Tarzan et sa compagne : La vie ne vaut pas cher dans la Jungle

Tarzan et sa compagne, film de Jack Conway et Cedric Gibbons, 1934.

 La vie ne vaut pas cher dans la Jungle.
"TARZAN ET SA COMPAGNE" MOVIE POSTER - "TARZAN AND HIS ...Comme d’habitude, les personnages, blancs et noirs confondus, se font hardiment occire. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais dans la série des Tarzans avec Johnny Weissmuller, il est bien rare que les personnages s’en sortent. Si par bonheur, un ou deux explorateurs survivent, Tarzan les confie à un éléphant chargé de les ramener à la civilisation. Je me suis toujours demandé le temps qu’ils devaient mettre pour rentrer.
Le destin des pauvres porteurs est également dramatique. Poursuivis par des tribus hostiles, dévorés par des crocodiles, assaillis par des gorilles ou dégringolant au fond du ravin, ils sont joyeusement décimés au fil du film. Il est extrêmement rare qu’un porteur revienne d’une expédition au pays de Tarzan, ils ont donc tout à fait raison de craindre le djoudjou – tabou -.

Tarzan et sa compagne se déroule un an après le premier opus. Harry Holt, amoureux de Jane et qui a dû la laisser à contrecœur à la fin du film précédent, revient avec l’espoir de la ramener en Angleterre. Il est accompagné d’un chasseur d’ivoire, Martin Arlington, qui a pour but de trouver le Cimetière des éléphants, dont Harry lui a parlé et de le piller.
Jane accueille avec joie son ancien ami, qui lui a amené belles robes, parfum, musique… pour lui rappeler son pays natal. Le couple Tarzan-Jane vit toujours de manière aussi rustique dans une sorte de nid perché dans les arbres. Il faudra attendre l’épisode suivant pour qu’une cabane à la Robinson Suisse, dotée de tout le confort « moderne » voit le jour. Depuis un an, Tarzan a fort peu progressé dans sa pratique de la langue anglaise, il a cependant appris à dire « je t’aime, Jane » tous les matins, ce qui est déjà un début.
La vie s’écoule toujours « paisiblement » pour le couple entre baignades, promenades de liane en liane, le tout entrecoupé de diverses attaques d’animaux.

Dans une scène mythique, Jane revêtue d’une robe lamée apportée de Paris par Harry, est jetée à l’eau du haut d’un arbre par son cher et tendre époux. La robe s’accrochant aux branches, elle tombe nue dans l’eau où elle se livre à un beau ballet aquatique avec Tarzan.
Josephine McKim,- championne médaillée aux Jeux olympiques d'été de 1928 à Amsterdam - double Jane dans cette scène aquatique de toute beauté. C’est donc elle que l’on voit sauter à l’eau et évoluer en tenue d’Eve. Les ligues de vertu s’étant voilé la face d’horreur devant une telle nudité, Jane fut priée de se rhabiller. Le début du film la voyant porter un pagne ne cachant pas grand-chose puis une robe lamée ultra moulante et décolletée, Maureen fut forcée de revoir sa garde-robe. La scène suivante la montre vêtue de pied en cap en parfaite exploratrice de l’époque, jupe-culotte, chemisier et bottes, la scène ayant sans doute été tournée à nouveau. Elle retrouvera son pagne un instant après. Dans les films suivants, une robe courte, savamment effrangée remplacera la tenue osée de ce second film de Tarzan.

Le film se révèle surtout une suite de « numéros » d’animaux. Tarzan se trouvant aux prises avec un bestiaire des plus variés. Au sommet de sa forme, Johnny Weissmuller se dépense sans compter contre animaux, méchants chasseurs et cannibales. Les inclusions de scènes de savane sont plus habilement réalisées que dans le premier film, même si deux scènes montrent encore visiblement les acteurs devant un écran – la charge du rhinocéros et l’arrivée des éléphants conduits par Tarzan-. Après une première partie un peu longue sur la vie dans la jungle, le film prend un rythme plus intéressant jusqu’à la belle scène se déroulant dans Le cimetière des éléphants – aux décors peints un peu visibles-.
L’attaque des lions qui conclut le film est très réussie, bien qu’elle se déroule dans une certaine confusion, entre attaque de cannibales, charge des éléphants et des singes. Le domptage des fauves et leur assaut du rocher où se sont réfugiés Jane et les chasseurs est très impressionnant, les charmants animaux encerclant littéralement les personnages pour s’en approcher au plus près.

