réalisateur jouait sur les tons dorés, la somptuosité des palais particuliers et des costumes et sur des effets de transparences et flous). 


Il n’est qu’à voir ici le soin pris aux images et aux couleurs. La lumière baignant les champs d’oliviers, celle aveuglante du désert, la silhouette qui se dresse à contre-jour dans la pénombre et tant d’autres images saisissantes qui constituent autant de tableaux qui frappent les esprits. La disposition des personnages, la manière de révéler un détail ou un visage sont précisément pensées et on est frappé par la beauté de certains instants.
La scène du Golgotha donne le frisson. Par quelques images très fortes, un maillet enfonçant un clou dans un silence soudain, est transmise de façon intense le drame de la scène sans qu’il soit nécessaire de multiplier les effets sanglants. C’est certainement à cela que l’on reconnait un grand film et un grand réalisateur.

Le film est vraiment habité par la Foi. On sent la ferveur de son réalisateur et si le casting ne comportait certainement pas que des croyants, difficile certainement de ne pas être pris par l’atmosphère du film et les paroles citées.
Le film répondant plus ou moins à une « commande » du Vatican, les détracteurs reprocheront le côté « saint-sulpicien » dans cette mise en scène d’images du Nouveau Testament
On est frappé, cependant, par le soin minutieux pris à décrire la vie des personnages, à montrer la pauvreté des lieux, les petits métiers exercés. On plonge dans le quotidien des personnages et leurs traditions – à noter la scène bien faite et réaliste du mariage de Joseph et Marie ou la visite de Marie à sa cousine. Tout ceci confère au film beaucoup d’authenticité, bien que le film n’ait pas été tourné en Palestine mais au Maroc, en Tunisie et au Mexique.

Parmi le casting, plusieurs interprètes sont particulièrement remarquables, Michael York en Jean-Baptiste vociférant et inspiré, James Farentino qui incarne un Pierre bourru et tourmenté, Ian MacSchane qui montre un Judas complexe et la belle Olivia Hussey, si émouvante en Marie.
D’autres films ont été tournés sur Les Evangiles, le plus fidèle (outre le présent film) étant le colossal La plus grande d’histoire jamais contée de Georges Stevens (aidé de David Lean et de Jean Negulesco) qui reprend également avec précision scènes et paroles des Evangiles..
Il existe d’autres adaptations mais je doute que l’on retrouve un jour un film sur le sujet aussi inspiré que le Jésus de Nazareth de Franco Zefirelli.

Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

  Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011. On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais égal...