Malgré ses défauts techniques, un film agréable à suivre à condition de vouloir bien retrouver son âme d’enfant. Peut-être l’épisode le plus abouti de la série des Tarzans-Weissmuller.

Lire mes autres critiques des films de Tarzan :

Tarzan chez les Soukoulous

La plus grande aventure de Tarzan

Le trésor de Tarzan

Tarzan



Houdini and Doyle : Tours de magie et spiritisme

Houdini and Doyle, 2016, série de David Hoselton et David N. Titcher


En 1900, Arthur Conan Doyle, débarrassé à tout jamais (croit-il) de son personnage encombrant, Sherlock Holmes, qu’il a précipité du haut des chutes de Reichenbach, peut enfin se consacrer à des œuvres plus importantes pour lui, comme son ouvrage sur la guerre des Boers. Suite à divers décès dans sa famille (sa femme puis plus tard son fils), il se passionne pour le spiritisme et la communication avec les morts. Il écrira ainsi divers ouvrages sur le sujet mais son public ne s’intéresse qu’à Sherlock Holmes.
Harry Houdini, magicien américain successeur de Robert Houdin,  se lance dans une quête pour démasquer les faux médiums, certain que les manifestations surnaturelles sont le fait de tours d’illusionnistes qu’il va s’employer à démasquer. Parallèlement à la tournée de son spectacle, il s’illustrera ainsi dans plusieurs affaires, ce qui lui inspirera une série d’ouvrages sur l’illusion et le spiritisme comme A magician among the spirits (1924).
Les deux hommes se rencontrèrent en 1921.

Partant de ces faits réels, la série Houdini and Doyle, titre traduit de façon fort simpliste par Les mystères de Londres, prend place en 1901 – et non en 1921 pour rajeunir les personnages-  lorsque Houdini, le grand magicien, vient faire une tournée en Angleterre où il fait la connaissance d’Arthur Conan Doyle. Les deux hommes sont unis par une passion commune pour les enquêtes policières et le surnaturel.
Une jeune femme sergent Adélaïde Stratton, première femme policier de Scotland Yard, vient rejoindre le duo, pour apporter une touche féminine à  l’histoire.
Après un premier épisode un peu sombre sur l’assassinat d’une Sœur, poursuivie par la vengeance d’une jeune novice à laquelle on avait retiré son enfant, la série s’oriente de plus en plus vers la comédie, malgré un fond d’histoire sérieux.
Il peut sembler étrange que nos trois amis – dont une femme -  soient envoyés seuls enquêter sur des meurtres en série, Doyle et Houdini usant de leur renommée et de leur influence pour obtenir des informations du chef de la police.
Ce postulat une fois accepté, on suivra avec plaisir les aventures de  nos héros, l’aspect de surnaturel et de mystère entourant chaque enquête étant chaque fois dissipé – seulement en partie généralement- par Houdini, qui en démonte les mécanismes.
L’intérêt de la série repose sur la confrontation entre les deux personnages, faite à la fois d’amitié et de rivalité : le sérieux Docteur Doyle, tenant du spiritisme et tourmenté par la douleur de voir sa femme dans le coma et le magicien farfelu et assez excessif, mettant en scène de multiples tours afin de démontrer ses théories.
Les histoires sont fort diverses – fantômes, voix de l’au-delà, réincarnation, monstre ailé…
Une série au fort potentiel, reconstituant soigneusement le Londres du début du siècle et hélas abandonnée au bout de seulement 10 épisodes. A découvrir.

La nuit du chasseur : Hommage à Billy Chapin

La nuit du chasseur, Charles Laughton, 1956


Affiche La Nuit du chasseur
Billy Chapin est mort le 3 décembre 2016 à l’âge de 72 ans. Pour la plupart d’entre nous, ce nom ne dira rien…mais une photo de lui enfant ramènera, pour ceux qui ont vu La nuit du chasseur, au petit garçon au regard profond qui tient tête à Robert Mitchum tout au long du film.


Il n’est encore qu’un bébé, en 1944, lorsque Lana Turner et Gary Cooper le prennent dans leurs bras (respectivement dans Le mariage.. une affaire privée et dans Casanova le petit). 
Il obtiendra à 8 ans le New York Drama Critics Award de la révélation de l’année 1951 après s’être fait remarquer dans la pièce Three wishes for Jimmy. La carrière de Billy sera hélas courte, minée par des problèmes personnels. Son rôle dans La nuit du chasseur demeure inoubliable et c’est sous les traits du petit John Harper qu’il restera dans les mémoires.

Réalisé par l’acteur Charles Laughton, épaulé par Robert Mitchum qui se serait occupé plus particulièrement de la direction des enfants ( Charles Laughton n’aimant guère les bambins, selon la légende), le film apparaît aujourd’hui comme une référence pour tout cinéphile. Je me suis dit qu’il était temps de le voir ou de le revoir.




Je me suis ainsi aperçu de deux choses :
1) d’abord que, contrairement à ce que je pensais je ne l’avais jamais regardé.
A force d’en entendre parler, j’étais persuadée du contraire.
2) que la plupart de mes éclaireurs(euses) de Sens Critique l’avaient vu, noté, voire critiqué.
Il est temps de donner plus précisément mon avis.
Robert Mitchum est un acteur à la carrure imposante et à la présence forte qui happe aussitôt le spectateur dès qu’il apparaît à l’écran. Dans le rôle d’un inquiétant faux pasteur, Il guette sa proie et étend son emprise sur tous ceux qu’il rencontre.
Mais avant d’être happée par l’histoire et l’intense atmosphère qui s’en dégage, c’est sur le plan esthétique que le film m’a donnée un grand coup au cœur, tout d’abord à travers ses mouvements de caméra audacieux : celle-ci commence par plonger sur les enfants réunis devant un corps de femme étendu. La caméra les dépasse, recule puis s’élance vers le ciel avant de plonger à nouveau, cette fois sur Robert Mitchum arrivant tranquillement en voiture et discutant avec Dieu. Dès ce moment-là, la caméra aura bien du mal à le lâcher et même quand il ne sera pas à l’écran, sa présence dominera tout le film.
Mais là où La nuit du chasseur mérite le terme de chef d’œuvre, c’est bien dans sa photographie qui magnifie le noir et blanc comme je ne l’ai jamais vu faire personnellement, grâce au chef opérateur Stanley Cortez – qui a déjà oeuvré sur le film d’Orson Welles, la splendeur des Ambersons. Chaque découpage de plan, chaque choix de lumière, sont pensés pour accompagner au mieux l’histoire, conférant à l’ensemble un mélange de poésie et de cruel réalisme. La scène des enfants descendant la rivière en barque pour échapper à leur prédateur est de toute beauté. Après la violence de la scène précédente, on est entraîné dans un moment de rêve et de contemplation, la barque glissant doucement sur l’eau aux reflets d’argent, sous le ciel étoilé. Lilian Gish, dans sa maison au bord de la rivière, apparaît comme une bonne fée sortie d’on ne sait où pour prendre les enfants sous son aile.


Mais le film contient aussi une violence à part, dans la mesure où elle est la plupart du temps suggérée, non montrée et même, concernant les enfants, plus psychologique que physique. La scène où Robert Mitchum coince John et sa soeur dans la cave et maintient la tête de Billy Chapin sur une caisse en le menaçant d’un couteau, est d’une violence inouïe par tout ce qu’elle suggère… le moment est terrifiant.
Le personnage et la dernière partie du film font cependant fortement penser au magnifique Les nerfs à vif, de Jack Lee Thompson, tourné 6 ans plus tard, où Robert Mitchum, à nouveau psychopathe, terrorise Gregory Peck et sa famille. La scène où il guette la femme et la fille de Gregory, que celui-ci a mises à l’abri sur un bateau caché dans les marais – quelle idée !! – avant d’assiéger la maigre cachette, distille cette même angoisse. Le personnage joué par Mitchum est quasi identique.
Le seul point négatif de ma critique concerne le côté un peu outré et caricatural de certaines scènes, comme celle où Shelley Winters, totalement sous l’emprise de son fou de mari , se lance dans une prédication de « femme grande pécheresse devant l’éternel ». J’ai trouvé la scène assez ridicule. Même ressenti dans la scène de foule s’apprêtant à lyncher le coupable ou se précipitant avec curiosité vers les pauvres agneaux (les enfants), victimes du faux prêcheur.
Ce détail mis à part, on retiendra un film marquant, à la beauté esthétique, due au noir au blanc, proprement stupéfiante et à un mélange de violence et de poésie savamment dosés. Une magistrale leçon de cinéma

Hugo Cabret : "Quel est donc l'homme à notre époque qui pourrait vivre sans féerie, sans un peu de rêve ?"

  Hugo Cabret - Film de Martin Scorsese, 2011. On sait le Réalisateur Martin Scorsese amoureux du cinéma, par sa carrière bien sûr mais égal...